LEVEE D’ECROU


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LEVEE D’ECROU

Les dernières paroles de son Excellence Sérénissime restées sur le bord de la fenêtre

ont succombé à la basse température

Des ronds ?

Point

les feux sont au rouge

L’eau

je stérilise

le faire va repasser

A la pêche à la lumière l’enfant nage

Niala-Loisobleu – 02/01/19

DERRIERE LA PORTE VERTE


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DERRIERE LA PORTE VERTE

 

 

J’ai remonté à ça voir

alors que tu avais l’orteil à tremper dans la traversée par le gué.

Parvenu à la fosse poplitée ton sursaut m’éclaira.

Je voulais mieux que souvenir, initier. Trouver derrière pour devant

en te découvrant au premier âge avant que disparaisse l’estran d’avant marée-haute.

 

 

Entre les stèles à la diagonale du clocher où l’aïeule à la corde sonnait, j’ai reconnu la respiration de ton derme nu, rien d’herbe pour le ralentir, rien de caillou pour le bloquer,  tout était à ouvrir.

 

 

Quand je marche au coeur de la forêt des mystères, un arbre est toujours au Centre, pour marquer de sa colonne la destinée du premier pas. Le juvénile d’une tes mèches fait étendard., pendant qu’un orchestre barbare se remet à la chanson douce.

 

 

Au bout de la flèche vibre le ruban de l’arc de ton balancement.

 

 

Niala-Loisobleu – 6 Novembre 2018

 

LE NOYE DU JARDIN


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LE NOYE DU JARDIN

D’un bord non-retenu  l’écart en grandissant met les coutures en alarme

on a vu des chants fertiles craquer soudain sous la brûlure d’un couac

imagine le rossignol garrotté par un changement d’heur

Les eaux calmes se rident comme mordues par un tentacule charnu et mobile, zoophyte flottant à la surface d’une zone blanche où aucune connexion ne passe

insensé mais véridique

Le Cheval Bleu

se cabre à la vue de la forme reptilienne

rien n’indiquant à priori si elle est ou n’est pas venimeuse

Au virage de l’échaudé

l’eau froide agit d’abord et se rétracte après

Remontent les images du cauchemar de l’enfant abusé

l’innocence fourrée dans la bonbonnière d’une gueule velue

Là où on a marché sur la pureté avec les pieds sales

la plaie ne se suture que d’un oeil

Le jour vînt avec

réveil abominable

pourquoi a-t-il fallu qu’un lance-pierre prenne la place du bonjour ?

Sans laisser le temps de vérifier la voilure, la vague traverse le pont en renversant tout sur son passage

le cul hors-d’eau la proue en plongée

le timonier balade d’un bord à l’autre à la gîte

Des ex-voto dans les jambes tout se tient debout avec peine

je me sens périr en marchant seul sous l’eau

Et je me réveille trempé

Niala-Loisobleu

27 Juin 2018

JE NE VEUX PAS DE CHOIX – ÉLÉGIE


JE NE VEUX PAS DE CHOIX – ÉLÉGIE

Alain Bosquet

 

Crâne fendu.
Règne du paradoxe.
Icare est un cow-boy.
Le testament écrit par la rosée.
Le match de boxe.
Le je, le tu, le nous, le quoi dément.

Pourquoi les seins sont-ils des hirondelles ?
Le baobab a payé ses impôts.
Quelques rayons lasers.
Moi, le rebelle, je déchire d’abord votre drapeau.

L’ordinateur et le refus de vivre, mon frère le chaos, mon dernier sou.
La page la plus vraie manque à mon livre.
Le paillasson de l’âme.
On me dissout.

Un azur ronfle.
Une planète tousse.
J’ai fait un beau séjour dans un vagin.
On rêve trop, on s’arrache les pouces.
J’écoute : est-ce le séquoia qui geint ?

Je me censure afin d’être moi-même.
L’absurde bleu est mon meilleur ami.
Désincarné, désincamant, je t’aime, mon moi numéro 5 !
Qui a vomi

sur
Dieu portant son anus à la bouche ?
Colibri, colibri, reste un moment !
Je chauffe mon langage et je m’y couche : ce je-m’en-fous, ce pourquoi, ce comment…

Mon néant, vieux tailleur aux cent costumes en organdi, si je lui commandais une toge à l’ancienne ? Ô goûts posthumes !
Mon amour s’est assis sur son bidet.

Le papillon est mon agent de change.
Je ne connais aucune affinité entre le sang, l’amour, les trois vendanges, la symphonie.
Je voudrais profiter

du désarroi qui devient élégie.
Le réalisme règne dans
Pékin.
Comète, souviens-toi de notre orgie, de ces enfants qu’on jetait aux requins,

de ces noyés qu’on allongeait sur l’herbe, pour mieux leur arracher le cœur.
Patron pris en otage.
Adolescent imberbe.
Clavicule nouée sur chaque front.

