EVE OU LE SOMMEIL PAR PIERRE EMMANUEL


NIALA

EVE OU LE SOMMEIL

PAR

PIERRE EMMANUEL

1

L’homme pétri de terre arrachée à la terre De cet arrachement garde le creux en lui. C’est de ce même creux que la femme est extraite Dont la chair se souvient que l’homme
en fut pétri.

Eve tirée d’Adam comme Adam de la terre Est cette terre même avant qu’il soit formé. Elle est la terre intacte et la poignée de terre La blessure utérine au flanc dont
elle est née.

La plaie dont elle est née est toujours vierge en elle Comme alors que les eaux n’étaient point séparées. Virginité pareille au gris de tourterelle Quand l’aube sur sa
peau commence à s’éveiller.

Sa peau ! premier regard que Dieu module en rêve Les yeux mi-clos encore à l’orée de sa nuit. Matin primordial filtré par les cils d’Eve Pour prévenir qu’il soit de
lui-même ébloui.

Les yeux d’Eve dont l’horizon est leur paupière Ne voient qu’Adam, lequel n’y voit que l’infini. S’il met d’avance entre Eve et lui la terre entière Eve peau contre peau n’a pour
monde que lui.

Ainsi de monde en monde il échoue à connaître Infatigablement ce vide qu’il emplit. Sur leur beau contresens ces deux moitiés de l’Être Se divisent sans fin sans cesser
d’être unies.

2

Que l’indivision de leur double regard

Ne leur voile qu’elle est l’avers de leur distance Quand les yeux dans les yeux se creuse leur écart D’onde en onde, à perte de bleu, halo immense De ce point nul en tout diffus,
l’Identité…

Couple duel ! Pôles de l’être, humanité !

S’aimant des yeux — à la différence des bêtes

Toute proportion dans l’univers reflète

L’effusion sans fin de leur intimité.

Elle, c’est l’Ame. Lente, étale, sans rivages

Rêvant écarquillée qu’elle dort. Cécité

Solaire, toute image d’elle est un mirage :

Pourquoi être, tant se suffit l’ubiquité?

Lui, c’est l’astre. Il ne luit que pour percer. Et passe

Outre, mourant à soi pour en ressusciter

Plus loin dans l’Ame, lui frayant ses noirs espaces.

Ainsi des profils droit et gauche de la face

Tournés l’un insondablement vers le Dedans

L’autre vers ce qu’a vu d’avance l’œil rapace

Qui saisit l’être dans son gîte le Néant.

Suspens sans borne ! Eve en miroir du ciel béant Fascine en songe à son zénith cet immobile Aigle tout œil qui en oublie que son cœur bat… Le vide est une seule
gemme. L’œil ne cille Pas. Mais l’Ame respire en abîme, tout bas.

Quand tu souris en toi-même c’est la mer les yeux mi-clos Qui de l’un à l’autre bord frémit parcourue par l’onde Faisant miroiter l’étoile qui clignote entre tes cils Et se
réfléchit là-haut en scintillements sans nombre

Nuit d’autant plus semée d’astres que t’engouffre ta noirceur Par-delà tant d’univers s’éteignant dès qu’ils l’atteignent Toi dont l’immuable centre semble s’éloigner
sans fin Tête spirale des temps qui pointe vers l’origine

Eve la Déité pure est ton plus profond sommeil Où l’esquisse d’aucuns traits s’efface avec ton sourire Où la dune de tes seins lissée par le vent marin S’oublie avec
tout ton corps étalé vers l’invisible

_

Le regard qui te contemple la vague te caressant Sont plus intimes en toi que ton existence même Ce Vide qui t’investit veille et te maintient rêvant Tant que tout en les créant
il n’aura mangé les siècl

Avant d’être manifeste tout en toi est consommé

Tout se manifeste en toi pour que le temps le consomme

O sourire! éternité enfuie à peine ébauchée

Qui croit t’avoir vue un jour meurt de te guetter sans cesse

Qui te voit sourire il sait qu’il assiste à l’origine Et son émerveillement est celui dont s’éblouit A l’aube du jour natal Dieu lorsque se met à poindre Le rayon initial au
ras de l’éternité

Rayon qui dans les deux sens pénètre l’espace et l’âme Symétriques épaisseurs dont l’osmose noir sur noir Est l’ultime nostalgie d’un Avant sans forme aucune Vertige
d’opacité dur à s’y briser l’esprit

En toi ce double désir d’un point nul où tout revienne Et d’une onde illimitée qui parte de ce point nul Aux extrêmes conjugués de sa jouissance même Crée en
rêve l’univers qu’il défait sitôt rêvé

Chaque souffle issu de toi module la vague immense Que le Vent dont tout provient continue de soulever Ainsi ton sein respirant permet-il que recommence A jamais à chaque instant l’Unique
en totalité

4

Toi, plus vaste que tous tes Noms!

