le palais de la fortune – LETTER PAR PIERRE LE MOYNE


le palais de la fortune

LETTER

PAR

PIERRE LE MOYNE

Dans une île branlante, et de sable mouvant,
Qui suit le cours des flots, et roule au gré du vent,
Il se voit un
Palais, sans règle et sans mesure,
Mais d’une extravagante et bizarre structure,
Dont l’ouvrage subit, sans le secours de l’art,
S’éleva de morceaux assemblés au hasard.

On n’y consulta point le niveau ni l’équerre,
Pour aligner le plan, pour ajuster la pierre;
Et les appartements en tumulte dressés
Sur les pieds du compas n’y furent point tracés.
La boue, en tel endroit, étalée en parade,
Y fait une corniche, y couronne une arcade;
En tel autre le chaume et le plâtre mêlés
S’élèvent sur la porte, au porphyre égalés.
Des bois demi-pourris y régnent sur la face,
D’autres bois vermoulus sur le faîte ont leur place;
Et des marbres de prix, loin des yeux, loin du jour,
Sont laissés sans honneur dans une basse-cour.

La plus grande merveille et la plus étonnante
Est que tout l’édifice a la face changeante;
Et sans autres ressorts que le souffle des vents,
Par des conduits secrets du sable s’élevant,
Il reçoit tous les jours différentes figures,
Mais toutes sans dessein, sans ordre et sans mesures.

Là règne la
Fortune; elle tient là sa cour;
Et de tous les climats que voit l’astre du jour
Les humains à la foule à ce
Palais accourent,
Au travers des écueils et des mers qui l’entourent.

De là, portant les yeux, par un balcon ouvert,
Au dehors balustré d’un jaspe noir et vert,
Je découvre un jardin sans ordre et sans figure,
Où le hasard fait plus que ne fait la nature.

Des arbres qu’on y voit, ou venus, ou plantés,
Les uns chargés de fruit et parés de feuillage

Étendent alentour un agréable ombrage;
Du faîte jusqu’au pied les autres écorchés
En vain lèvent au ciel leurs bras nus et séchés.
Mais les plus enrichis de fruit et de verdure
N’ont ni durable bien, ni durable parure;
Et pour les dépouiller, il ne leur faut souvent,
Quelque élevés qu’ils soient, qu’un coup de mauvais vent.

J’en vis qui, grands jadis, alors couchés à terre,
De leurs troncs noirs encore, et brûlés du tonnerre,
Apprenaient aux passants qu’il règne dans les deux
Un esprit qui partout bat les ambitieux.
Et comme j’admirais qu’une flamme légère,
Qui ne fait qu’ouvrir l’air d’une aile passagère,

Eût assez de vertu pour détruire des corps
Fournis de bras si longs, munis de pieds si forts,
Un soudain tourbillon descendu d’un nuage
Sur un pin qui semblait vouloir braver l’orage
L’enlève en ma présence, et poussant avec bruit
L’écorce et les rameaux, les feuilles et le fruit,
Lui fait en l’abattant, malgré sa lourde masse,
Perdre jusqu’à son ombre, et jusques à sa place.

Enfin, sortant de là, par une fausse issue,
Qui des plus éclairés à peine est aperçue,
J’entrai dans un désert, où d’une et d’autre part
Des rochers escarpés effrayaient le regard.
C’est à cette tragique et pitoyable scène
Qu’aboutissent les jeux de la
Fortune humaine.
Là, de ses vains amants, si chéris autrefois,
Les uns étaient cloués à de funestes bois;
Les autres pourrissaient sur des roches affreuses,
De leur sang, de leurs os, de leurs cendres boueuses ;
Et d’autres se voyaient d’en haut précipités
Et moulus des cailloux qu’on leur avait jetés.
J’en vis qui, depuis peu chassés par la
Fortune,
Errant de jour au hâle, et de nuit à la lune,
Déchirés, demi-nus, affamés, languissants,
Le désespoir au cœur, le trouble dans le sens,
Cherchaient sur les torrents et sur les précipices
Le chemin qui conduit à la fin des supplices,
Et faisaient retentir de pitoyables tons
Le ventre des rochers et le sein des vallons.

Je plaignis leur malheur, je regrettai la peine
Qui suit les prétendants de la grandeur humaine,
Et revins confirmé dans le juste mépris
De tout ce que le monde a mis à si haut prix.

Pierre Le Moyne

DOMINICAL ENCHANTEMENT


« AU REVOIR SABINE » – NIALA 1981 – HUILE S/TOILE 162X130

DOMINICAL ENCHANTEMENT

Ce que le soleil est capable de faire

ne connaît pas de limites

Ainsi fait-on twoo d’un rein solitaire en quête de duo

Il est sorti de la réserve

où il attendait de puis si longtemps

son bon jour

ce très grand tableau

Symbole ô combien fort de l’amour capable de vaincre la mort

voilà qu’il amorce le lancement d’une vaste entreprise où le mariage donnera tout son sens.

Je suis dans ta poursuite Sabine…

Niala-Loisobleu.

