La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
L’attente en moi s’accorde à la cascade Clinquante de chaleur La sueur comme un drapeau tendu par l’air Je hisse mon paquet de destin
Tel un message lancé sur la terrasse
Je chuchote — cymbale instable
Les mots outrés de ma prochaine clarté
Raison empoisonnée
Ton théâtre me méduse
Mais ta tête est coupée
Tout se risque
Harcelé au centre épouvanté du ventre
La terre du torrent d’atomes
Opère sa trouée en plein ciel couvert
Agité par ses aras hurleurs
Sa blessure aiguë comme une scierie
Mon cœur insiste.
Ouvert, chassé d’un désert de tiédeur J’aimante le brasier, je charge en moi la terre. Je sors de mon carcan, mon sang est survolé. Je hurle et j’extermine en moi tous les guerriers. Mon corps est un combat. Ma tête est envahie. La mort est paradis si mon amour me supplicie. À vif et violenté — je cogne à la porte blindée.
Séismes du monde ! Choeurs et catastrophes ! Notre ombre sur la terre est le péril de l’épervier
nous sommes cellules infimes d’un monstre inexploré Notre patience est d’un caillou sous le ventre du fracas Notre force est dans l’éclat où nous perçons la rage à jour
Nul séjour n’est comblé
L’œil collé aux interstices
Nous cherchons les golfes de l’univers
Au lieu de surgir où nous sommes — ici
Au lieu de nous changer dans la turbine
Au lieu d’aimer notre racine
Au lieu de lier norte anxiété au tambour de terreau
Un immense printemps des eaux une débâcle Qui va dans tous les sens s’égare et se confond Reprend sa route on ne sait trop par quel miracle Puis s’arrête à nouveau dans les terrains profonds
Ils coulent de partout ces ruissellements d’hommes Des hauts-plateaux du bas-pays et des névés Il en sourd des marais des fondrières comme Du mâchefer des cours du tuf ou des pavés
Ils charrient avec eux leur terre d’origine Alluvions de la nuit qui s’amasse et croupit L’ardoise et le mica le schiste des ravines Les superstitions l’erreur et l’utopie
Les déchets de la ville ou l’humus des pâtures Alourdissent leur cours de nouveaux sédiments Tout veut les détourner et tout les dénature Tout les capte et les perd Le ciel même leur ment
Ils coulent de partout roulant avec leurs songes Le pêle-mêle ancien des sables et des boues Ils coulent de partout et les plus beaux mensonges De partout débordés n’en viendront pas à bout
Ils coulent de partout dans le bruit des querelles Et des divisions que l’on croit infinies Ils prennent le chemin de la mer naturelle Où l’eau claire à la fin se rassemble et s’unit
Qu’importent les retours les doutes les attentes Les lacis les refus les craintes les faux pas Rien ne peut arrêter ni les herbes flottantes Cette marche à la mer ni les joncs du delta
Qui saura dire un jour l’aimant Cette attirance Dont déjà si longtemps on avait dans l’idée Qu’elle triomphera Dont tu sais par avance Que tu l’as pour destin Qu’il t’y faudra céder
Mais devant ce danger de sève sous l’écorce Cette insurrection du cœur et des pensées Un monde en toi battait le rappel de ses forces Tout un monde saisi d’une peur dépassée
Tout ce que tu portais en toi du fond des âges Ce recommencement d’hier par aujourd’hui Et la règle établie et le pli des usages Et dans les pas anciens les nouveaux reconduits
Ou bien c’était perdant le sens et la mesure
Cet esprit de révolte à qui rien ne suffit
Qui tout comme au château s’en prend à la masure
Échafaudant le paradoxe et le défi
Tu te trompais facilement au tintamarre Que l’ennemi déchaîne avec les mots abstraits T’imaginais briser toi-même tes amarres Et choisir les récifs qui pourtant t’éventraient
La chenille au moment de la métamorphose Ignorant l’aile et l’air médit du firmament Il t’arrivait d’écrire à la hâte des choses Que tu liras plus tard avec étonnement
Peut-être aveuglément naufrageur de toi-même Te voulais-tu fermer tout devenir humain Disant l’impardonnable et faisant du blasphème Une brûlante boue à te jeter demain
Jeune homme à ma semblance ô pâle créature Chenille de moi-même avant d’avoir été Elle a bien fonctionné ta machine à torture Va tu peux t’en vanter toi qui sus l’inventer
Tu n’avais pourtant pas imaginé possible Signalé comme un feu par la fumée du toit A chacun de servir aussi longtemps de cible Pour l’homme que je suis devenu malgré toi
Vois-tu j’ai tout de même pris la grande route Où j’ai souvent eu mal où j’ai souvent crié Où j’ai réglé mon pas pour que ceux qui m’écoutent En scandent la chanson sur le pas ouvrier