Toute qualifiée ! Toute non qualifiable !

En deçà, au-delà

Irréductible à toute image de Toi

Qui toutes les contiens!

Je Te nomme aussitôt Tu m’échappes

Je Te nomme c’est pour que Tu m’échappes

Je ne Te qualifie

Que pour perdre de vue toute image

Que je puis me faire de Toi.

Impérissable, Toi qui portes les mondes!

Océan de leur gestation

Abîme de leur fondation

Toi qui soutiens qui engouffres

Qui nourris et manges sans fin,

Créatrice de ce que Tu dévores

Dévoratrice de ce que Tu crées

Par Toi, claire sapience, s’ordonnent

Par Toi, sombre démence, s’effondrent

Les éléments.

Si je dis Tu es la Très Noire Tu es celle-là

Et je cesse de Te voir et par là D’être devant Toi

Je deviens l’indivis l’invisible Le fragment où s’inscrit Le Tout en Toi

Si je dis Tu es la Très Vive

Tu es celle-là

Et je cesse de Te voir et par là

D’être devant Toi

Je deviens cet œil fixe ébloui

D’être l’éblouissement même

De ton éclat

Si je dis Tu es la Très Grande

Tu es celle-là

Et je cesse de Te voir et par là

D’être devant Toi

Je deviens moins qu’un grain de poussière

Centre nul autant que nécessaire

De l’Être en Toi

Et toujours tout en cessant d’être

Je Te nomme pour être

Etre c’est Te nommer.

C’est oser inlassablement tous les sons

Qui sans cesse émergent de l’Être.

Bulles sans nombre ils ne crèvent jamais

Et peuplent les confins de l’espace

Attendant redoutant

D’être proférés.

O Redoutée! Refoulée! Ineffable! Innommable!

Inaudible essence du son

Vide qui désires le vide

Vide où résonne et se répercute le Vide !

Tambour du Néant! Tympan de l’abîme!

Hymen de l’Ame, Eve, scellée!

Moi le Dieu, moi l’Homme, que suis-Je?

Germe qui jamais n’en finis de mûrir

Dans la matrice de ton Nom sans limite

L’Unique, l’Ultime

LTnnomé à jamais.

Toi, ô Toi !

Pourtant aussi Tu es femme

Voici : je m’étends sur Toi.

Mes lèvres sur les tiennes

Mon ventre au creux de ton ventre

Mon bras soulevant tes reins

Je Te pénètre.

L’homme ainsi qui monte et descend

A l’ancre dans la femme

Pénètre-t-il la mer?

Oui, c’est elle, c’est Toi

Que je pénètre!

Aucun des actes qui m’unissent à Toi

Ne s’achève en lui-même :

C’est la force en Toi qui décide

Accélère, ralentit

Roule ensemble notre double vague à la crête

Entrechoque nos corps dont le double plaisir

S’exalte en un ressac qui le brise!

Tu creuses, roules, fracasses, échoues

Tu jettes aux récifs, Tu ensables

Tu marnes, Te retires, morte-eau

Tu bouillonnes, brasilles, Te figes

Tu es l’eau avant qu’elle ne soit divisée

Tu es l’abyssale qu’épouse le Souffle

Et moi dans tes yeux je me sens qui dérive

La face béante tournée vers le fond

Premier naufragé entre deux eaux du Grand Rêve

Toi toujours ! que déploie en Soi-même le Soi

Si vaste que puisse être ma science de Toi

Et mon ignorance combien davantage

Si loin que me porte avec elles l’effort

De jamais n’en finir de Te perdre

En m’ouvrant tes profondeurs plus avant

Aucun de ces actes qui m’unissent à Toi

Aucun de ces actes qui me divisent de Toi

Éternellement ne s’achève

Aucune qualité, aucun Nom

Pensés, proférés, restés tus

Tremblant retenus sur les lèvres

Non formés, non existants, non conçus

En deçà de l’expiration sidérale

Origine devenant étendue.

