La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Coulures d’une nuit qui s’use les yeux à chercher , près de la cabane la plus proche commencent les tours de passe-passe
Le cheval est passé derrière, le moineau qui se réchauffe dans son crottin chaud témoigne de son existence
Personne ne bouge autour de l’écurie. Les chasseurs sont partis avant le levé du jour
La mise-en-scène élaborée la veille est programmée pour 06h00 de pair avec la cafetière, laissant ainsi un temps de récupération à l’innocence après le stupre de la soirée
En coulisses l’équipe de machinistes après avoir graissé les manivelles tend les cordes des cintres. Aujourd’hui c’est un rideau bucolique que les esclaves ont peint sur les rotatives d’une météo blanchie et nourrie par la mère maquerelle chargée de l’éducation des jeunes séminaristes
Un pape est maure, un autre est appelé à régner
Dans la buanderie Cendrillon passe le carrosse au tampon gex. Faut que tout soit nickel avant que les frangines viennent la faire chanter en la menaçant de dire publiquement qu’elle est vierge. C’est surtout l’aînée qui est la plus cruelle. Elle est sadique. Plus méchante qu’un sanglier qui se serait convaincu qu’on on lui en voulait et persuadé qu’on lui avait menti. Imagine…
Au moment crucial ma boîte de couleur a débarrassé la table des restes de craies mâchées et des tubes d’un hit de merde pour une grande toile neuve que la muse avait accouché. L’âne a braie…
Les néons qui vantent enfarinent ce qui reste d’idées claires
Vive le règne de l’imposture
Dominant
Dominé
Dominus
Et si tu n’aimes pas, prends-garde à toi
je te roulerai sur le gras de ma cuisse, genre Carmen
Niala-Loisobleu – 25 Octobre 2021
Jacques Bertin – À La Messe Du Soir, En 1955
À la messe du soir le prêtre aussi sans doute S’ennuie parmi les couche-tard, les divorcés Les traînards de l’armée perdus dans leur déroute Hésitant à jeter leurs armes au fossé
Un frisson te parcourt malgré la canadienne Tu ne t’es pas changé. La tenue de maçon Sent le chantier. Tu crains que quelqu’un te surprenne La barque des beaux jours racle un peu les haut-fonds
Tu es un arbre vif où un clapot vient battre De Kyrie, de Sanctus et d’Agneau de Dieu Baisse la tête, on voit tes mains pleines de plâtre Dans la lueur affreuse où stagnent des vœux pieux
Dans le gréement est égarée une hirondelle Aux appels sans écho, aux effrois sans réponse La nef oblique au vent, sa cloche unique appelle Sur la houle des quartiers neufs et le béton
Sur le parvis, tu partages ta foi en loques Plus une cigarette et la quinte de toux Avec un inconnu qui s’enfuit. Tu te moques De sa hâte risible et son dégoût de tout
Tu rentres sans traîner, les poings morts dans les poches Comme un fil-de-fériste sur le fil des rues On entend un ricanement fou sous un porche Et c’est le Christ, cette ombre montant vers les nues
Poitrine de l’olivier où l’arbre de patience est en son plus doux caressé par le temps d’aventure. Je m’y suis taillé un pan d’écorce
À votre semblance autrefois quand dans votre front l’été se cherchait encore —je l’ai enflammé ;
Un brasier très pur comme d’un holocauste plein de signes et de chants morts, j’y ai promené l’ombre de mes mains
Longtemps pour qu’elles soient sauves de toute tache et puis j’ai écrit à destination des sereins épan-deurs de joie votre nom tel qu’il était avant le lever du vent d’angoisse:
Avant moi.
Je n’ai jamais connu dans sa vérité ce qui m’était cher;
je brûlais d’absolu je m’inventais nécessaire
à son devenir. C’était hier.
Je passais près de la source sans voir le rouge-gorge y boire
en silence, économe de sa chanson pour ses amours du soir ;
je n’écoutais que la rumeur là-bas de l’embouchure mariage en moi de l’onde et du divin de la mer. Maintenant à ces jours morts qui tombent de mes épaules sans même rider l’eau je possède le dur savoir ;
Le pain des joies ne se fait que du levain de l’aléatoire : pour l’avoir ignoré je meurs de faim. Temps enfui.
Chacun à l’heure d’aimer regarde le soleil en face tel l’aigle en sa légende
et puis ferme les yeux sur une étoile du tard, l’humble et l’habile
la tamisante qui fait durer l’espoir en son leurre, le tranquille.
J’ai regardé jusqu’au vertige.
Temps enfui, cristal rebondissant en son écho de cristal en cristal, aveugle désormais de ne mirer que le convexe et l’oblique.
De lourds loriots anciens, cendres de leur chant encore convoient le matin vers son nom d’été.