Rien ne t’arrête plus quand s’en lève le jour
Le matin pour chacun peut être différent
Une grève un chômage ou le Riff ou la Ruhr
Mais si pour tout de bon tout d’un coup ça vous prend
Si se met à rougir cette aube d’évidence Si l’on entend son cœur battre du même bruit Dans le malheur commun d’une même cadence Dont bat le cœur d’autrui
C’est à la mer enfin la mer qu’il faut qu’on aille Ëclaboussé d’écume et de sel et d’oiseaux Ah c’est l’humanité dans son cri de bataille Qui t’emporte au large des eaux
Même si bien longtemps une fois communiste On va rester pareil au champ mangé d’orties Que c’est faucher en vain quand la racine existe Obscurément dans le Parti
L’essentiel n’est pas ce que traînent de brume Et de confusion les hommes après eux Car le soleil pour nous et devant nous s’allume Il est mon Parti lumineux
Il faudrait que chacun racontât son histoire Comment il est venu comment il varia Comment l’eau devint claire et tous y purent boire Un avenir sans parias
Comment fut le bon grain trié vaille que vaille L’or séparé du sable et les cailloux polis Comment l’événement l’étude et le travail Ont trois fois sarclé nos folies
Comment notre Parti c’est demain face à face Et l’université marchante où se marient Dans le laboratoire énorme de la classe La pratique et la théorie
Et comment le Parti c’est le constant partage Entre les fleurs à naître et les neiges d’antan Et la neuve critique et le vieil héritage Dans leur équilibre constant
Comment c’est avant tout le trésor de science Né du peuple et sans cesse au peuple confronté Qui soude à tout jamais la finale alliance Du rêve et des réalités
Il est le pionnier sous l’essaim des insectes Arrachant les roseaux d’un sol qui se mourait Il est le médecin qui dissipe la secte
Comme une fièvre des marais
L’agronome qui sait si la terre est acide Et quel jour dans les prés faire voler la faux Le pilote enseignant aux matelots qu’il guide La passe et la voile qu’il faut
Dans la guerre que fait au peuple ce qui meurt Il est l’état-major de l’avenir II est Comme sur les sillons le geste du semeur Le stratège de ce qui naît
Entre tous les partis il est seul de sa sorte Qui s’assigne pour but tout remettre à l’endroit En posséder la carte à personne n’apporte Que des devoirs et non des droits
Il est le négateur éclatant du système Qui veut qu’un peuple en soi trouve son pain tout Apprendre organiser se corriger lui-même Voilà voilà sa force à lui
Au sens originel comme au sens militaire Il est lorsqu’il surgit au cœur du campement D’insolence que font les Césars sur nos terres L’éclaireur magnifiquement
C’est en vain qu’on le traque en vain qu’on le bâillonne Il respire le jour au milieu de ses liens Et Danielle ou Péri notre Parti rayonne Le fusiller ne sert de rien
Il est le feu profond qui renaît de ses cendres Il est la vie ailleurs éteinte et qui reprend Le soleil renaissant qu’on vit au soir descendre Car il est le bien conquérant
Il est le bien des travailleurs et non du temple Notre perpétuelle illumination Notre Parti qui joint la parole et l’exemple Aux couleurs de la Nation
De sa bouche ouvrière il ranime les braises Alésia Roncevaux Bouvines ou Valmy Il porte la leçon de Maurice Thorez Parmi les frères ennemis
Il dit la France indépendante quand Kléber Ralliera Jeanne d’Arc et Bertrand Duguesclin Et que l’humanité comme elle se libère
Sans faire aucun peuple orphelin
Il dit le principal à cette heure où les armes Lèvent comme un regain sur le sol allemand Que c’est assez de sang que c’est assez de larmes Qu’aider cela serait dément
Que la grande amitié possible qu’imaginent Deux peuples mitoyens las de s’entretuer N’est pas mise en commun d’hommes et de machines Pour servir à d’autres ruées
Qu’elle ne se pourrait fonder sous la menace Qui fait sur l’orient comme sur le couchant Aux pays d’outre-Oder comme aux coteaux d’Alsace Tourner l’é pee a deux tranchants
Qu’où Liebknecht balaya devant sa propre porte C’est la paix qu’aux Français Grotewohl déclara Non les accords de Bonn qui sur la peste morte Refait le geste de Clara
Mais vous pour qui la France est une marchandise Monnayant l’avenir l’honneur et le passé Vous dont les fins de mois s’arrangent par traîtrise Il vous dit que c’en est assez
Assez mettre à l’encan la robe de la France A la bourse d’Europe entre des maquignons Escompter ses enfants leur force et leurs souffrances Dont Mère avec toi nous saignons