Aucun de toute éternité ne saurait

Commencer de poser de résoudre

L’énigme Te faisant Qui Tu es

Qui Tu es en moi hors de moi Si proche et d’autant plus étrangère Plus sourde qu’est plus vif ton éclat Plus cruelle que ta caresse m’est douce Sommeilleuse si parfaitement
éveillée

Qui me guettes l’œil rond me fascines Et jouis d’être par moi fascinée

Je Te fixe regard immuable

Soleil zénithal sur la mer.

Tu ne cilles pas Tu ne me vois pas

Tu me rêves.

A peine je crois Te donner ton vrai nom

Tu Te modifies.

Tu réponds à ce Nom que je t’ai donné

Par une apparence qui lui ressemblant

Me dérobe ton être.

Toi-même Tu ne sais qui Tu es

Et m’entendant qui le nomme

Aussitôt Tu deviens l’opposé

De ce que j’ai nommé.

Pourtant ce n’est pas Toi qui disposes

De ton être c’est moi

Mais à l’envers de ce que j’imagine.

Quand bien même nommément je voudrais

Que Tu fusses la circonférence et le centre

Et quand même Tu serais devant moi

Centre et cercle de mon extase incessante

Tu m’échapperais.

Car si Tu ne sais rien de Toi-même

Tu sais tout de moi

Étant le miroir attentif de ma mort

Que réfléchit ta ténèbre.

Femme? Nature? Ame? Matière?

Tu es tout ce que je ne suis pas

Qui s’ouvre sous chaque regard, chaque idée

Chaque mot que je dis, chaque pas

Chaque chose vers quoi je m’avance

Pour m’en assurer.

Plus que béante : la Béance même

Et pourtant le mur.

Que je me heurte contre le gouffre

A chacun de mes mouvements

Puisque c’est vers Toi qu’il me porte

C’est mon épreuve insensée du Réel

Ma vérité, ma folie.

Ton abîme m’impose sa borne

Mais c’est pour que je commence au-delà.

L’homme définit, mesure, compassé Mais s’il plonge en Toi son regard Il y perd toute proportion et mesure En oublie le lieu et le sens. L’espace l’entoure le ventouse le masse
Muqueuse collant toute à sa peau. Vulve humide ou salive à tes lèvres Tes humeurs ont même goût d’infini Tes lèvres tes prunelles ton ventre Font une seule
fondrière sans bords Tu es l’Informe.

Tu es l’argile qui attire et étreint Qui tente l’homme à la pétrir de ses mains Pour qu’en elle tout entier il se perde. Pétrir, se perdre. Synonymes. Contraires. Moi
l’homme, moi le Dieu modeleur Plus j’enfonce les mains dans ton sein Puis j’en tire de formes nouvelles Et plus semble me presser de partout Ta substance exigeant de moi l’existence.

Je crée d’elle pour ne pas m’engloutir Dans le vide que j’y crée plus grand qu’elle Invisible membrane au-dedans De ce Rêve en expansion sans limite Dont l’étroite matrice
est en Toi.

Le ciel même ainsi n’est-il pas

Un reste de limon amniotique

Déposé en Toi chaque fois

Qu’en songe Tu accouches d’un monde?

Peut-être… Mais qui donc me dira

Si je suis déjà né de ce rêve

Où ton ventre me tient à l’étroit?

5

Quel grand vent misogyne se lève Insufflateur du Sens? De tout son corps indivis L’Ame somnambule en tressaille.

Ce vent insomniaque sans lieu Qui fomente les raz de marée Affouille le désir de la femme Au ventre de la mer.

Sexe de l’homme ou Verbe de Dieu La Puissance qui l’anime est la même C’est l’Un inlassablement géniteur De sa seule image innombrable

Mais ni femme ni mer ne sont-rien Qu’un miroir que nulle image ne trouble Nulle tempête qui ne s’y estompe en buée Sans dépolir la transparence du Soi

Miroir de rien ! Évanescence d’un seul Instant toujours insaisissable et peut-être A jamais non encore advenu Orgasme que guette l’eau immensément nue…

Comme l’homme épie la femme sous lui Dieu en Soi S’interroge sans cesse Tous deux veillent déchiffrant en commun Ce Rêve dont ils sont l’objet l’un pour l’autre

Rêve s’engendrant pour les siècles des siècles

Et d’avance éternellement oublié

Bien qu’en lui le vent ne s’interrompe jamais

Lui, l’Impérissable, l’Unique!

