TANT DE CORPS ET TANT D’ÂME


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TANT DE CORPS ET TANT D’ÂME

 Captifs de l’étrange machine
Qui nous mène de vie à trépas

En quel lieu de ce corps en fonction

De ce sang qui déambule

Se fixe l’être

Bâti d’élans de songes de regards

Qui parle les langues du silence

Qui devance mots et pensées?

Qui prononce notre mort
Qui instaure notre vie

Qui présence ou absence

Dans la mêlée des vallées et des gouffres

Nous prodigue

Cette sarabande de rixes et de roses

Nous assigne

Ce pêle-mêle de discordes et d’harmonies?

Qui

tissant ensemble

tant de corps et tant d’âme

Nous imprègne de passé
Nous génère un avenir?

II

Plus loin que tes membres

Plus haut que ton front

Plus libre que racines

Tu t’émancipes de l’arbre de chair

Vers les récits du monde

Vers l’image inventée

Hors des marques quotidiennes
Où tu vécus fièvres et moissons
Soleils ou mélancolies

Tu t’élances
Une fois de plus
Débauchant l’espérance.

III

L’esprit s’aventure
Tandis qu’en sourdine
Le corps tout à sa trame
Poursuit de secrètes et mortelles visées

Spectateurs ahuris

Nous déchiffrons soudain

Sur nos peaux en nos charpentes

Les croquis de l’âge

Tout ce grené tout ce tracé

Tous ces naufrages

Que nous n’avons pas conduits

Ces mêmes érosions ces mêmes

Qu’aucune chair n’a jamais fuis

Le temps triomphe des temps

Soumis au projet sans failles

De l’impassible métronome

Le corps lentement se déconstruit

Tournant autour du pieu
Où s’embrochent nos destins

Il nous reste la parole
Faite d’argile et de souffles

Il nous reste le chant
Fortifié d’autres chants
Alluvions qui progressent
Vers l’horizon sans appel.

Andrée Chedid

 

VUE DE TOI


VUE DE TOI

Entre braise et fumée reste l’ocre clair de la pierre à feu où, appuyé, mon vélo ne se sent pas de changer de braquet. Pourquoi du minéral couloir de sève bifurquerai-je dans un tissage de fibres issues de secours discutables. La souffrance égare juste l’instant de ravaler la douleur.Tout comme la serinette de la coiffeuse ne démêle rien des musiques en boîte et la carotte du tabac n’indique pas le chemin du sana. Tenir et ne rien défaire de ce qui doit garder son naturel allant. L »écluse qui a son chemin de peupliers a d’abord su qu’il fallait creuser le canal avant de construire les premières marches des échelles à poissons

Aujourd’hui je n’ai rien fait.

Mais beaucoup de choses se sont faites en moi.

Des oiseaux qui n’existent pas

ont trouvé leur nid.

Des ombres qui peut-être existent

ont rencontré leur corps.

Des paroles qui existent

ont recouvré leur silence.

Ne rien faire

sauve parfois l’équilibre du monde,

en obtenant que quelque chose aussi

pèse sur le plateau vide de la balance.

Roberto Juarroz

Au matin d’un rêve poursuivi la corde à linge n’a pas pris la robe blanche au collet. Elle flotte bien devant l’haveneau qui fouille la première vague. Avec le plancton de service les deux bras tendus de Jonas ne baleinant pas la poitrine de l’air libre, laissent chaque pli de l’accordéon danser au bout de chaque téton durci. L’enfant-Lumière de la hune, sur son grand arbre, voit venir l’amour de lui-m’aime..

Aujourd’hui tu n’as rien fait d’autre que te montrer, limpide et claire, voile à la mer, repoussant l’ombre du naufrage sur ses propres accostages.

Niala-Loisobleu – 24 Mai 2017

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