LES OISEAUX DEGUISES – JEAN FERRAT / LOUIS ARAGON


0:44 / 3:28

Les oiseaux déguisés

Jean Ferrat / Louis Aragon

Poète : Louis Aragon (1897-1982)

Recueil : Les Adieux et autres poèmes (1982).

Tous ceux qui parlent des merveilles
Leurs fables cachent des sanglots
Et les couleurs de leur oreille
Toujours à des plaintes pareilles
Donnent leurs larmes pour de l’eau

Le peintre assis devant sa toile
A-t-il jamais peint ce qu’il voit
Ce qu’il voit son histoire voile
Et ses ténèbres sont étoiles
Comme chanter change la voix

Ses secrets partout qu’il expose
Ce sont des oiseaux déguisés
Son regard embellit les choses
Et les gens prennent pour des roses
La douleur dont il est brisé

Ma vie au loin mon étrangère
Ce que je fus je l’ai quitté
Et les teintes d’aimer changèrent
Comme roussit dans les fougères
Le songe d’une nuit d’été

Automne automne long automne
Comme le cri du vitrier
De rue en rue et je chantonne
Un air dont lentement s’étonne
Celui qui ne sait plus prier.

Louis Aragon.

« LE CREUX DU LIT » – NIALA 2022 – ACRYLIQUE SOUS/VERRE 40X50


« LE CREUX DU LIT »

NIALA 2022

ACRYLIQUE SOUS/VERRE 40X50

Tirant l’aiguille et les paumes à l’embrassé de leurs petites oreilles

mon peint persistant reboise la respiration étouffée

devenu maritime

il mouette à la recherche de l’île par le chemin des toiles

L’amour irréfragable à la crète des vagues remonte en mascaret à la source d’où tu coules

Draps chiffonnés de sel par la langue de ce petit cône que mes doigts de vent pointent pour seul phare,

et consacrent dragon du mont poursuivant les maudits naufrageurs.

Niala-Loisobleu – 9 Février 2022

D’un marché sur l’eau


Reconversion d’un marché sur l’eau

Du souffle d’un trottoir du Mékong la blancheur d’ibis parsemés dans le delta contraste avec la noirceur d’un attrait pour le tourisme sexuel et l’approvisionnement facile en denrées illicites

issue des guerres transmissibles du Viet-Nam l’ô croupie frelate la traversée biblique dans l’usage pédophile où le Triangle d’Or a muté

Plus que flottant on en a fait un marché d’outre-noir juteux à partir du blanc le plus pur

Tout ça pour ça comme dit le louche

Au point que j’en arrive à croire que jusqu’à l’imaginaire croire pourrait être plus dangereux qu’une opposition aux vaccins. Pasteur lui-même est pris d’un doute, son anti-rage est bon à revoir

Et pour tant la manière dont l’amour me tord la tripe gagne la moelle épinière à me faire mollir les jambes

Il s’avère que des vertus qui disparaissent la seule qui reste commence à douter d’ailes comme un vertige qui guette

Mon d’yeux dites-moi que faire.

Niala-Loisobleu – 9 Février 2022

Sílvia Pérez Cruz • Todas las madres del mundo



« Je pleure sans raison que je pourrais vous dire, c’est comme une peine qui me traverse, il faut bien que quelqu’un pleure, c’est comme si c’était moi. » M. D.

Sílvia Pérez Cruz • Todas las madres del mundo

23 DÉCEMBRE 2020

tags: Farsa (género imposible)Josep (film)Miguel HernándezSílvia Pérez CruzTodas las madres del mundo

Farsa (género imposible) [« Farce (genre impossible) »] est le dernier album de Sílvia Pérez Cruz, l’étincelante Catalane. C’est l’un de ses meilleurs. Prévu pour le printemps de cette exécrable année 2020, finalement publié en octobre, il est composé de travaux réalisés en liaison avec des œuvres tierces, de genres différents : cinéma, film documentaire, ballet, théâtre. On y retrouve par exemple Mañana, composée sur un poème d’Ana Maria Moix pour le film Ana María Moix, passió per la paraulaPlumita et les chansons du film La noche de 12 años d’Álvaro Brechner (2018) auquel elle participait en outre en tant qu’actrice, ou encore un extrait du ballet Grito pelao, dans lequel elle se produisait avec la danseuse de flamenco Rocío Molina.