Toute chose remonte ainsi vers sa fin Toute chose s’écoule ainsi vers sa source La femme la mer est l’anneau immuable Où S’enchante de Soi-Même le vent

Pierre Emmanuel

AUTANT l’OCCITAN SUIVRE


NIALA

AUTANT L’OCCITAN SUIVRE

Sur la rampe de lancement, ce parapet défiant le vertige tient l’oiseau en haut ciel

qu’une force plus mystique que physique derrière le pansement écoule

à la couleur des mots-peints couchée sur l’encrier à Elle

Tenir ainsi

« Hâte-toi,
Hâte-toi de transmettre
ta part de merveilleux,
de rébellion, de bienfaisance…
Essaime la poussière,
Nul ne décèlera votre union. »

René Char
(Commune présence)

Au-delà de l’horizon bouché

que la route emprunte…

.

Niala-Loisobleu.

15 Mars 2023

LIEU SEIN


LIEU SEIN

Un temps soit peu paumé, redouble à faire le point, pour se rassembler toi émoi

l’été venu alors que le présent n’a point apparu c’est un comble

Ce matin pendant que tu glissais pour aller garder les trois ou quatre moutons que les parents larguent, j’ai eu de telles visions d’effroi, c’est certains zigs-zags font froid dans le dos, au point de remonter le tant comme on enfile un gilet en embarquant

Le couloir dans son coude obscur n’a pas hésité à redresser sa vérité

on peut glisser sur la berme san aller au fossé

Ce dernier tableau que le précédent avait remis dans la bonne palette, a fait de haut les tours périlleux du trapèze, cette guerre comme n’importe quel type d’autre n’est pas de nous

A voler l’oiseau peut croiser l’aigle sans pour autant perdre sa parenté colombe

l’amour c’est NOUS

tu le vois chaque jour

et tu l’écris sans point à la ligne

2018 montre la vérité sur ce qui n’a pas changé d’EPOQUE

alors le cerisier ne pourra qu’avoir des fruits. Il fait froid mais le soleil te ressemble tellement qu’on en voit plein quand on y regarde de près.

Niala-Loisobleu – 1er Avril 2022

AMOUREUSES


AMOUREUSES

Elles ont les épaules hautes

Et l’air malin

Ou bien des mines qui déroutent

La confiance est dans la poitrine

A la hauteur où l’aube de leurs seins se lève

Pour dévêtir la nuit

Des yeux à casser les cailloux

Des sourires sans y penser

Pour chaque rêve

Des rafales de cris de neige

Des lacs de nudité

Et des ombres déracinées.

Il faut les croire sur baiser
Et sur parole et sur regard
Et ne baiser que leurs baisers

Je ne montre que ton visage

Les grands orages de ta gorge

Tout ce que je connais et tout ce que j’ignore

Mon amour ton amour ton amour ton amour

Paul Eluard

L’AMANDAIE


twitter sharing button

L’AMANDAIE

Chronos arrive au bord et sonne à larmes

du fond de la cour sans dédale

la terre cuite ocre l’aqueux taurin en falaises vient

tenir l’Epoque

en vie dans ses mains et pas sous-globe sur la cheminée

Je palpe hit

Oui la rousse automne au geai bleu

Je l’ai dit il y a très longtemps

L’AUTOMNE

fait bien pousser l’peint tant

Moire c’est moire

Jamais ne meurt

au patio le vaste champ de cette fontaine rose hibiscus grimpant par-dessus les murs

L’en faire en dragon consume le parasite du Mont

Seins, miches, ailes

Absolu

mon enfance rendue je n’aurais eu que l’âge d’aimer

Merci la Vie !

PENSER AUX BOURGEONS DE L’AMANDIER !…

Que deviennent les bourgeons de l’amandier ?

l
Poussent-ils encore dans les ruines ?
Si les surgeons de la haine
Les assassinent
Qui pourra
Les remettre sur pied
Sauvera leur scène

Et pourtant on en voit encore s’épanouir
Entre les gravats – la terre
Et la mélasse …
Si ce n’est dans les larmes qui les enlacent
Qui pourra encore leurs racines
Reconstruire ?

Une pluie de flammes – de bombes et de missiles
Ce n’est pas un drame pour les « aveugles »
Qui conspuent ces âmes
Et qui beuglent :
« Bravo ! Bravo ! » Du fond de leur île

Est-il interdit : l’amour pour cette terre ?
Qui dit qu’il faille recommencer ?
Comme si ce n’était pas assez :
Ce destin d’enfer
Qui les enterre !!