La nature n’est douce que bizarre. À force d’insulter notre devoir, nous avons fait de la raison la tare, le pus, la syphilis.
Un tamanoir

sous les palmiers lentement se promène, comme un prophète imbu de sa grandeur.
Ennui, angoisse, rage, entrez en scène !
La mouche qui se tue, la pierre en pleurs,

la neige en feu, la boue qui s’humanise.
Ulysse est établi à
Manchester.
Le doute, j’en ferai mon entreprise.
Okapi commerçant, as-tu ouvert

pour les bourgeois du coin une boutique où tu revends tendresse et gros baisers ?
Soleil aléatoire.
Informatique.
Opticien, programmeur.
Sexes rasés.

Le philosophe invente une prothèse pour ce monde affaibli.
Je vais citer
Schopenhauer, en mangeant quelques fraises.
Je mets en œuvre un plan d’austérité.

Mon fils, c’est au napalm que je t’élève.
Hiroshima, j’aime les champignons, quand ils sont indigo.
Ma mort si brève, il faut ressusciter !
Nous nous baignons

dans quelles eaux, qui soudain se font plates pour n’avoir pas choisi leur océan ? Écriture pourrie jusqu’à la rate.
Bouddha, boudeur, boudin…
Si, en créant

je ne sais quel objet : une chemise,

un pas de vis, un col dur, un écrou,

je parvenais à surmonter ma crise…

Hamiet est chez
Maxim’s dans les frous-frous.

J’ai bu avec
Kafka le dernier verre.
Au travail mes amis : la pendaison !
Ayez la gentillesse de vous taire : aucun livre jamais n’est de saison.

Jésus-Christ, mon ami, as-tu vingt roubles, pour me payer ce soir une putain ?
Le corps est nul, l’esprit se voudrait double et le proverbe, on dirait qu’il s’éteint,

comme sous le crachat mes étincelles.
Pour le cancer, on cherche un débutant : le cou d’abord, puis la nuque et l’aisselle, le ventre, le thorax : on a le temps !

J’éprouve une douceur sous ma souffrance : est-ce un lilas qui veut me caresser ?
Shylock est employé au
Gaz de
France.
Au paradis, j’ai mon laissez-passer

car je suis avec
Dieu dans les affaires : il me donne 1 % sur l’au-delà. Épilepsie.
La dent qu’on doit extraire. Ô
Jeanne d’Arc, bois ton coca-cola ‘

Toute éloquence en poésie, en prose, est comme une jument qu’il faut saillir.
Je sens en moi séisme et ménopause.
La licorne est ministre des loisirs.

Capitale vidée.
La soldatesque a pris le
Graal, la
Toison d’or, l’anneau pour son butin.
Seul un monde burlesque m’est acceptable : un cinéma porno.

Lady
Macbeth, venez qu’on vous console : j’ai un choix de phallus en caoutchouc.
Fuir, je veux fuir la forêt des symboles et devenir banal comme le chou.

Salaire.
Offre d’emploi.
Chef de service.
Titulaire du bac : antihéros du cœur, du doute et de l’esprit qui glisse comme dans sa baignoire un hobereau

âgé de quatre-vingt-dix ans.
Salope, ma tendre muse, où sont mes coups de sang, mon sperme qui baignait toute l’Europe, l’Asie couchée, mon verbe caressant ?

Je suis l’ombre et le vent ; je suis la chiffe et ne reconnais pas l’identité.
J’ai le corps en béton, l’âme apocryphe ; je nais et je renais pour m’effriter

peau après peau, vertèbre après vertèbre.
Abstrait, concret, je ne vois de salut que dans le saint mépris.
Drôle de zèbre !
Le dérisoire avec le superflu,

je les marie en moi.
Beau capitaine, dans le naufrage on trouve sa raison.
Regard de sable et cervelle trop naine.
Je l’ai dans l’intestin, mon horizon.

Un bal.
Une industrie pharmaceutique.
Le marketing du siècle.
Export-import.
Téléscripteur, j’adore ta musique, comme la symphonie du coffre-fort.

Pour se rendre aux enfers avec
Orphée, il suffit de s’asseoir dans le métro.
La reine d’Angleterre est décoiffée.
Einstein, devant la mer, vous pensez trop :

soyez plutôt joyeux dans la lumière

de cet après-midi ; le soleil blanc

ressemble au linge frais.
Ma banque est fière :

j’aurai de quoi vieillir, mais sans talent.

Je ne veux pas d’exemple ni d’Histoire.
Mon siècle est une erreur, et le passé un chapeau claque au fond de mon armoire, bon pour la naphtaline.
Terrassé,

contredit, douloureux comme une chienne que vient de renverser un autocar…
Il n’est jamais de poésie qui tienne, quand on voudrait se pendre au nom de l’art.

Paul
Valéry — journée sentimentale — me montre le néant, qui est en fleur et qui porte avec joie ses cent pétales.
Le vu pour l’invisible est un malheur.

Watteau, le
Vol 40 pour
Cythère à cause du brouillard est annulé ; acceptes-tu, pour mon anniversaire, de peindre un autre amour ?
Il faut mêler

rêve et terreur, le meurtre et la mystique.
J’étais à
Saragosse un jour sans jour, où la pensée ressemble à ces moustiques qui vous crèvent les yeux.
Dans une cour,

vêtue de blanc, hilare, la marmaille découpait, sabre au clair, un vieux taureau.
Adolescents cruels, si je tressaille, c’est que nos jeux communs sont immoraux.

