JACQUES BERTIN – PROSE DES JOURS LONGS


Jacques Bertin « Prose des jours longs »

J’étais solitaire chaque jour un peu plus. J’aimais me taire
Je doutais de qui j’étais chaque jour un peu plus. Je guettais
Sur les visages de mon âge la tristesse, ses sillons,
La certitude aussi de la défaite intime. Nous traînions

Chacun le deuil d’un amour sans cadavre dans un sac trop lourd
Les manigances de l’amour et la gifle de la hautaine
Nos âmes fêlées par un simple mot comme des porcelaines
Et ce qu’on n’ose pas crier à la hautaine dans les cours

L’abjecte société, l’un après l’autre, nous avait meurtris
Bien des gens que j’aimais s’y sont, par ambition, laissés corrompre
Ils sont perdus corps et biens comme vaisseaux dans l’opaque gris
Ils suivaient comme au jeu, par orgueil : Ah, plutôt ramper que rompre!

Il me semblait pourtant savoir, et de mieux en mieux, où j’allais
Je m’appliquais à travailler dans la mémoire de mon père
Y cultivant ses idéaux perdus ainsi qu’en un jardin
Pour que mon fils en fût encouragé à les transmettre au sien

Et quelque chose vive ainsi en aval de nous, s’il se peut
Obscure foi qui me tenait! Qui j’étais ne sachant plus guère
Comme un rêveur dans un grenier parlant tout seul, les jours qu’il pleut
Ou bien aux anges dans un poulailler étrange dans la guerre

Jacques Bertin

NOTRE DEMEURE PAR MICHEL DEGUY


NOTRE DEMEURE PAR MICHEL DEGUY

Dame de près l’ombre chat sous ta main de peintre

joue
Tandis que l’âge crible la mienne drainant le derme

(et mince taie sur la pupille)
La paume de la nuit en sueur scintille sur la nuit

Une meule d’étoiles se rentre à l’horizon urbain
La lune fardée comme une
Japonaise
Approvisionne là l’immeuble de la nuit
Les feux du stade bordent notre alcôve

Une demande précautionneuse

Cherche ta voix
Que ta diction lente et courtoise exauce

Michel Deguy

JEU DE CUBES


JEU DE CUBES

Sorti du berceau de la grande rivière le petit-enfant pose sa main

le poisson s’approche

entre les doigts flotte la plume

Des rousseurs qui montent un battement sanguin met son fruit dans l’arbre

la côte est proche

un château commence à sortir du seau

En deux vagues au sein des douves l’herse coupe de la raison dangereuse

l’enfant grandira de taille sans bouger d’état d’esprit.

Niala-Loisobleu – 17 Janvier 2022

MOMENT CHOISI


MOMENT CHOISI

La voici parvenue au centre de la journée pleine où rien ne pousse hors l’embouteillage

Le moment paraît bien choisi pour lui avancer le fauteuil oùle soutien moral s’est glissé

A voir l’envie que le chien témoigne ça doit faire un baume sur la douleur qui pèse

Sur l’accoudoir prêt à tout

l’oiseau est à la commande d’inclinaison

le peint du matin l’a pulsé en plaçant Orange en orbite

Il projette à présent son affiche dans une nouvelle inspiration anémone au coude à coude avec la Muse

C’est serein …

Niala-Loisobleu – 17 Janvier 2022

COLLINE de JACQUES BERTIN grimpée à mon ressenti


COLLINE de JACQUES BERTIN grimpée à mon ressenti

C’était juste pendant les très grandes chaleurs,
Cette année là, nous cherchions à nouveau un logement,
En attendant nous étions chez une amie qui était belle
Mais nous ne faisions pas l’amour et sans doute c’était à cause du temps

Ou c’était que nous n’étions pas chez nous et tu t’étonnais de cela

Et je savais que l’homme est une mécanique plus fragile
Que les appareils compliqués qu’on voit dans les musées silencieux
Et qui oscillent sans un bruit et sont mystérieusement utiles
Tu venais juste de reprendre le travail et tu avais du mal,
Nous étions de passage et Colline qui était belle
Parfois nous la surprenions nue et nous la regardions
Avec amour dans son sommeil
Et tout trois nous nous aimions bien

Nous ne faisions pas l’amour, et par timidité peut être
Parceque cela aurait remis en route quelque part une de ces machines éteintes
Pourtant nous nous aimions, les choses sont si simples
Que ces machines qu’on dérègle pour un rien sont sans complications

Je ne sais, oh, je ne sais, pourquoi j’écris tout cela
Pour tendre un filet à travers ma vie qui m’entraîne
Il faisait dans l’appartement une chaleur
On ne respirait plus
Nous étions dans une parenthèse élevée d’un immeuble de notre vie
Un jour, je me dis que peut être nous aurons enfin une maison Sur la pointe de l’ile entre les deux bras et les années qui passent
Je les verrai venir et se mêler à mon passé
Comme dans les tourbillons de la Loire,
L’eau et ensuite, l’eau paresseusement va mourir dans les sables
Crois tu qu’un jour nous aurons réellement une maison
Avec une bonne amie à nous et nous saurons avoir la force
De nous aimer, nous l’aimerons sans peur souviens t’en
Ce sera bien plus beau et bien plus pur qu’un couple même comme nous deux

Ce sera comme une prairie dans la partie ombragée de l’été vers le soir
Tu n’auras pas peur de l’orage et ni surtout de toi même,
Dans l’herbe, on aura disposé ces machines inutiles des musées,
Avec des balanciers, des contrepoids, des rouages de cuivre, des roulements…
Et il flottera une de ses chansons mélodiques que chantait nos parents,
Pour qui crois tu que nous serons capable de cette fête, souviens t’en …

Jacques Bertin

Quel tremplin que celui de tes seins dont l’oblique du regard hisse au large

c’est archipel à portée

les sentes au baissé de culotte des chemins détournés

A l’étreinte de l’attente nos corps attelés sillonne le cheval pour le retour du grain

rassurée par la reconnaissance de ton argument d’écriture tu n’as plus peur de le dire cet amour absolu

dans l’oeil du chien ta fidélité en gardienne du désir réveillé

Et sur l’onde de ce qui flotte de notre concept, le bateau de papier lancé à la poursuite de l’espoir

Niala-Loisobleu – 17 Janvier 2022

ANTI-BROUILLARD


ANTI -BR

La poésie perce le brouillard de l’inconnu

Elle discerne la bonne personne

Les mots justes ouvrent le chenal dans le bouillon de moules. Tout change au profit du vrai visage

Lâché de son emprise le quotidien rétrograde

Niala-Loisobleu – 18 Janvier 2022