Va-t-on épuiser par le feu tout leur sol ?
Malgré le fer et le sang
Puissants ils résistent
Et viendront encore
En fleurs
Ils insistent comme les symboles
De ce qui – jamais – ne meurt …
Si donc ce n’est pas vol
C’est un viol

Or les bourgeons jouent entre eux sous la pierre
Où les édifices détruits nous laissent
Un cri qui blesse :
« Non ! Ils ne doivent payer le prix
D’un pays que l’on veut rayer
Ils sont encore sa lumière ! »

Ils sont dans l’ombre de leur étoile
Ceux qui coupent les arbres
De leur ciel
Ou leur jettent le feu et le fiel
Et ils restent de marbre
Dans leur toile
Qui s’étend
Sans que les temps ne murmurent
Contre les raides murs

Et des bourgeons on entendait souffler des femmes
Au milieu des balles qui sifflaient
Au hasard sanglant qui giflait
De sa mort les corps
Et les emportait
Sans un drame

Et maintenant où sont les mains qui implorent
Du fond de leur « Éden merveilleux »
De ne plus toucher
Aux beaux yeux
Des petits princes – de les laisser éclore ?
« Mais rentrez les armes
Rincez les larmes
Séchez-les
Et faites que les jeunes pousses
Ne se blessent plus
A leurs racines
Assassinées
Laissez ! Oui ! Laissez-les pousser
Dès qu’ils sont nés ! »

Alain Minod

AUTAN EN GARDE L’EVENT


« AUTAN OCCITAN 1 » – (Série dans l’EPOQUE 2018) – Niala -Acrylique s/toile 46×38

AUTAN EN GARDE L’EVENT

Ou l’on apprend plus tard que l’embouteillage d’une route pour gagner le soleil devait voyager plus loin pour initier le rire profane en montée aux sphères. Comme si le pays cathare tendait son pic à la base

Epreuve initiatique

qui franchit et affranchit sur le pointillé d’une frontière occitane

Un seoir poésie à l’accent chaud qui roule au-devant d’un mauvais virage

Autan le dire voilà un silence qui brasse à la montée de ses pierres comme un raisin foulé aux pieds dont le cru finira par exprimer la quête de l’abeille dans les tentatives du serpent au débusqué de son caillou

Autan ne pas oublier…

Niala-Loisobleu – 27 Mars 2021

EXAMEN DE CONSCIENCE


EXAMEN DE CONSCIENCE

A Barbara AUZOU

De lire que je serais au point de m’apercevoir de la beauté de ta poésie aurait pu me mettre à terre, si je ne voyais pas là l’énormité du différent stupide qui a causé un dommage qu’il faut réparer. Jamais je n’aurais pu illustrer Les EPOQUES 18/19/20 ET 21 sans être inspiré par la grandeur qui fait la beauté de ta poésie.

Je ne peux , à moins d’accepter de ne plus vivre comme je l’ai fait durant ma longue existence, laisser cette oeuvre sur le bord de sa route. Elle n’a rien de commun avec nos créations séparées. C’est l’absolu que nous avons voulu atteindre ensemble.

Alors pour lever ce quiproquo, je déclare que ton art poétique est puissant.

Qu’il est d’une beauté totale qui ne peut se révéler qu’en face d’un silence où les mots voyagent à la conquête de cet espoir que le quotidien refuse mais que nous atteignons par symbiose.

Aussi il faut dire cette complétude n’existerait pas sans amour.

C’est amplement significatif.

Niala- Loisobleu – 27 Mars 2021

LA PEAU DU MONDE

twitter sharing button

Sur le fil du désir nous marchons vers un dieu. L’Éternité s’invente à chaque galaxie. Il faudra piétiner les banquises du songe, les vallées de l’espace, les
mondes attiédis et les étoiles rouges où l’agonie s’installe, avant de parvenir au cœur d’un tourbillon, originel chaos préparant le cosmos. L’avenir quotidien saura
peser nos âmes.

pinterest sharing button

Sous l’écorce nous aimions l’arbre et sous l’arbre le vent. Ils voyageaient ensemble et traversaient les fleuves qui offriraient au loin l’élan de leur vigueur. Parfois leur ambition
se perdait dans les sources pour mieux régénérer quelque très vieux désert où s’évaporaient des batailles dont les cris malgré tout étaient encore
humains.