Faim d’absolu, comme une confiture que l’on étale sur son pain moisi.
Dieu ennemi de
Dieu, je n’en ai cure : être, pour moi, c’est rester insaisi.

Car je me joue à la roulette russe :

sang jusqu’aux murs, je sais que je me perds.

Je triche contre moi, la belle astuce :

il est sans roi ni cœur, mon faux poker !

Je ne vais pas à
Katmandu ; l’aorte

et la plèvre, je dois les explorer.

J’ouvre en moi-même une à une mes portes ;

ma chair protège mon instinct doré.

Freud au divan !
Le gros
Apollinaire à la chanson qu’il écrivait pour
Lou !
Je suis la lettre sans destinataire et je vous congédie, mes dieux jaloux.

Un abat-jour blessé, une commode où j’ai rangé quelques préservatifs, un livre nu, un oiseau à la mode, une caresse lente, un geste vif,

un vieux buvard qui rappelle une absence, un journal d’avant-hier, douze chapeaux mais il manque la tête, un air de danse, une philosophie à fleur de peau :

à la pensée je préfère l’outrage

et je vous interdis de protester !

Le subconscient n’est qu’un bout de fromage;

moi, j’ai perdu toute virginité.

Il faut haïr, et ma plume est méchante comme un renard.
Je t’offre mes jurons, femme qui m’intéresses par les fentes, idole à qui je prépare un affront.

L’homme est pour la nature une salive : il se fait tard pour un coup de torchon.
Mon attitude, on la veut positive ?
Venez, mes assassins : nous embauchons !

J’éprouve tant de mal à me comprendre, que j’en accuse encore l’univers…
Si vous grattez un peu, je suis si tendre et pur, sous la surface de mes vers.

Le vivant, le vécu ou le vivable. «
Alain, sois snob ! » me disait
Aragon.
La toile d’araignée, j’en fais ma fable.
La nuit, le jour : si nous les distinguons,

c’est que nous sommes dans l’erreur.
Verlaine claudiquait devant moi, pauvre clochard.
Vous m’offrirez ce pull-over de laine ?
Dans mon ricanement se cache un art.

Je voudrais être un peu de turbulence.
L’eau de
Cologne est douce à mon menton.
Cigarette ou whisky.
Je me dépense à devenir un objet de carton :

à qui m’achète, un service après vente garantit tous les jours ma propreté.
Azur, tu dois me verser une rente : sans ma chanson, serais-tu habité ?

Je suis un bout de plomb, une gazette qui se survit en perdant ses lecteurs, la clé sans cadenas, la prune blette que refuse en hurlant l’oiseau moqueur.

Un mécréant !
Mettez-moi les menottes.
Je vais sacraliser le tout-venant.
Voyez, l’antimatière, elle complote, et le neutron fait de nous ses manants.

Sois-moi fidèle, ô muse atomisée !
Mon embryon mûrit dans le formol, et je suis de moi-même la risée. «
J’aime les fous », dit
Nicolas
Gogol.

J’ai préparé un discours pour
Lénine ; ma tête roule : est-elle à toi,
Danton ?
J’ouvre un goulag pour les penseurs, vermine qui corrode l’albâtre et le béton.

Le dégoût, le soupçon, seules patries !
Il m’arrive de suivre un vieux canal ; mon cœur est mou, et les cerises crient dans le jardin au bien-être banal.

Amants perdus, fermez les dictionnaires : il est chômeur,
Fabrice del
Dongo ; et
Rodrigue, pompiste ou commissaire,
Français moyen, colporte les ragots.

Goethe, je crois, me devient inutile et je renonce à célébrer
Mozart.
Au fond de moi, je me découpe une île et je m’y cache seul.
Il se fait tard :

c’est qu’avec l’âge on devient un faussaire, à force de récrire un testament ; nul ne voudra le lire : on exagère son désespoir.
Je vais, me décimant

et découvre à ma vie une mesure de petite nausée.
Je suis poltron, j’ai peur, je rentre en moi et je ne dure que le soupir du chien devant l’étroit.

J’ai tout prévu : l’abcès, le cœur qui cède, l’hémiplégie, la lèpre, un prix
Nobel; rien en moi ne m’amuse : adieu l’aède !
Nous trouverons d’autres professionnels.

Mon
Ophélie, on change de théâtre.
Mon
Antigone, on brûle nos tréteaux.
Une biographie que l’on replâtre.
Ukase du pollen.
Second veto

du scarabée.
Fureur du chèvrefeuille.
Thomas
Mann m’a écrit : «
L’homme a rendu l’homme suspect. »
En vain je me recueille et cède à de nouveaux malentendus.

Il convient d’être simple : à chaque phrase il suffit d’un insecte et d’un pipeau, comme jadis car l’angoisse n’écrase que ceux qui portent l’enfer dans leur peau.