Le révolu vit de proies humbles endormies sous le sommeil des haies ; il n’est là que pour témoigner
d’un homme parti de lui-même depuis plusieurs années.
La cécité des larmes est la plus profonde ces yeux dans les yeux qui en calme tumulte ne fixent que l’amour et la mort.
Christ, nuit d’Orphée, syllabe arrêtée du chant d’adieu, hier y ressuscitait dans le remords Eurydice ;
où maintenant est-il? Je tourne et tourne en vain dans de rondes ténèbres. Où sont sa croix, ailes clouées du Verbe, et mon reniement
qui l’avait plantée ? Je ne sais.
Déferlement d’eau longue : la mémoire ne s’oriente plus et s’aveugle.
Qu’ai-je été, qu’ai-je désiré, quelle est cette ombre
un matin venue avec l’aube m’aborder pour me rendre si seul ?
Déferlement, déferlement d’eau longue ; j’y ai perdu jusqu’au toucher, je ne peux même plus en suivre le contour.
Ni ombre peut-être ni personne : seulement un dessin de mon souffle
sur une vitre tachée, ma jeunesse.
Chacun du sel de ses larmes sécrète peu à peu lucidement sa tombe.
Où se dresse la mienne et quelle est-elle
au bout de quel sentier du vent?
Je me souviens à peine, comme au fond d’une autre vie, d’effluves tendres
qui me guidaient vers ma fin, me bâtissaient ma prison à la fois d’immobilité et d’audace
et de lendemain.
Comme au fond des sargasses d’une autre vie. Comme aux marches d’une éternité que je ne gravirai qu’à reculons
condamné à ne jamais montrer mon visage aux étoiles de rémission.
La ronce dans midi se déchire à son ombre saigne petit christ d’interdit
une ronde où l’enfant comptine pour ne pas grandir
là où on se moque de lui
La toile tisse au m’aime chant resté d’origine
Et le seoir tire l’haleine de son rouet pour que l’hiver ne l’emporte pas
J’ai dans l’idée des toiles un retour à la vérité
Pour la caresse d’un chat fauve
blé-noir des chapelles
blond-siamois à mon espoir
do rond à mes reins en ballade de la visite au bout du monde…
Niala-Loisobleu – 24 Octobre 2021
Ballade De La Visite Au Bout Du Monde – Jacques Bertin
Un soir de grande lassitude et de routes perdues Venant de loin comme toujours et sans calcul Parti trop tard comme toujours pour le voyage au bout du monde Où l’on va chercher l’or improbable des sept cités J’ai laissé l’auto tiède sur la place Le village est une rose noire au bord de mer jetée Par les ruelles dans la rose noire je suis monté Jusque chez vous sans savoir si j’allais oser frapper
Une silhouette dans le carré de lumière, femme aimée Je suis fou ! Je viens me cogner au bout du monde – Qui est-ce à cette heure ? Les enfants sont couchés ! Répondez-moi, répondez-moi, je suis traqué ! La porte qu’on dirait depuis cent ans fermée S’ouvre et la menace des chiens se desserre Tu me cherches, tu interroges, je sors de l’ombre Tu cries, tu fermes sur moi la porte, je suis sauvé
On s’installe autour de l’heure qui bat comme si rien n’était On questionne, on fait l’inventaire, on s’étonne Le cœur est grand offert sur la nappe cirée On parle de rien et sans attendre de réponse Je te demande sans pudeur : Es-tu heureuse ? et tu dis : – oui Tu ris de la question, on est au bout du monde On enlève à la table un éclat de soleil Et je te dis que tu es belle et que je t’ai toujours aimée
Jacques m’emmène voir la maison nouvelle au fond du jardin Dans la nuit noire c’est folie on ne voit rien Mais dans la nuit la plus noire tu connais ton chemin Chaque mur, chaque pierre, chaque ombre La maison est plantée devant le marais et la mer Tu es arrivé, pour toi la route ne va pas plus loin Il faut se battre sur place, la vie n’est plus pour demain Tu ne peux plus détourner la conversation, c’est bien
Et moi déjà je fuis sur la route qui file vers Royan L’auto rêve, elle n’a pas besoin de son maître Mais à peine je suis seul à nouveau, j’ai mal Je gâche le temps et les mots, j’ai peur du bonheur et des roses Le bonheur, est-ce que c’est vraiment si peu de choses ? Si le rythme du cœur est si lent… que sais-je… Pris dans cette solitude comme dans les glaces, on s’arrête, On étouffe, on ne ni avancer ni reculer, on crève…
Je rentre dans le premier hôtel ; on me prend pour un fou Moi aussi je connais mon chemin ! Dans le lit je me roule en boule J’oublie tout.
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