Quelquefois une étoile noire macule nos livres d’images, conférant à la maladresse une saveur d’infini comme ces portulans dont l’imprécision même faisait parfois
surgir tout l’or d’un continent. Lorsque les galions de nos enfances grises auront pillé l’azur et vaincu l’ouragan, nous rentrerons chez nous pour créer des empires au fond de ces
jardins qui nous faisaient si peur.

Bec, ongle, pince et griffe au partage du jour. Un règne lacéré s’installe en nos mémoires où le passé vacille au profit d’un futur à peine immunisé des
à-coups de l’Histoire. Serons-nous les mutants des ruines ou du bruit que font la mort violente et le crime lucide ? Notre goût du bonheur serait-il perverti au point de maquiller
toute vie en suicide?

Cherchant à expliquer comment naît un désert, nous avons commencé par le feu et la pierre, poursuivi par le vent, la silice et le quartz, pour nous perdre en chemin, à
mi-genèse presque, en un autre désert plus vide et plus ancien, bien établi déjà dans son horreur parfaite. Désert civilisé, techniquement au point pour
suicider le rêve et flouer la mémoire.

Mannequins effacés, pâles sorciers du doute, l’alchimie du futur envahit votre nom en diluant la mort dans le sang des vivants. Vous devrez affronter votre substance même où
le poison se mêle à l’élixir du temps. Devien-drez-vous robots, golems ou androïdes assoiffés de revanche en vos corsets de fer ou cellules à venir d’un homme
déjà mûr qui saura, mieux que vous, apprivoiser l’énigme?

Le froid sculpte au hasard des soleils de banquise montés dans le dernier carré d’un ciel vaincu. Un désespoir nous gagne aux fruits mal défendus, certitudes glacées
des vérités acquises. Les planètes balancent en un cosmos qui enfle et nous nous épuisons à le suivre en secret vers les confins d’un dieu surgi de l’improbable,
instant zéro d’un monde ou trop jeune ou trop vieux.

Un cerveau de roi fou boit chaque ciel qui passe au-dessus du chaos mis sur ordinateur. Le progrès bien nourri programme les famines, résiste quelquefois à la greffe du
cœur. Nous autres, courtisans d’un souverain de plume, nous nous habituons aux bonbons de la peur, et quand il nous promet des rasades de lune, notre roi fou se trompe, et de siècle,
et de mœurs.

Nouer le maillon d’eau à son maillon de sable fut longtemps le projet de ces minces pêcheurs qui croyaient au bon vouloir des vagues. Cette harmonie factice et corrodée de sel,
nous l’avons éloignée sur ces bateaux en flammes porteurs de chefs vikings que dissoudrait la nuit. Leur âme calcinée flottait entre deux règnes où se distinguait
mal le présent du futur.

Le temps voyage seul, oubliant les saisons que les grands migrateurs s’échinent à poursuivre en leurs dérives hauturières, poussés par la loi de l’espèce. Le temps
voyage seul, faisant de notre vie une gravitation sans escale. Nous-mêmes deviendrons oies sauvages, cigognes, toujours entre deux nids, entre deux continents, mais notre unique loi sera
la chute libre sur une orbite calculée pour nous maintenir en éveil dans notre rêve de vivants.

Des puits se sont creusés sous nos pas délébiles et nous ont digérés en un silence noir. Depuis, nos voyageons dans les boyaux du monde, sans savoir si le vide ou
l’enfer sont au bout. Cette vie souterraine a collé nos paupières, érodé nos genoux, palmé nos maigres doigts. Nous sommes devenus taupes, racines, larves d’un royaume
inversé où la mort a le temps.

L’oeil d’un dieu est inscrit sur l’iris de nos songes, nous évitant ainsi de mutiler le jour. Statues, temples, autels des religions plausibles continuent de bercer notre fuite en avant.
Nous nous voulions chasseurs et nous sommes la cible d’étranges microscopes aux lentilles de vent. L’examen est clinique et la conclusion vague: on n’apprivoise pas les bacilles du
temps.

La paupière des jours s’est fermée sur la ville, œil cyclopéen soudé au terreau de l’Histoire ou reliefs de festin laissés par les pillards. Nous ne
témoignerons ici que de vestiges arasés par le soc, aplanis par le vent. Si des trésors existent, ils sont noyés d’oxyde et si la vie revient, ce sera en secret. Le
laboureur triomphe en restant immobile de tous les cavaliers jadis maîtres en ces lieux.