O clichés, lieux communs : la folle engeance !
Je reprends le poison et le fusil.
Chacun pour soi !
Je tue.
J’ai la malchance d’être à moi-même le bourreau nazi.

Mon âme aussi, on la nationalise, à la façon de ce chemin de fer, qui serpente là-bas sous les cytises.
Je ne suis plus
Roméo ni
Werther.

Le bifteck avant tout.
Je vote à gauche.
Je fais la queue devant l’éternité.
Tu me promets l’ivresse et la débauche, ô
République ?
Je vais t’exalter.

J’astique un vers, ma vieille casserole.

Je répare un sonnet, ce paravent.

Je suis un ébéniste et me recolle.

Je vous repeins quelques soleils levants.

Le pot de lait chez
Vermeer est mystique ; la mystique est chez moi un pot de lait.
Toucan, à qui faut-il que je t’explique : la merveille est gratuite ?
On se frôlait,

vodka en feu, dans les ports de la
Hanse.
Mensonges, souvenirs et faux baisers.
Un mort se lève, un pendu se balance; pour un fou rire on nous a tous gazés.

Je saute ainsi du coq à l’antilope.

Je n’ai jamais été l’adolescent

qui, boutonneux, s’invente quelque
Europe

où la pensée se lave dans le sang.

La sodomie.
Le contrôle des changes.
L’entreprise publique.
Les requins.
L’intérêt national.
Qui fait l’archange, fait la bête assoiffée.
Pour
Charles
Quint,

l’Empire avait de trop vastes frontières.
Mon univers à moi s’est rétréci.
La cocaïne rouge.
Un plant de lierre.
Un mot trop vénéneux.
Je suis assis,

décadent et multiple, sur moi-même, avec mes manuscrits pour m’étouffer.
Une attachée de presse.
Le système de
Descartes, pourquoi ?
L’autodafé.

Ode au corail.
Pavane à l’hippocampe.
Rondeau trop court pour la neige qui fond.
Puisqu’il ne peut voler, mon verbe rampe : on n’est pas compliqué chez les bouffons.

À celui qui veut vivre d’évidences, vingt-cinq ans de prison !
Un syndicat chez les ratons laveurs.
Trop de dépenses :
Molly,
Marie,
Minou,
Paule,
Erica.

Amis, divinisons la libellule ;

le pissenlit mérite un
Parthénon.

Je suis un taoïste, et je recule

au fond de moi, en refusant mon nom.

Je suis aussi le jouisseur, le pitre qui se mutile à bouche-que-veux-tu.
Mon poème indécent n’a pas de titre : il appartient à ceux qui se sont tus.

Ramasse-t-on la mûre et la méduse, le jour où le navire coule à pic ?
Devant la classe,
Arthur
Rimbaud s’abuse ; téléphonez, maître d’école, aux flics !

Je suis pour moi la plus dure menace : à aucun prix je ne dois m’accepter.
J’ai marché dans
Florence en pleine grâce.
New
York est mort sous mon ébriété.

Je ne veux pas de choix : mon seul message est dans le vin qui doit me transformer. Église, banque, on tournera la page : on ne m’a pas appris à mieux m’aimer.

Destin, hasard ?
Je ressens l’allégresse d’être l’écrit autant que l’écrivain.
Le
Mexique est pour moi la seule
Grèce, avec l’iguane au flanc de ses ravins.

Dieu m’envoie chaque jour des télégrammes : «
Sois plus aimable.
Stop.
L’homme a du bon. »
Il ne faut pas compter sur moi.
J’enflamme, j’agace, j’empoisonne : un vrai bubon.

Et pourtant, dans mon âme — ô mièvrerie ! — on rencontre un soleil qui n’a pas peur, un horizon qui n’a pas de scories, une plage sans fin où rien ne
meurt.

Pureté, mon démon, tu m’incommodes ; mon esprit te préfère un eczéma, la syphilis, le doute ou cet exode, police parallèle et cinéma.

Je suis le sac et la peau de banane.

Je suis le cric, le pneu et les dessous

que porte une prostituée, le crâne

de quelqu’un d’autre, une machine à sous.

Je suis le porte-plume et le bas-ventre, ne me demandez pas de qui ! la glu, le parapluie, le cercle sans le centre, le vieux fourgon, le livre le moins lu.

Je suis le cyclotron, la marchandise, le
Picasso volé, l’arbre tout nu.
Je suis la porcelaine qui se brise, le hold-up, la rançon et ce menu

qu’affiche un restaurant sur la colline.
Je suis le vide et l’espace comblé, le typhus, le cancer, l’aube câline sur l’océan, quand il secoue ses blés.

Je suis à pleines mains le seul non-être qui puisse proclamer qu’il se suffit.
Je suis le gant, la ceinture et la guêtre.
Je suis la tortue mâle du défi.

Mars-avril 1983.
Paris.

Alain Bosquet

 

Et triple-buse j’ai le privilège d’être trois fois crucifié sur l’apporte de la grange

je suis, oui, oh oui le mécréant plus sacré qu’un bénisseur de bombes portant la tiare ! !!!!

