CONTRE PAR HENRI MICHAUX


NIALA

CONTRE

HENRI MICHAUX

Je vous construirai une ville avec des loques,

moi!
Je vous construirai sans plan et sans ciment
Un édifice que vous ne détruirez pas,
Et qu’une espèce d’évidence écumante
Soutiendra et gonflera, qui viendra vous braire

au nez,
Et au nez gelé de tous vos
Parthénons, vos arts

arabes, et de vos
Mings.

Avec de la fumée, avec de la dilution de

brouillard
Et du son de peau de tambour,

Je vous assoirai des forteresses écrasantes et superbes,

Des forteresses faites exclusivement de remous et de secousses,

Contre lesquelles votre ordre multimillénaire et votre géométrie

Tomberont en fadaises et galimatias et poussière de sable sans raison.

Glas!
Glas!
Glas sur vous tous, néant sur les

vivants !
Oui, je crois en
Dieu !
Certes, il n’en sait rien !
Foi, semelle inusable pour qui n’avance pas.
Oh monde, monde étranglé, ventre froid !
Même pas symbole, mais néant, je contre, je

contre,
Je contre et te gave de chiens crevés.
En tonnes, vous m’entendez, en tonnes, je vous

arracherai ce que vous m’avez refusé en

grammes.

Le venin du serpent est son fidèle compagnon,
Fidèle, et il l’estime à sa juste valeur.
Frères, mes frères damnés, suivez-moi avec confiance.

Les dents du loup ne lâchent pas le loup.
C’est la chair du mouton qui lâche.

Dans le noir nous verrons clair, mes frères.
Dans le labyrinthe nous trouverons la voie

droite.
Carcasse, où est ta place ici, gêneuse, pisseuse,

pot cassé?
Poulie gémissante, comme tu vas sentir les

cordages tendus des quatre mondes!
Comme je vais t’écarteler!

Henri Michaux