29 Janvier 2023

DE RETOUR DES JARRES


DE RETOUR DES JARRES

Du pied nu dans le tapis tissé par le peint l’haleine maritime souffle à la voile pour grimper la marcheet venir pleurer dans le petit-pot ce gemme que la vie garde

Sur l’écume les jours de Boris sont contés

Comme ce quoi que Gauguin est allé chercher plus loin qu’il se trouve comme dirait l’orque monté sur Seine par le mauvais coté jardin de l’estuaire

Les fraises au sein pérennisent la garriguette au-delà de saison, à gros bout d’aréole en base d’atterrissage, ce qui me fait panser que le fruitier sauvage a de la réserve pour combattre les serres charognardes

Adagio la fontaine au centre du patio

escalade de roses fleurs du bougainvilliers dans le vent des guitares et l’éraille d’un flamenco tiré de la gorge d’un claquement des mains et du talon des racines

Mozart fou de lumière ton rire reste l’enfant qui trace sa marelle à la craie blanche sur le noir bitume chemin des hommes

Fidèle à son serment.

Niala-Loisobleu – 30 Mai 2022

CRISTAL DE VIVRE PAR ACHILLE CHAVÊE


CRISTAL DE VIVRE PAR ACHILLE CHAVÊE

J’aurais voulu écrire un livre

sur le bonheur de vivre

où la joie

éclatait en explosions successives

où le matin

était l’angoisse heureuse d’être

où le crépuscule du soir

était un apaisant baiser de l’inconnu

j’aurais voulu

être mangé comme un fruit de lumière

être bu comme une tisane de bonté

j’aurais voulu vous présenter

le merveilleux bouquet de roses sans épines

que je n’ai pas trouvé

Du temps que j’étais milliardaire

un éléphant vêtu de noir

près de moi vint s’asseoir

en me disant pardon confrère

Du temps que j’étais souris blanche

je suis sorti de souricière

au jour perdu de ma naissance

mais je n’ai pas gagné au change

Du temps que j’étais hanneton je fus aussi dans la prison

de l’allumette et dans celle des horizons

Du temps trouvé pour être un homme

et pour penser à moi aussi

je n’ai cueilli sur l’arbre que la pomme

pleine des vers de mon souci

à
Edouard
Faucon

O nuit horrible

aurore horrible

soleil horrible

mémoire horrible

ô dérisoire identité

universelle vacherie

Et si le
Jésus-Christ est
Dieu

tant mieux

et mieux vaut lui qu’un autre

crocodile spirituel

Vous le voyez

j’ai quelquefois la connerie de croire

en des instants d’immense lassitude

que je me ferais bien

à sa mâchoire

ainsi qu’un très petit oiseau du
Nil

Fusillez-moi je l’autorise

Et ne pas faire le dresseur de puces intellectuelles

et ne pas oublier lorsque je mange que mon petit chien me regarde

et penser quand je fais l’amour que c’est acte de dieu

et dévorer le monde en affame de vérité

à
Armand
Simon

N’importe quel homme peut bien m’assassiner

au tout premier tournant venu

et je dirai

adieu veaux vaches cochons couvées

très calmement

ainsi que se prononce

le mot dormir

dormir dans la voiture du néant

traînée

par quatre sauterelles sans mémoire

chacun sachant

ce que parler veut dire

Douce maman soyez heureuse auprès de
Dieu

ne pensez plus à moi

je vous en prie

oubliez-moi dans l’inconnu

dans
Pinescamotable aventure de vivre

dans son atrocité

autorisez que s’accomplissent

les derniers pas d’irréparable

à
Paul
Michel

Avoir tiré des dizaines de fois

à boulets rouges sur son âme

son cœur

et progresser

avec l’imprudence du sage

dans les ruines de son propre destin

c’est vivre

c’est modeler dans l’invisible

la matière indissoluble de son noyau

c’est graver

dans la muraille d’ombre

les traits secrets de son dernier visage

Hommes

vous m’entourez de toutes parts

hommes

ma bonne volonté vous cerne

hommes

vous torturez les étendues

les façades de l’incidence

les oripeaux de la saison

les sédiments spirituels

hommes

je suis en vous à votre insu

je suis la belle négation

de vos maîtresses prétendues

hommes je suis toujours en vous

comme un serment de contingence

d’étonnante fidélité

d’aromatique probité

hommes

vous ne pourrez jamais m’atteindre

que dans le sang que je vous donne

à
Albert
Snchelbaut

Un jour viendra sans doute où nous serons

en communication

avec le monde des insectes

avec les termites muets

avec les aveugles fourmis

Qu’est-ce que parler humain veut dire

au fond du gouffre de la pensée !

Et je me vois très bien

buvant un bock

avec un insecte asexué

à la table effrayante de l’éternité

Insecte

je bois à ta santé

à nos bonnes santés interminables

Écrire le poème unique qui a plus d’importance

que d’être né que d’être encore en vie

Écrire le poème unique

intraduisible

de survie

l’ayant porté en soi

humainement

comme a porté Marie


Achille Chavée