GENESE AKSINIA MIHAYLOVA



    
GENÈSE

AKSINIA MIHAYLOVA

I
Déboutonner lentement le corps
quand on manque d’air
comme la châtaigne mûre
desserre ses poings épineux.
Le plus important sont les boutonnières
des veines,
des flottilles fatiguées y sont ensablées
et s’en détachent comme des caillots
des bouquets de coquelicots qui fanent,
se mettent à couler
depuis le cou vers le ventre
et le champ rouge
de ton corps déboutonné
frissonne sous le vent frais du matin.

II
Quand l’air manque
je donne un souffle de vie
au souvenir des eaux utérines.
Des branchies repoussent au cou
des ailerons sur les hanches
du duvet sur le dos,
ni homme ni poisson ni oiseau
je cherche mon sexe.
Après l’ange descend
avec un panier
accroché à son aile gauche
tout au fond mon âme
épouille ses plumes.

III
Il émerge
des eaux utérines,
pousse un sanglot,
la première gorgée d’air
ressuscite la mémoire
de vies précédentes.
On le lange,
on lui attache les mains et les jambes
avec une ganse rouge.
Les souvenirs qu’il a ramenés
s’atrophient avec les années
et chaque partie du corps déboutonné
s’abandonne à un rêve différent :
les plantes des pieds – dans des prairies vertes
des oiseaux de mer – sur les paumes
et je ne comprends vraiment plus
qui coud la chemise
qui déboutonne le corps.

Aksinia Mihaylova

COMME A LA PIERRE QUI BUTTE


COMME A LA PIERRE QUI BUTTE

A l’eau des trottoirs

qui rigole ?

Sur le Nil

le cadran solaire tend son cou comme cette girafe du zoo de Vincennes qui cherche à voir au-dessus du mur

St-Louis en l’Île l’injustice t’a scié le chêne là où tu voulais asseoir Lutèce sur tes genoux

Et comme l’âne qui recule quand on lui dit de remplir le saut

le barbelé a divisé la steppe en morceaux

C’est la vie

sauf qu’à part une formule

ça ressemble plus au p’tit-corbillard qu’à un char-à-bancs

Pourtant j’ai du soleil dans mes averses

au poing que j’uppercut la sonnerie de la rentrée

pour rester nu dans les luzernes du Pila

surtout que j’ai laissé ma pelle dans le sable du château.

Niala-Loisobleu.

26 Décembre 2022

A MES MOTS-PEINTS L’ATTACHE QUI DEMEURE


Borne des Récollets, Niala et son fils Patrice, rescapé des 3+2, en ce tant là de 2016

A MES MOTS-PEINTS

L’ATTACHE QUI DEMEURE

Du monde que j’ai parcouru

mon coeur a toujours tenu un maillon de sa chaîne en valise

où que je sois

car le symbole développe le visage des pierres que l’on monte

sans que les vents destructeurs n’aient pu en ébouler la chambre d’amour

L’humain s’y concentre

Alors que le rivage actuel tire à sa fin pour une nouvelle côte et que l’érosion en développant ses méfaits laisse l’architecture raisonnée au musée, comme si la vie ne pouvait qu’habiter un cimetière

j’ai dans le pouls un éternel voeu qui bat

Les illusionnistes tiennent les vitrines allumées pour que le produit marchand tienne malgré les guerres, les égocentrismes et la cessation des liens de sang comme moyen de transport

N’empêche que devant mon chevalet je ne saurai dire au lin exposant par tout

un arbre, un oiseau, une maison, toi la Femme, deux seins, un bas de dos et un haut d’aisselles

ce nombril intact avec l’amour

sans aller à l’embarcadère souhaiter un bon voyage à la nature de l’acte sacré.

Niala-Loisobleu.

26 Décembre 2022

Sur le bout de la jetée


Sur le bout de la jetée

Sous couvert de l’hippocampe encré à l’abri de la feuille blanche le vent regarde au loin pour trouver ce qui s’est éloigné

Ce pilotis auquel s’attache l’ombilical cordon d’un besoin de protection humaine a les yeux dans la cène

Ce murmure qui arrive de demain dis-moi

Juste un geste d’aujourd’hui pour le choix des plumes de couleur

Je me baigne en sel.

Niala-Loisobleu – 26 Décembre 2022