Nous tous éparpillés en atomes de glaise croyons à ce noyau qui nous maintient debout, mais tout en ignorant au centre de quel fruit il affermit sa coque et nourrit sa
matière. Certains furent tentés de briser ce noyau afin de déchiffrer le nom et le message. Un éblouissement leur tient lieu de cercueil. Pourtant c’est leur orgueil qui
nous permet de vivre.

L’argile du rempart ne résistera guère au limon de l’Histoire amassé par le Vent. Votre sécurité tombera en poussière, peuples nés de la nuit avec du rouge au
front. Le fleuve coulera sur vos années-lumière, vos enfants, votre blé garniront les tombeaux et l’or de votre foi ne servira, en somme, qu’à creuser un peu plus notre
destin de sourds.

Cette géographie des taches de vieillesse, que nous nous surprenons à lire, quelquefois, sur le dos de nos mains bien à plat sur la table, est semblable, plutôt, à la
cosmographie d’étoiles disparues dont la lumière encore est le paradoxal témoignage de vie. Il faut prendre le temps de mourir en avance pour mieux tendre nos mains aux
tâches du futur.

Un serpent prisonnier du temps devenu pierre savait encore muer, complice des glaciers quand leur fleuve immobile inondait la matière. Il parvint jusqu’à nous ce reptile en dentelles,
mordit notre présent de son venin usé, puis, malgré le sérum que notre ego distille, nous fûmes pétrifiés serpents à notre tour, affublés d’une peau
qui ne convenait guère à cette chair à vif dont nous étions sculptés.

Dans une fête ancienne où l’irréel se danse, sous son masque éborgné d’un regard qui balance, une vérité bouge, une fuite prend corps. S’il fallait peser
l’âme à l’aune de la mort, nous serions, au matin, ou démons ou prophètes. Mais l’âme a soif d’abîme et l’ange mord la bête. Visage tiraillé entre vide
et paroi, nous ne perdrons la vie qu’en sauvant notre tête.

Nous labourions la vie avec plus de rigueur. Il fallait un ordre à nos rêves, une conscience aiguë de nos ahgne-ments. Le temps nous contemplait d’un œil géomètre
quand nos calculs humains, que nous voubons exacts, se voyaient engloutis par des coulées de lave. Une ville sombrait dans un magma mortel, sépulture éblouie de nos consciences
nettes, abbi pour notre rachat.

Un cerveau d’ouragan s’appropria le monde et le remodela selon ses tourbillons pour transformer la mort en sujet de légende. Le prix du sacrifice à la mémoire fut
élevé. Vivre restait le but, avec ce goût du cataclysme que nous portions en nous. Les statues de sel se retournaient sur nos écarts et dans leurs yeux figés un dieu
tremblait encore.

Dépositaires des secrets du ciel, comptables des apocalypses, ils étaient les veilleurs, ces anges du refus. Leur orgueil produisit des géants malhabiles, contraints de plier,
à la fin, sous le poids du monde avant de gagner l’autre versant de l’éclair. Depuis, sur une terre lasse et repue de cadavres, nous tentons de rêver des genèses plausibles
afin de déchiffrer l’écriture du dieu. Nous mitraillons la nuit de déluges en herbe, mais en ignorant tout de ce qui crée la main.

D’une liturgie vague ils célébraient leurs dieux sur

des autels usés par trop de paraboles.

Offrandes-bouquets secs, dons d’aliments moisis

deviendraient le viatique au voyage immobile.

Un néant casanier serait le substitut à leur éternité

enlisée dans le doute.

Respirez fort, ouvrez les yeux,

surveillez l’huile de la lampe,

La nuit des autres nuits envoie ses messagers.

Vous m’aviez indiqué le chemin

avec des portées de musique,

un soleil, une dent de narval.

Je suis venu malgré le poids du monde

et le feu qui nourrit le sang.

J’ai passé avec vous

tant d’années secrètes

que nos rides ont fini

par contraindre la peur à l’exil.

Elle reste avec son secret

tisse autour de sa tristesse

une toile d’aurore légère

que jamais le jour n’atteindra.

Les angles de son visage s’émoussent

dilués dans un désert doux.

Elle aurait voulu être aimée

pour le duvet de ses paupières.

Les vagues de l’espace ont rejeté nos dieux sur ces continents de l’esprit où le temps a changé de signe. Ils vivent en sursis leurs genèses salées, pèsent mal les
apocalypses. L’enfer bout à leurs lèvres et leur œil ne voit plus qu’un univers-volcan dont tous les cerveaux fondent en purs diamants de deuil, noire immortalité. Nous
balayons l’espoir infatigablement sur le seuil délité de nos consciences floues mais, sachons-le: l’enfer aussi a ses lois.