N-L – 18/02/18

FEMME, JE N’AI QUE DE TOI


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FEMME, JE N’AI QUE DE TOI

Que reste-t-il du matelas associé aux vertèbres lorsqu’il retenait en corps la douceur des pieds, qui avaient mis la veille dans un réveil où les routes ne se suivent qu’en allant du m’aime pas.

La carte d’yeux, dépliée sur les genoux, me montrait d’instinct le chemin à se faire par la fenêtre de demain. Le gris du ciel allait mieux au quotidien, qu’à notre univers, où neige, vent, verglas restaient étrangers aux rayons traçant la voie, telles des aiguilles de miel soufflées par la ruche.

Ecoutes tes pieds te dire comme je les sens, noués autour de moi, pareil à ce que tes cuisses voulaient cette nuit à leur façon de me tenir à toi. Chaudes, surtout là, où le moelleux du coussin est gonflé d’un accueil enveloppant. Je les sentais bien tes bras, pousser ton bas-ventre en cache-nez, tu avais comme une peur, que j’attrape froid, que tes seins s’en sont mêlés. En commençant par dilater, pour que leurs bouts s’allongent. Ton front en me donnant de ton nez jusqu’aux glissades de ta langue qui me courait d’un bord à l’autre. Quoi d’autre, aurais-tu pu vouloir être puisque de ton aveu tu m’as dit: « Je suis Femme ».

L’élastique de ton en vie démentant la peur du vide, nous n’étions plus que cette cavité où le torrent chante. Toi Femme et moi l’homme et l’enfant, les deux piles et le tablier du pont sur l’infini. Une autre pudeur ? Certes car peu ont compris que nos audaces corporelles n’étaient que la pureté d’un fort sentiment. La fonte des genres en un seul. Ajoutée aux autres, mais différente. Mais si ressemblante à ta manière de te cacher à mes yeux tout en me tirant au fond de ton secret pour que je te vois toute ouverte.Fendue entre les poils épais où émerge la fleur roulée sur son bourgeon. Gluante de suc.

Femme, ne me repousse plus jamais de ce lieu sacré, entends-tu ? Me surpris-je à prononcer par le premier tour de clef donné à l’heur du tant. Rien hormis ce qui se fait naturellement ne porte la vie plus loin. Le monde va a sa perte en poussant ses manifestations du paraître sans qu’elles portent l’accent intime de la conviction personnelle. Il n’y a pa besoin de chapelle pour avoir la dévotion d’aimer.Le compas de tes jambes, sur ma planche a tracé les arcs des pas rapprochant, dont la première empreinte se posa il y a des années. Je te vois païen au choeur d’une autre église, aurorée de cette lumière montée cherchée à la pente abrupte. Ton visage chéri est si beau, si épanoui que mes doigts ne cessent d’en peigner la lumière.

Je t’aime Femme, creuset du seul air respirable à la pérennité de la race humaine. Redonne force à l’homme.

Niala-Loisobleu – 6 Juin 2017

 

LA BOÎTE A LETTRES 13


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LA BOÎTE A LETTRES 13

LEVEES D’ENCRES

Je me regarde assis, debout dans ma démarche et j’entends couler tes mots d’un bout à l’autre du fil du téléphone, le gel d’hiver demande au garçon de ressortir un parasol, pendant que je vois l’anis  qui dans un coin de porte suce son verre herbacé. Il fait soleil comme quand par simplicité le père Noël n’a pas recours aux illuminations d’esprit…les mots frappent à la porte de l’encrier, j’aime cette photo-montage merci

Levées d’Encres

les magasins sprintent

plus que quelques heures avant ripailles

Sur mon frein tu vas et viens en prenant tout ton tant

Un pont ronronne tout contre la rivière

il fait le gros dos

c’est bon de glisser sur l’ô

Entre des feuilles mortes l’herbe s’est éveillée, elle a dessiné une robe de vie pour aller danser, sans perdre aucune de ses chaussure, puis sans demander une citrouille sur internet, elle t’a rejointe ailleurs, sans faire la vaisselle, ni balayer les râclures des mauvais esprits, après tout, les contes ça se règle mieux à l’amiable qu’avec un huissier…

Niala-Loisobleu – 23 Décembre 2014

Quant c’est pu l’heure que l’homme en habit rouge me pompe avec ses mirages, l’enfant que je reste aime remonter dans son grenier ouvrir le coffre à jouets. L’enfant met tellement d’innocence dans sa croyance que je ne veux en voir que l’aura. Tiens c’est pareil que la première fois où tu m’as donné tes seins à voir. Les mots me sont clos dans la gorge, tellement la tienne  avait pris toute la place . L’émotion ça n’a pas vices, c’est pur comme la première neige avant le passage des voitures. Oh, c’est vrai, ils peuvent dire de moi que je suis con, et alors, ça me rassure. J’ai plus peur d’être sec comme un arbre en plastique qui fait imitation nature dans un jardin à jamais suspendu.

Niala-Loisobleu – 24 Mars 2017

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Cette densité qui me chimique les nerfs gît-ailes ?


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Cette densité qui me chimique les nerfs gît-ailes ?

