Là où nous nous habitons


Là où nous nous habitons

De la grande bassine à fleurs du soleil où nous habitons, à trois gouttes de l’estuaire, toi tu es la jarre à trous de la graine à fraise que j’aspire à suspendre, la dotant d’ailes pour que son espace ne soit jamais limité

Aucune ombre n’aura atteint le sol , les sables du désert ne comptant pas puisque ta goutte d’ardoise y est imperméable et que le gué qu’elle forme ricoche des marées aux échelles que ta réflexion dresse

Les premiers bourgeons des racines sont sortis avant que le chien ne prenne son élan jusqu’au tertre, tandis que les tuiles s’ocrent au feu du soleil

Ruisselantes tes vertèbres ont puisées la palmeraie des argiles des derniers grands forts de l’Atlas

Tes chameaux ont ouverts la route de la soie, j’étais sur l’échafaudage de ta poitrine, si haut que mes

yeux ont pu apprendre l’autre rive avant d’y entrer

J’en ai gardé la clef universelle, celle des petites maisons blanches qui logent les guitares à l’étage des nuits d’amour où les dallages sont couverts de coussins pour l’assemblage des peaux

La nuit quand tu dors, collé à ton moucharabieh je sirote ta respiration sans craindre les grands fauves qui vont boire

Et laisse les matins venir t’écouter au centre de l’émotion qui t’entoure

Peindre n’a pas d’âge

j’ai commencé avant d’apprendre

laissant ma chair de poule couver les oeufs de l’imaginaire qui sauve de toutes les pénuries et refuse les guerres.

Niala-Loisobleu – 19 Avril 2022

PASSAGE A LANGUE PAR JACQUES IZOARD


PASSAGE A LANGUE

PAR JACQUES IZOARD

D’ombre à langue, un seul quinquet.
Celui de la petite parole ou de la petite pupille.
Petite langue à la serpe.
Languette au fond du puits.
Langue douce, langue de papier.
Langue de boucher, de vitrier.
Langue de musée du verre étoile.
Deux langues disent la voix d’un double corps d’épouse.
Langue de dimanche au soleil.
Langue à l’affût des langues, des dards, des verges et des glus.
J’avance la langue vers toi, pli très doux du vertige.
Je la loge entre les lèvres les plus aveugles du corps.
Le bleu tassé inonde ventre et bouche ensevelis.
Mais l’herbe en masse étourdit le dormeur.
Le chemin de salive a longé la forêt.

Langue dodue, langue d’ailleurs.
J’arrache la voix du crieur.
J’avale la voix du voleur.

LA COURBE DES REINS


LA COURBE DES REINS

Bien que le ciel ait du fatiguer en ramenant les cloches de voyage, ce que je vois du poussin me rassure

Ces petits ont une résistance qui provient de tout ce qui lie à l’oeuf donc à l’oeuvre à mener au bout de l’ouvrage

Quand je suis parti ce matin à part les fonctionnaires absents que je comptais voir il n’y avait dans l’air qu’une vieille et éculée promesse que l’Administration Française serait à notre service sans s’esquiver

Les heures ont passé pour rien, je me garderai l’après-midi pour mettre mon soleil dans l’atelier

A la courbe des reins comme le violoncelle que je prends par tes hanches quand je veux dire, mon dieu que je t’aime !!!

Niala-Loisobleu – 19 Avril 2022

TRESSAGE D’ATTENTES PAR MICHEL BUTOR


TRESSAGE D’ATTENTES PAR MICHEL BUTOR

C’est un provençal qui rêvait de pluies normandes

A l’ombre de vieux imprudents sublimes

Dans les pérégrinations des solitaires en convoi

Entre la précipitation et le délai

A l’écoute du sensible aux aguets du balbutié

Dans les investigations des laboratoires en détresse

Entre la lenteur et l’explosion

Astronome chroniqueur enlumineur éclairagiste

Dans les révolutions des pays en exil

Entre le paraphe et le commentaire

Calligraphe parodiste portraitiste météorologue

Trouvant le germe où d’autres n’avaient fouillé que des tombes

Entre l’aspersion et la bibliographie

glossateur artisan jardinier constructeur

Trouvant le dialogue où d’autres n’avaient prévu que la joute

C’est un écrivain qui transcrit les peintures pour la rumeur

Patient fouineur aventurier organisateur

Trouvant le passage où d’autres n’avaient bâti que des chicanes

C’est un peintre qui interroge les écrivains sur les peintres

Au fil du foyer au coeur de la marge

Trouvant l’oeil ou d’autres n’avaient cherché que des échos

C’est un parisien se baignant dans des pépites d’Italie

Au soleil de jeunes mémoires imperturbables

Dans les multiplications des imaginations de l’amour

Michel Butor