La Comptine du Quai Aux Fleurs -Jacques Marchais/Aragon


Marie-François FIRMIN-GIRARD

La Comptine du Quai Aux Fleurs

Jacques Marchais/Aragon


La comptine du Quai aux Fleurs

C’est ici que la légende
A mûri comme un grain lourd
Et que l’univers m’entende
Quand je chante mes amours

C’est ce peuple qui commence
Son histoire à Roncevaux
Roland l’ancienne romance
Et Fabien le chant nouveau

Comme on tresse avec la paille
Des paniers de deux couleurs
Je mêle aux noms de batailles
Les brins noirs de nos douleurs

La Bastille et la Commune
Les Bouvines et les Valmy
Jeanne et Péri ce n’est qu’une
Longue histoire mes amis

Châteaubriant Timbaud tombe
Brulez enfants d’Oradour
Au soleil des hécatombes
Sur la France il fait grand jour

Paris sonne sa revanche
Que de roses dans Paris
Dans Paris que de pervenches
Et le Luxembourg est pris

Pour achever ma comptine
Je marie en un bouquet
Au romarin l’églantine
La marguerite au muguet

De l’Etoile à La Vilette
Et de Montrouge aux Lilas
Violettes violettes
Je vous donne à ces gens là

Louis Aragon

SOUS LES PEINTS


HENRI MANGUIN

SOUS LES PEINTS

Du chien qui court

la montée s’allonge

des tuiles apparaissent entre les feuilles

C’est le pore de la pierre qui derme

de la plante aux pieds

aux virages des lacets

Quelques fleurs demeurent

la cloche des vaches écarte le reptile

Au réveil des abeilles

ton odeur plus intime

se rappelle à mon passé 17 h

Des rondeurs apparaissent

dans le repli du mur de clôture des peints où tu as posé

les bras levés sur la montagne pour me tenter de tes seins

grande ouverte dans l’Olympe

la mer ramenée dans l’odeur

du trou d’eau au galop d’escalade

un faire forgé sellé sur la crinière du campanile.

Niala-Loisobleu.

7 Octobre 2022

Ténacité non lucrative


NIALA

Ténacité non lucrative

Être toujours nu en tout garde sa vertu

les moines

on ne saurait dire où les trouver

mais la fringue est là

influençant à faire le paraître

L’artiste tenu par sa tripe demeure en sa vigne

sans qu’un nom latin le classe dans une famille végétale

plus pugnace que la mauvaise herbe

J’ai parlé de l’eau

c’est l’amour qui la pompe

j’ai laissé l’huile

pour la prendre pour médium quand la décadence a pris place

tarissement des concepts

Chez toi, ou chez moi

on tire son coup

trois p’tits tours et puits s’en vont

crée nom de dieu sans privilégier la célébrité

c’est du volatile !

Niala-Loisobleu – 7 Octobre 2022

CHANTAL DANJOU


PAUL GAUGUIN

CHANTAL DANJOU

Auteur d’une trentaine d’ouvrages (poésie, essai, prose), critique littéraire, par ailleurs membre du conseil de rédaction des Editions Encres Vives et directrice du comité de rédaction de la revue Décision, Chantal Danjou vit et travaille aujourd’hui dans le Var. Docteur ès lettres (La femme seule à travers Colette et Katherine Mansfield, Paris-Sorbonne IV), professeur durant de nombreuses années, elle intervient à présent dans des instituts universitaires de formation d’enseignants et dans des Universités (direction de mémoires, cours sur la poésie contemporaine et conceptions de projets concernant la lecture, la traduction et l’expérience poétiques comprenant la pratique d’ateliers d’écriture). Son intérêt pour la psychanalyse lui permet de développer son travail pédagogique. Enfin, depuis 1989, elle est présidente de La Roue Traversière, l’association qu’elle a cofondée, autour de la poésie contemporaine et de l’interdisciplinarité artistique.
Ses derniers titres en poésie sont L’ancêtre sans visage, Ed, Collodion, 2016 (livre d’artistes) et 2017 (pour l’exemplaire de librairie) ; Inutilité de voir venir, 2016 et La concomitante, 2017, les deux chez Ed. Encres Vives ; un livre d’artistes, Nuit à habiter, leporello avec Maria Desmée, 2017.
Ses titres les plus récents en prose sont Les Jardins d’Essais et Journal de la main, les deux titres aux Ed. Orizons, 2017 ; chez le même éditeur, Le souffle du noir, essai et La jumelle qui dansait au milieu du jour, roman, 2019 ; L’ombre et le ciel Le ciel et l’ombre, roman, 2021.

Extrait de FEMME QUI TEND LA TORCHE, mise en regard avec Henri Yéru, Ed. Mémoire Vivante, Paris, 2014

Swan
Couple de cygnes
blancs longs sauvages
sur loch deux adjectifs
qui se prolongent
chuintement des plumes
puis grincent puis s’étouffent
dans les brumes
émotion intense
de se retrouver
pour faire le Beau
entre les branches
entre les souvenirs
et de l’amour que cette étendue
aux vagues jetées comme
des nappes et le vin rouge
des adjectifs à l’extrémité
de leur col tranche
rouge blanc et l’assiette
du laid renversée et la cruauté
dans cinq verrines au moins
et la tête des cygnes à déguster
chaude et un nouveau couple
s’abat incapable de ne pas
refaire le Beau
entre les branches nues
et les souvenirs
et du chant ce grincement

Chantal Danjou