Putain de placards

Abats-les !

Oh Barbe-Bleue rends-my mes bonnes clefs

tu t’as gourré

j’suis que l’Petit-Peintre

pas un cas de nasse à pu teint

ni un compte de Canterbury

en corps moins un des cas mets ronds

« Combien de vaillants hommes, que de belles dames, combien de gracieux jouvenceaux, que non seulement n’importe qui, mais Galien, Hippocrate ou Esculape auraient jugés en parfaite santé, dinèrent le matin avec leurs parents, compagnons et amis, et le soir venu soupèrent en l’autre monde avec leurs trépassés. »

— Boccace, Le Décaméron, Première journée4.

Prends-my par les yeux

et regardes bien au fond

tu verras

que j’as bite à seins germés des prés

que d’Amour

Léo, Philippe, Serge et les Autres

dans le franc-parlé !

Niala-Loisobleu – 23 Septembre 2016

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SE VIVRE POUR VIVRE.


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SE VIVRE POUR VIVRE.

Par delà les dunes et leurs palisses, ce qu’il faut  de courage pour ne pas retenir à soi ce qui glisse comme fausses-promesses dans la jointure des doigts. Aux petits tas des châteaux qu’une Espagne à séduit, la vague déborde de la douve et glou et glou et glou. Dans la tribune de l’arène la trompette a sonné la mise amor. Perchée sur la poussière d’un chemin effacé, la roulotte ne tient plus qu’aux six cordes d’un air séfardique dépassé. Dégoulinant par la gueule des lions de la fontaine du palais des rois maures à Grenade en se la jouant Alhambra.

Les trémières grappent leurs torses frêles de seins roses, carmins, rivalisant avec les épanchements de hanches de géraniums faufilés par l’entrejambe des terrasses jusqu’au pied d’un orgasme que la lune plonge au lit clôt des jarres du patio.

Les moulins sont coiffés de vents chauds. L’amer va-et-vient, enfonçant son couteau dans l’utérus d’une jalousie.Ma pensée coureuse dévale les venelles des villages blancs où je poursuis l’Absolu.

Périlleux élan

chutant au bas de tes reins

Sables mouvants

mes doigts se sont agrippés aux oyats

Graminées qui retiennent les parfums

ma langue va  au bon vent marin

poussant au loin des amours éteintes

vers la renaissance perpétuelle donnée par le mouvement

La vie n’est qu’au large des eaux stagnantes

J’ai rattrapé mes couleurs d’un naufrage quand les oiseaux m’ont averti du changement de temps. Bien avant que le courage de dire ait trouvé la force de surmonter la lâcheté d’une comédie de présence simulée.

 

Niala – Loisobleu – 31 Juillet 2016

 

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SAUVEGARDE


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SAUVEGARDE

 

Attachant ma pensée au fil de mon cerf-volant, par ce gris matin, je laisse glisser l’éponge sur le tableau noir de l’atmosphère trafiquée. Les problèmes éco-logiques traités dans l’esprit du seul intérêt des nantis sont du pipeau à trois balles pour faire croire que le serpent va sortir de sa culotte totalement désenvenimé. Epouvantails à moineaux.

Elle allait; le bois touffu bien en place, la fouine et le blaireau volontaires pour tester le dernier extrait corporel à l’écart de nos terrains de jeux. Si belle, d’être libre de sentir la bête humaine au mépris des fleurs en papier-peint de nos campagnes électorales. Justes bonnes à domestiquer en singe savant nul.. Au balancement  de ces seins nus en tous sens, le doute sur la vérité ne m’atteignait pas. Le nichon quand ça balance de droite à gauche, du haut en bas, ça triche pas avec le naturel.J’adhère à son parti.

M’aime que ça me parle à voie hôte.

C’est plus franc que les prothèses mammaires à base de résidus pétrolifères qui font la route vers l’hors de la polyphonie des corps.

Elle sent la terre retournée. C’est mieux que la Marseillaise au stade où en est la France tatouée à seins dénis, de  voir comment les mouettes lui suivent le sillon dans la joie sur un chant ailisé, le tablier du sapeur en tête de cortège.Libre à chacun d’se vouloir un coq, moi j’préfère garder ma poule !

Pourquoi y en a qui veulent cloner la Femme en hommasse ? C’est l’Arbre de Vie de l’immense contrée sauvage de l’Amour que vous compromettez bande d’hermaphrodites.

Niala-Loisobleu – 12 Juin 2016

 

Christine Muraton

 

Pensées Vagabondes en Cabane le Temps d’une Marée Basse


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Pensées Vagabondes en Cabane

le Temps d’une Marée Basse

 

« …J’imagine que les mots ont de petits bonheurs quand on les associe d’un genre à l’autre—de petites rivalités aussi dans les jours de malice littéraire. Qui de l’huis ou de la porte ferme mieux le logis? Que de nuances «psychologiques» entre l’huis rébarbatif et la porte accueillante. Comment des mots qui ne sont pas de même genre pourraient-ils être synonymes. Il faut ne pas aimer écrire pour le croire.

