CÔTE TROTTOIR


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CÔTE TROTTOIR

La rue d’un moment reste ouverte à chaque bout si le caniveau n’est pas bouché, Cette pensée est de mon âge, il faut avoir des bouchons, de la ficelle, un caillou dans la poche pour en comprendre la résonance particulière. Rien de ce qui tambour de ville n’en décline le moindre avis. Un grand boulevard affiche les balcons de mes films. Odeur de cornet de frites, Rivoli, tes marrons d’Inde ont un piquant qui m’a toujours gardé assis sur un cheval de bois. Guignol fait rire les enfants, j’en ai le ballet devant la porte de ma pensée de fessée.

A l’une de leurs premières rencontres, Franz lui dit avec une intonation singulière : « Sabina, vous êtes une femme. » Elle ne comprenait pas pourquoi il lui annonçait cette nouvelle du ton solennel d’un Christophe Colomb qui viendrait d’apercevoir le rivage d’une Amérique. Elle comprit elle comprit seulement plus tard que le mot femme qu’il prononçait avec une emphase particulière, n’était pas pour lui la désignation de l’un des deux sexes de l’espèce humaine, mais représentait une valeur. Toutes les femmes n’étaient pas dignes d’être appelées femmes… (Kundera – L’insoutenable légèreté de l’être – Extrait page 133)

Au rayon fruits et légumes, j’ai caressé d’un oeil affamé un jardin particulier. Derrière la clôture de bois, là où les liserons rament, les planches écartées de cette cabane murmurent des ciels-de-lit. Par la vitre du compartiment quelques vaches reverdissent un bocage brûlé de chaleur estivale. En traversant d’un tube à l’autre, le lin blanc tendu, tu a actionné la manivelle du chevalet. Ma poitrine résonne de tes coups. Ma Muse ne fais rien rien qui ôterait ce qui caractérise ton genre.

Niala-Loisobleu – 17/09/18

Extraits d’Ostinato (éditions Mercure de France)


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Extraits d’Ostinato (éditions Mercure de France)

 

Le gris argent du matin, l’architecture des arbres perdus dans l’essaim de leurs feuilles.

Le parcours du soleil, son apogée, son déclin triomphal.

La colère des tempêtes, la pluie chaude qui saute de pierre en pierre et parfume les prairies.

Le rire des enfants déboulant sur la meule ou jouant le soir autour d’une bougie à garder leur paume ouverte le plus longtemps sur la flamme.

Les craquements nocturnes de la peur.

Le goût des mûres cueillies au fourré où l’on se cache et qui fondent en eaux noires aux deux coins de la bouche.

La rude voix de l’océan étouffé par la hauteur des murailles.

Les caresses pénétrantes qui flattent l’enfance sans entamer sa candeur.

La rigueur monastique, les cérémonies harassantes que les bouches façonnées aux vocables latins enveloppent dans l’exultation des liturgies pour célébrer la formidable absence du maître souverain…

 

Les grands jeux dits innocents où les corps se chevauchent dans la poussière avec un trouble plaisir. Les épreuves du jeune orgueil frémissant à l’insulte et aux railleries.

Le bel été qui tient les bêtes en arrêt et l’adolescent comme un vagabond assoupi sur la pierre.

Le pieux mensonge filial à celle dont le cœur ne vit que d’inquiétude.

Le vin lourd de la mélancolie, le premier éclat de la douleur, l’écharde du repentir.

Les fêtes intimes d’une amitié éprise du même langage, la marche côte à côte sur le sentier des étangs où chacun suspend son pas aux rumeurs amoureuses des Oiseaux…

 

La fille pendue à la cloche comme un églantier dans le ruissellement de sa robe nuptiale, le feu pervenche de ses prunelles.

 

Ce ne sont ici que figures de hasard, manières de traces, fuyantes lignes de vie, faux reflets et signes douteux que la langue en quête d’un foyer a inscrits comme par fraude et du dehors sans en faire la preuve ni en creuser le fond, taillant dans le corps obscurci de la mémoire la part la plus élémentaire :- couleurs, odeurs, rumeurs -, tout ce qui respire à ciel ouvert dans la vérité d’une fable et redoute le profondeurs.

 

Sans doute eût-il fallu, pour garder en soi un fond de gaieté, ne rien voir du monde ni entendre qui vienne de son versant le plus sombre, rien que les éclaircies au sommet et la musique parfois d’une ineffable beauté, mais c’est là encore rêver tout haut, car croirait-on avoir occulté l’innommable qu’il bondirait hors de l’ombre pour rentrer le rire dans la gorge.

 

Dans le jour douteux de la chambre où l’on dira entendre fermenter la mort, ce vieux corps possédé par la souffrance, ce regard en faction sous la broussailleuse grise des sourcils comme travaillant avec une extrême dureté à se voir mourir, ces lèvres où s’entrouvre d’une manière déchirante le sourire timide d’un enfant, ces doigts joints sur le cœur qui cède en un frémissement désolé, ce visage soudain muré dans une absence stupéfiante.

 

Louis-René des Forêts

 

 

 


 

 

Calendrier de l’Avant – Moins 1 +


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Calendrier de l’Avant – Moins 1 +

 

D’un trait d’efface

L’évent tourne

Gomme

Se mordre la poitrine

A pleine bouche

En crachant de pluie

La sécheresse de ta respiration coupée

Ablation, ablation, ablation

On dirait de l’Astor  du temps go

 

Niala-Loisobleu – 14 Décembre 2017

 

 

Tu es là, raison de plus pour que tu viennes


 

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Tu es là, raison de plus

pour que tu viennes

T’as les pieds dans tes godasses,

regardes quand même si le sens des chaussures est bien à l’endroit.

La signification de l’ensemble a le même fondement, ce qui varie sans doute, c’est sa façon de faire. Tu sais c’est l’application du rêve où tu cours sans avancer. Tout est en place et il manque le principal. Peut-être faut-il monter dans la cabine de pilotage et te mettre à la chek-list ? Rappelles-toi le principe du palais. Tu places l’aliment dans ta bouche et laisse monter son goût, tu sens la saveur des arômes envelopper ta langue, la saveur va descendre dans ta gorge….si rien de ceci ne se passe, tu peux dire que tu as seulement bouffé sans avoir rien goûter.

Voilà c’est exactement ça, t’as trouvé, je suis à table mais pas dans l’assiette, ni dans le vert, je cherche à croquer. Rien. Je veux laisser ma langue fermer les yeux pour glisser à l’entrée du pore. Qu’elle aille reconnaître le relief. S’insinue dans les creux. Se glisse sous les fourrés. Descende les crevasses. Plonge dans le flot d’un battement sanguin. Sous-marine dans le vaste aquarium de la volupté des grands-fonds.

Oui, se laisser retourner la peau des lèvres à l’émail des écailles qui tournoient de haut en bas et de bas en ô. C’est l’onctuosité et le râpeux tout à tour, le sucré-salé, cette rencontre qui ne peut se décrire que tu cherches à retrouver.

Niala-Loisobleu – 10 Novembre 2017