On y entend aussi cette chanson, Todas las madres del mundo (« Toutes les mères du monde »), composée sur le poème Guerra (« Guerre ») de Miguel Hernández (1910-1942) pour le film d’animation Josep d’Aurel (France, 2020) où elle prête sa voix au personnage de Frida Kahlo.

………

Sílvia Pérez Cruz • Todas las madres del mundo. Miguel Hernández, paroles ; Sílvia Pérez Cruz, musique. Les paroles sont extraites du poème Guerra de Miguel Hernández, avec quelques modifications.
Sílvia Pérez Cruz, chant, guitare ; Mario Mas, luth espagnol ; Javier Mas, archiluth ; Carlos Montfort, violon ; Marina Sala, accordéon.
Extrait de la bande originale du film d’animation Josep (France, 2020). Aurel, réalisation ; Jean-Louis Milesi, scénario.
Extrait de l’album Farsa (género imposible) / Sílvia Pérez Cruz. Espagne, ℗ 2020.

………


Todas las madres del mundo,
ocultan el vientre, tiemblan,
y quisieran retirarse,
a virginidades ciegas,
el origen solitario
y el pasado sin herencia.
Pálida, sobrecogida
la fecundidad [virginidad] se queda.
El mar tiene sed y tiene
sed de ser agua la tierra.

Toutes les mères du monde
cachent leur ventre, tremblent,
et voudraient retourner
à des virginités aveugles,
au commencement solitaire
et au passé sans héritage.
La fécondité [virginité] demeure
Dans la pâleur et dans l’effroi.
La mer a soif et
La terre a soif de devenir eau.

La sangre enarbola el cuerpo,
precipita la cabeza
y busca un hueco, una herida
por donde lanzarse afuera.

Le sang hisse le corps,
précipite la tête
et cherche un creux, une blessure
D’où fuser au-dehors.

La sangre recorre el mundo
enjaulada, insatisfecha.
Las flores se desvanecen
devoradas por la hierba.

Mis en cage, insatisfait
Le sang parcourt le monde.
Les fleurs se fanent,
Dévorées par l’herbe.

El corazón se revuelve,
se atorbellina, revienta.
Arroja contra los ojos
súbitas espumas negras.

Le cœur se retourne,
tourbillonne, éclate.
Il jette contre les yeux
De soudaines écumes noires.

Ansias de matar invaden
el fondo de la azucena.
Acoplarse con metales
todos los cuerpos anhelan:
desposarse, poseerse
de una terrible manera.

Des envies de tuer prennent possession
Du coeur du lis.
Tous les corps aspirent à
S’accoupler avec des métaux :
Avec eux se marier, se posséder
d’une manière terrible.

El mar tiene sed y tiene
sed de ser agua la tierra.

La mer a soif et
La terre a soif d’être eau.

Después, el silencio, mudo
de algodón, blanco de vendas,
cárdeno de cirugía,
mutilado de tristeza.
El silencio. Y el laurel
en un rincón de osamentas.
Y un tambor enamorado,
como un vientre tenso, suena
detrás del innumerable
muerto que jamás se aleja.

Et puis, le silence, muet
de coton, blanc de bandages
Bleu de blouses de chirurgiens,
mutilé de tristesse.
Le silence. Et le laurier
dans un coin parmi les ossements.
Et un tambour amoureux,
comme un ventre tendu, bat
derrière l’innombrable
homme mort qui jamais ne s’éloigne.
Miguel Hernández (1910-1942). Todas las madres del mundo, adaptation par Sílvia Pérez Cruz du poème Guerra, extrait de Cancionero y romancero de ausencias (1938-1941).Miguel Hernández (1910-1942). Toutes les mères du monde, trad. par L. & L. de Todas las madres del mundo, adaptation par Sílvia Pérez Cruz du poème Guerra, extrait de Cancionero y romancero de ausencias (1938-1941).

………

A LA TRAÎNE


A LA TRAÎNE

Dans le verrou d’un silence de gorge le soir en cherchant le sommeil a senti bailler l’heure d’un creux d’exotisme

Le canot à plat sur le bas de la marée comptait les moutons au bout du pré salé en guettant la venue du geste espéré

Le veilleur de nuit était le seul a dormir sur sa ronde.

Niala-Loisobleu -9 Février 2022