Comme le fabuliste qui disait le dialogue du rat des villes et du rat des champs, j’aimerais à faire parler la pampe amicale et le stupide lampadaire, ce trissotin des lumières du salon. Les choses voient, elles parlent entre elles, pensait le bon Estaumié qui faisait raconter, comme des commères, le drame des habitants de la maison. Combien les discours seraient plus vifs, plus intimes entre les choses et les objets si «chacun pouvait trouver sa chacune». Car les mots s’aiment. Ils ont été, comme tout ce qui vit, «créés homme et femme».

Et c’est ainsi que, dans des rêveries sans fin, j’excite les valeurs matrimoniales de mon vocabulaire. Parfois, dans des rêves plébéiens, j’unis le coffret et la terrine. Mais les tout proches synonymes qui vont du masculin au féminin m’enchantent. Je ne cesse d’en rêver. Toutes mes rêveries se dualisent. Tous les mots, qu’ils touchent les choses, le monde, les sentiments, les monstres s’en vont l’un cherchant sa compagne, l’autre son compagnon: la glace et le miroir, la montre fidèle et le chronomètre exact, la feuille de l’arbre et le feuillet du livre, le bois et la forêt, la nuée et le nuage, la vouivre et le dragon, le luth et la lyre, les pleurs et les larmes…

Parfois, lassé de tant d’oscillations, je cherche un refuge dans un mot, dans un mot que je me prends à aimer pour lui-même. Se reposer au cœur des mots, voir clair dans la cellule d’un mot, sentir que le mot est un germe de vie, une aube croissante… Le poète dit tout cela en un vers:

un mot peut être une aube et même un sûr abri

Dès lors, quelle joie de lecture et quel bonheur d’oreille quand, lisant Mistral, on entend le poète de Provence mettre le mot «berceau» au féminin.

L’histoire serait douce à conter dans la beauté des circonstances. Pour cueillir des «fleurs de glais», Mistral qui a quatre ans est tombé dans l’étang. Sa mère l’en retire et lui met des vêtements secs. Mais les fleurs sur l’étang sont si belles que l’enfant pour les cueillir fait encore un faux pas. Faute de nouveaux vêtements, il faut lui mettre sa robe des dimanches. En robe des dimanches, la tentation est plus forte que toutes les défenses, l’enfant retourne à l’étang et derechef tombe à l’eau. La bonne mère l’essuie dans son tablier et, dit Mistral, «de peur d’un effroi, m’ayant fait boire une cuillerée de vermifuge, elle me coucha dans ma berce où, lassé de pleurer, au bout d’un peu, je m’endormis».

Il faut lire dans le texte toute l’histoire que je résume, ne pouvant retenir que la tendresse qui se condense dans un mot qui console et qui aide à dormir. Dans ma berce, dit Mistral, dans une berce quel grand sommeil pour une enfance:

Dans une berce, on connaît le vrai sommeil, puisqu’on dort dans le féminin.

* * * * *

Un des plus grands travailleurs de la phrase a fait un jour cette remarque: «Vous avez certainement observé ce fait curieux, que tel mot, qui est parfaitement clair quand vous l’entendez ou l’employez dans le langage courant, et qui ne donne lieu à aucune difficulté quand il est engagé dans le train rapide d’une phrase ordinaire devient magiquement embarrassant, introduit une résistance étrange, déjoue tous les efforts de définition aussitôt que vous le retirez de la circulation pour l’examiner à part, et que vous lui cherchez un sens après l’avoir soustrait à sa fonction instantanée?» Les mots que Valéry prend comme exemples sont deux mots qui, l’un et l’autre, depuis longtemps, «font l’important»: ce sont les deux mots «temps et vie». Retirés de la circulation l’un et l’autre de ces deux mots font immédiatement figures d’énigme. Mais pour des mots moins ostentatoires, l’observation de Valéry se développe en finesse psychologique. Alors les simples mots—des mots tout simples—viennent se reposer dans le gîte d’une rêverie. Valéry peut bien dire «que nous ne nous comprenons nous-mêmes que grâce à la vitesse de notre passage par les mots», la rêverie, la lente rêverie découvre les profondeurs dans l’immobilité d’un mot. Par la rêverie nous croyons dans un mot découvrir l’acte qui nomme.

Les mots rêvent qu’on les nomme

écrit un poète. Ils veulent qu’on rêve en les nommant. Et cela, tout simplement, sans creuser l’abîme des étymologies. Dans leur être actuel, les mots, en amassant des songes, deviennent des réalités. Quel rêveur de mots pourrait s’arrêter de rêver quand il lit ces deux vers de Louis Émié:

Un mot circule dans l’ombre
et gonfle les draperies.

De ces deux vers j’aimerais faire un test de la sensibilité onirique touchant la sensibilité au langage. Il faudrait demander: ne croyez-vous pas que certains mots ont une telle sonorité qu’ils viennent prendre place et volume dans les êtres de la chambre? Qu’est-ce donc vraiment qui gonflait les rideaux dans la chambre d’Edgar Poe: un être, un souvenir, ou un nom?