Nul ne voulait encore y croire:

les déserts se peuplaient de traces familières

semblables à des moments de bonheur.

Une eau pure irriguait la mémoire et des plantes

poussaient sur les cailloux du ciel.

C’était notre futur; il aurait l’expérience du passé

embelli par un regard d’enfant.

Repue de ciel, de vent, la mer était silence. Elle baignait ma nuit, l’immobilisait presque au fond d’une mémoire où des trésors durcis resteraient inviolés. Elle avait
fait passer son souffle dans le mien: je glissais doucement vers l’éveil de ma race, redevenais poisson, paramécie, plancton. J’atteignis le grand large où rôdent les
abysses pour y couler enfin dans un rêve éclaté d’où j’allais prendre forme et marcher vers le jour.

Vous aurez de la craie pour dessiner mes fuites sur

l’horizon poudreux qu’enflamme un cavalier

Je vous attends

Vous aurez de la mousse à calfeutrer les vides au creux

de mon cerveau en pleine hibernation

Je vous attends

Vous aurez un nuage où le ciel s’emmitoufle quand il

veut adoucir un soleil d’oeuvre au noir

Je vous attends

En compagnie de mes licornes familières

de mes Pégases quotidiens et pour aller chasser

le dragon ou la puce

Je vous attends

Notre ultime forêt il faudra la chercher parmi les algues bleues qui boivent le soleil au temps durci des grottes. La calcite et l’argile dressent là des colonnes dont le style
appartient au seul hasard des pluies. Des traces de pieds nus y sont parfois visibles, des empreintes de mains: celles de ces chasseurs voulant signer les gouffres d’une terre d’éveil dont
la foudre et l’aurochs se disputaient le poids.

Il y eut un nuage rouge et puis plus rien sur une terre

gaspillée par l’aigu des conquêtes. Les totems, qui

avaient fondu, ressemblaient à des bornes indiquant

l’improbable.

« Légende » était le mot que tous avaient perdu.

Jean Orizet

lI

JARRE D’UN ESTRAN 4


JARRE D’UN ESTRAN 4

A la trémie du désert la pointe de cette pyramide dépasse à peine la caravane d’un balancement des chameaux

On a monté à bord de la jonque funéraire la Beauté partagée des EPOQUES 18/19/20/21 de la traversée temporelle que le fleuve conduira à franchir son éternité

Musique semée au vent dans ses cendres .

Niala-Loisobleu – 19 Mars 2021

JARRE D’UN ESTRAN 3


JARRE D’UN ESTRAN 3

Le 5-03-2020

PAR DELÀ LE RIDEAU DE LA PLUIE

Des poussières du Prince Pluie n’efface rien
Sauf sur ses traces la suie qui dans l’air se meure –
Si dessous la pierre se rincent tous les liens
C’est avec la lumière en appui qu’ils demeurent

Cardinale nouveauté ! Cours là et t’évente !
Sourd à la beauté radicale et adventice
Le Prince ne peut danser avec cette actrice
Qui pense et pince tempête en grande savante…

Sourire de macadam au calme venu…
Belle Dame Elvire trame la rue qui brille –
Met à nu la ville et de veille la rhabille
D’où s’égayent mille et mille soleils ténus

A savoir ce souffle pour Misère cachée
Des émissaires souffrent de la voir altière
Mais ils perdent de vue qu’elle vient de trancher
Et qu’elle a déjà tout bu de la ville entière.

Alain Minod

Faisant fi d’une bouteille à la mer

j’habille la foret de sa séparation des eaux en l’actant

La main coupée range les instruments de sa Musique au fond de la jarre.

Niala-Loisobleu – 19 Mars 2021

L’ENFANT PARLE


Il ferme le poste pour tremper ses yeux dans les cartes-postales. Ce matin il a fait corps avec la piscine comme pour plonger dans l’intime de son vouvoiement. Un jardin a sa vie forte et belle sur les laves volcaniques d’une éruption native. Ce fut la naissance de L’EPOQUE

Des virages, la route de là corniche en dévoilant au chauffeur plus que l’enchantement. Tout au fond de la terre. La Racine. La Vie. L’Oeuvre.

Niala-Loisobleu – 10 Mars 2021

NIALA 2019 – BALEARES Île Majorque Serra Tramuntana