Il dit qu’avec les feux truqués d’une légende On égare un soldat fût-il intelligent Et ses fils ne font pas une nation grande A massacrer chez eux les gens
Que naguère ce fut nous-mêmes qui donnâmes L’exemple que suivront les peuples indomptés Et qu’on ne peut couvrir cette guerre au Viet-Nam Du drapeau de la liberté
Qu’il nous faut un peu plus que des larmes amères Que ça ne suffit pas si notre cœur se fend A voir aux bras des mères d’au delà des mers La mort de leurs petits enfants
Que ça ne suffit pas les regrets et le deuil Et qu’en plus de la honte et du crime et du sang Il y a dans nos ports ces terribles cercueils Qu’une corde lente descend
Il dit que la jeunesse a bien assez à faire Au pays que voici comme un champ passager Que pour trente deniers des Judas ont offert Aux manoeuvres de l’étranger
Il dit qu’il n’est pas vrai que ces gens-là ne viennent Que par amour de nous occuper Orléans Que tous ont leur demeure et le G. I. la sienne Sur l’autre bord de l’Océan
Il dit que devant nous agiter des fantômes Nous menacer du feu qui brûla nos bourreaux Ne saurait de nos murs effacer les Go Home Ni l’exemple de nos héros
Il dit que les Français ne sont pas solitaires Eux qu’on n’a jamais vus se lever en chantant Sans que cela ne fît aussitôt sur la terre Les avalanches d’un printemps
Il dit que nous avons de par le vaste monde Tant d’amis qu’il faudrait plus d’yeux pour les compter Que les astres du ciel et leurs reflets dans l’onde Par une belle nuit d’été
Il dit que le chemin de notre indépendance Mène à la grande paix de tout le genre humain Il dit que cette paix tout à l’heure commence Qui ne connaîtra pas de fin
Qu’il dépend de nous tous que l’histoire culbute Les cycles infernaux du moderne Ixion Et les peuples unis renversent dans leur lutte Le poids des malédictions
Il dit et se sentant maîtres de la nature
Ceux qu’à travers la nuit atteint au loin sa voix
Se mettent à rêver à des choses futures
Comme un rossignol dans les bois
Dans ce rêve où la vie aux vivants est remise Voici l’homme et la femme et les enfants Voici Cette tranquillité de vieillir qu’organise A jamais la démocratie
Et c’est parce qu’ils voient dans le Parti l’image De ces temps sans retour leur crainte et leur courroux Que ceux qui de la mort font leur courant usage Le veulent jeter sous les roues
Mais tuer le Parti cela ne peut plus être A ce point conscient où l’homme est parvenu Sans que la guerre alors ne lui fasse connaître Son atroce visage à nu
Pour tuer le Parti c’est l’homme dans sa chair Que vous atteindriez Monstres aux jours nouveaux Lui faisant étouffer tout ce qui lui est cher Piétiner son propre flambeau
Quoi de ses propres mains il faudrait qu’il déchire Sa croyance en lui-même et ses espoirs anciens Irrémédiablement pour asseoir votre empire Rivant nos fers river les siens
Parce que par vos soins une nuit volcanique Empoisonne la mer où le stronthium pleut Vous croyez prendre au piège un univers panique Où meurt la vie à petit feu
Et comme les bandits perdus à qui ne restent Que les jours de la surenchère et c’est fini Il vous faut ajouter au napalm à la peste L’évangile de Bikini
L’homme ce cauchemar de partout vous enserre Et de partout les feux par vos mains allumés Dans ce monde où partout cherchant des janissaires Vous appelez la croix gammée
Et l’homme s’il respire et l’homme s’il existe C’est donc qu’il vous résiste il doit être abattu Et vous avez raison Vers le ciel communiste Il se tourne quand on le tue
Salut à toi Parti qu’il faut bien qu’on choisisse Quand toute chose est claire et patent le danger 0 puits qui fais la vie et fais à l’oasis Entre tous le pain partagé
Salut à toi qui dis au coureur dans sa course Le message à porter où lui-même s’instruit Salut à toi sagesse à toi fraîcheur des sources Arbre géant de tous les fruits
Salut à toi Parti qui nias la misère Et montras l’homme frère à ses frères armés Parti que les bourreaux en vain martyrisèrent Sans te prendre le grain semé
Salut à toi phénix immortel de nos rêves Salut à toi couleur du cœur force du vin Parfum lorsque le vent du peuple enfin se lève Envahissant la vie enfin
Salut enfant du feu que les flammes enfantent Marin qui pris l’amour de la paix pour sextant Toi monteur-ajusteur des idées triomphantes O capitaine du printemps
Salut à toi Parti ma famille nouvelle Salut à toi Parti mon père désormais J’entre dans ta demeure où la lumière est belle Comme un matin de Premier Mai
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