NE PLUS DEVOYER L’Ô


NE PLUS DEVOYER L’Ô

Quitter le taire sec du non-dit , cet espace de non-reconnaissance par refus volontaire du paysage

A grimer la côte pour en repousser l’accostage la pieuvre tient les méduses sur la plage claire

Au centre du patio la fontaine chante, pourquoi vouloir couper ses branches du sauvage ?

Un temps nettoie l’encrassé du mal-fondé

Le pont est lancé

Pas de honte à reconnaître ses erreurs, l’automne assainit l’épendage

Reste du vers dans la cressonnière au rivet de la carlingue

Et nue aux pieds du chien tu tiens l’anémone debout.

Niala-Loisobleu – 30 Octobre 2021

« MERIDIENNE » – NIALA 2021 – ACRYLIQUE S/TOILE 73X60


« MERIDIENNE »

NIALA

2021

ACRYLIQUE S/TOILE 73X60

Des fleurs que des abeilles tiennent à la boutonnière des seins marquent les draps d’une chaude impression

Nu à nu la peau d’un seul tissu franchit la moiteur saisonnière pour faire la planche

Crique me croque

L’anémone entrejambe l’impossible au coeur de l’humble triangle d’herbe humide

Déjà cette odeur de pomme monte au pressoir d’automne se boucher

Niala-Loisobleu

29 Octobre 2021

LA TAILLE DE MON ÂME – DANIEL DARC


DANIEL DARC

LA TAILLE DE MON ÂME

Si tu savais mon cœur rien
Si tu savais mes yeux rien
Si tu savais mes mains rien
Si tu savais mes reins rien

Si tu savais mes jambes rien
Si tu savais mes bras rien
Si tu savais mon ventre rien
Si tu savais mes fesses…rien
Mais si seulement tu savais la taille de mon âme

Si seulement tu savais
La taille de mon âme, mais
Si seulement tu savais
La taille de mon âme

Si tu savais mes hanches rien
Si tu savais mes lèvres rien
Si tu savais mes cris rien
Si tu savais mes jours rien

Si tu savais mes nuits rien
Si tu savais mes rêves rien
Si tu savais mes rires rien
Si tu savais mes joies rien
Mais si seulement tu savais la taille de mon âme

Si seulement tu savais
La taille de mon âme, mais
Si seulement tu savais
La taille de mon âme

Si seulement tu savais
La taille de mon âme, mais
Si seulement tu savais
La taille de mon âme

Si tu savais mon cœur rien

PAR QUAI FLOTTANT


PAR QUAI FLOTTANT

Du temps qui se dérobe

les feuilles sortent le train d’atterrissage

Un petit-homme rouge surfe sur son dédale

le moi s’achève l’heur d’été

Niala-Loisobleu – 29 Octobre 2021

L’HABITANTE ET LE LIEU – JACQUES REDA


Photo Niala « Tours de Breizh »

L’HABITANTE ET LE LIEU PAR JACQUES RÉDA

L’âme semble un couloir où des pas hésitants résonnent,
Mais personne jamais ne vient.
Dehors, l’ombre qui

tremble
Dans les encoignures de porte et sous les escaliers,
C’est l’âme encore, quand la nuit fige le long des murs
Les flots d’eau pâle et froide où l’on est heureux de

descendre.
Et qui donc parlait de salut ou de perte pour l’âme.
Alors qu’elle est blottie en son frisson et cependant
Toujours plus dénudée au vent qui souffle en ce couloir ?
Qu’elle se cache ou rôde, écoute : elle s’égare, étant
L’habitante et le lieu d’une solitude sans nom.

Jacques Réda

LE PONT MIRABEAU – LEO FERRE


LE PONT MIRABEAU

APOLLINAIRE/ LEO FERRE

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

PAUVRE RUTEBEUF – LEO FERRE


PAUVRE RUTEBEUF

LEO FERRE

Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Avec le temps qu’arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n’aille à terre
Avec pauvreté qui m’atterre
Qui de partout me fait la guerre
L’amour est morte
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à hote
En quelle manière

Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m’était à venir
M’est avenu

Pauvre sens et pauvre mémoire
M’a Dieu donné le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit sur moi quand bise vente
Le vent me vient, le vent m’évente
L’amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Les emporta

PAROISSE – JACQUES BERTIN


Photo Niala « Tours de Breizh »

PAROISSE

JACQUES BERTIN

Des femmes sont assises dans l’hiver
Le long de la radio, sur un dernier travail
C’est tard la nuit, il est déjà dans les dix heures
Depuis longtemps dorment dans les chambres glacées
Des enfants protégés du mal par un signe de croix
Des femmes sont assises dans l’hiver. Il fait grand froid.

A la gare on attend encore le train de Combourg et Dol
Dans la prairie les gitans guettent le sommeil des chevaux
Ils ont plié le cirque dérisoire et ils s’en vont. Demain
Les maçons ne travailleront pas sans doute à cause du gel
Demain il y a messe pour la jeune fille qui est en deuil
De Nantes vient le givre avec ses cuivres. Il fait grand froid.

Paroisse de l’année soixante. O périphérie de la paix
Femme posée comme une lampe à huile dans le silence
Rassemble dans cet écrin-là tous tes enfants. Emporte-les
Vers le bon dieu et qu’on ne nous sépare pas
Demande-lui si c’est bien demain que le payeur passe
Et quand va-t-on enfin goudronner la rue. Tu as froid.

Tu fermes la radio. Tu montes en faisant attention
Vers un endroit que je t’ai préparé dans ma mémoire
Et qui s’est détaché de moi pour vivre, comme une chanson
Où tu es bien parce qu’on ne nous séparera pas.

Photo Niala « Tours de Breizh »

DANS L’ APPROCHE


DANS L’ APPROCHE

Les esquisses sur la table du menu du jour, agrandissent déjà devant elles

Le chevalet a pris l’endroit où le soleil passe

Ce que tu n’as pas encore dit approche

La brume en lambeaux épars ne se rassemblera pas si tu déboutonnes le couloir du décolleté

L’ocre-peau se le tient pour lin.

Niala-Loisobleu – 28 Octobre 2021