TOUR DE BRANCHE


TOUR DE BRANCHE

Plus élevée vient la senteur d’herbe au recul de l’ombre. Les feuilles se remplissent sans que cette pluie envahissante n’entraîne l’odeur de l’encre sanguine extraite du fruit à grains qui s’est écrasé quand j’ai serré le creux de ton coude. Ton genou a sursauté comme si la corde avait été dénouée. Odilon Redon a toujours de la vie dans le désespoir par nature. S’il octroie la parole au végétal c’est pour donner de quoi frémir à la tige qui tient raide contre le néant. Il se peut que l’on se demande où tout ceci mène. C’est vrai qu’en restant dans l’étroit de sa croix en signature on ne peut prendre un départ métaphysique. Poésie en mouvement, la mine trace le langage naturel de l’enfant. Alors de l’autre côté de la fenêtre j’ai lâché l’embrasse pour que le rideau quitte la pièce. Le motif commercial qui s’attache à chaque seconde de Noël a disparu quand je me suis souvenu de ma joie d’enfant en trouvant des oranges en me levant ce matin-là. Alors j’ai poussé ta présence au coeur des choses, La première feuille a tapé des pieds dans le ventre de sa branche-mère

, Des oiseaux ont fleuri le dai du lit .

Niala-Loisobleu – 24 Décembre 2020

2 réflexions sur “TOUR DE BRANCHE

    • XXVIII

      Nous dormions nus

      à l’intérieur des fruits.

      C’est ce que nous avons : sommeil

      et la soudaine sécheresse,

      jusqu’à la fin.

      Amers.

      Par l’humidité on descendait

      aux fontaines – je me souviens.

      Des lèvres.

      XXII

      Tu peux me confier sans crainte

      les menues besognes matinales.

      Laisse faire les nuages,

      la poussière ardente par-dessus les toits,

      les marteaux de la tristesse sur la table.

      Mon pays s’étend de juin à septembre,

      avant la première neige appelle-moi.

      XXVI

      J’avais traversé l’été pour te voir

      dormir, et rapportais d’autres contrées

      un soleil de blé dans la pupille ;

      quelquefois la lumière s’attarde

      sur des mains fatiguées ; je ne sais en lequel

      de nous explosa une soudaine

      jeunesse – explosa, ou chantait :

      l’air était plus frais.

      Qui chante en plein été espère voir la mer.

      XXXV

      Parfois on rentre chez soi en traînant

      l’automne par un fil,

      c’est alors que l’on dort mieux,

      le silence même a fini par se taire.

      Peut-être que dans la nuit retentit le chant du coq

      et qu’un gamin monte l’escalier

      avec un oeillet

      et des nouvelles de ma mère.

      Jamais je n’ai été si amer, lui dis-je soudain,

      jamais la lumière dans mon ombre

      n’est morte si jeune

      et si trouble.

      On dirait qu’il va neiger.

      XXXVII

      Pas seulement les maisons. Les paroles aussi

      montrent à présent les morsures de la peau.

      Quelle est cette lumière qui ne répond pas,

      et au vent seul

      livre son sourire ? Si elles chantent,

      où chantent-elles ? Dans le cœur

      d’un ami, c’est là qu’on trouvera les vestiges d’un feu.

      Comment espérer

      qu’il brûle encore ? La plus aérienne

      parle. Doucement

      elle éloigne la nuit. Tandis que la neige,

      oh la neige, la neige attend.

      Eugénio de Andrade

      Ces poèmes sont extraits, respectivement, de Matière solaire (XXVIII), Le poids de l’ombre (XXII ; XXVI) et Blanc sur blanc (XXXV ; XXXVII), traduits du portugais par Michel Chandeigne, Patrick Quillier et Maria Antónia Câmara Manuel, Poésie /Gallimard, 2012.

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