Un psychologue à l’esprit «clair et distinct» s’étonnera devant les vers d’Émié. Il voudrait qu’on lui dise au moins quel est ce mot qui anime les draperies; sur un mot désigné, il suivrait peut-être une fantomalisation possible. En demandant des précisions, le psychologue ne sent pas que le poète vient de lui ouvrir l’univers des mots. La chambre du poète est pleine de mots, de mots qui circule dans l’ombre. Parfois les mots sont infidèles aux choses. Ils tentent d’établir, d’une chose à une autre, des synonymes oniriques. On exprime toujours la fantomalisation des objets dans le langage des hallucinations visuelles. Mais pour un rêveur de mots, il y a des fantomalisations par le langage. Pour aller à ces profondeurs oniriques, il faut laisser aux mots le temps de rêver. Et c’est ainsi qu’en méditant la remarque de Valéry, on est conduit à se libérer de la téléologie de la phrase. Ainsi, pour un rêveur de mots, il y a des mots qui sont des coquilles de parole. Oui, en écoutant certains mots. comme l’enfant écoute la mer en un coquillage, un rêveur de mots entend les rumeurs d’un monde de songes.

D’autres rêves naissent encore quand, au lieu de lire ou de parler, on écrit comme on écrivait jadis au temps où l’on était écolier. Dans le soin de la belle écriture, il semble qu’on se déplace à l’intérieur des mots. Une lettre étonne, on l’entendait mal en lisant, on l’écoute autrement sous la plume attentive. Ainsi un poète peut écrire: «Dans les boucles des consonnes, qui jamais ne résonnent, dans les nœuds des voyelles, qui jamais ne vocalisent, saurais-je installer ma demeure?»

Jusqu’où peut aller un rêveur de lettres, cette affirmation d’un poète en témoigne: «Les mots sont des corps dont les lettres sont les membres. Le sexe est toujours une voyelle.»

Dans la pénétrante préface que Gabriel Bounoure a mis au recueil des poèmes d’Edmond Jabès, on peut lire: le poète «sait qu’une vie violente, rebelle, sexuelle, analogique se déploie dans l’écriture et l’articulation. Aux consonnes qui dessinent la structure masculine du vocable se marient les nuances changeantes, les colorations fines et nuancées des féminines voyelles. Les mots sont sexués comme nous et comme nous membres du Logos. Comme nous ils cherchent leur accomplissement dans un royaume de vérité; leurs rébellions, leurs nostalgies, leurs affinités, leurs tendances sont comme les nôtres aimantés par l’archétype de l’Androgyne».

Pour rêver si loin, suffit-il de lire? Ne faut-il pas écrire? Écrire comme en notre passé d’écolier, en ces termes où, comme le dit Bounoure, les lettres, une par une, s’écrivaient ou bien dans leur gibbosité ou bien dans leur prétentieuse élégance? En ces temps-là, l’orthographe était un drame, notre drame d’écriture travaillant dans l’intérieur d’un mot. Edmond Jabès me rend ainsi à des souvenirs oubliés. Il écrit: «Mon Dieu, faites qu’à l’école, demain, je sache orthographier «Chrysanthème», qu’entre les différentes façons d’écrire ce mot, je tombe sur la bonne. Mon Dieu, faites que les lettres qui le livrent me viennent en aide, que mon maître comprenne qu’il s’agit bien de la fleur qu’il affectionne et non de la pyxide dont je puis à volonté colorier la carcasse, denteler l’ombre et le fond des yeux et qui hante mes rêveries.»

Et ce mot chrysanthème avec un intérieur si chaud, de quel genre peut-il être? Ce genre dépend pour moi de tels novembres d’autrefois. On disait dans mon vieux pays soit un, soit une. Sans l’aide de la couleur comment se mettre le genre dans l’oreille?

En écrivant, on découvre dans les mots des sonorités intérieures. Les diphtongues sonnent autrement sous la plume. On les entend dans leurs sons divorcés. Est-ce souffrance? Est-ce une nouvelle volupté? Qui nous dira les délices douloureuses que le poète trouve en glissant un hiatus au cœur même d’un mot. Écoutez les souffrances d’un vers mallarméen où chaque hémistiche a son conflit de voyelles:

Pour ouïr dans la chair pleurer le diamant

En trois morceaux s’en va le diamant qui révèle la fragilité de son nom. Ainsi s’expose le sadisme d’un grand poète.

En lisant trop vite, le vers est un décasyllabe. Mais quand ma plume épelle, le vers retrouve ses douze pieds et l’oreille est obligée au noble travail d’un rare alexandrin.

Mais ces grands travaux de la musicalité des vers dépasse le savoir d’un rêveur. Nos rêveries de mots ne descendent pas en la profondeur des vocables et nous ne savons dire des vers que dans une parole intérieure. Nous ne sommes décidément qu’un adepte de la lecture solitaire. »

* * * * *

Ayant avoué—sans doute avec trop de complaisance—ces pensées vagabondes qui tournent autour d’une idée fixe, ces vésanies qui se multiplient dans les heures de rêverie, qu’il me soit permis d’indiquer la place qu’elles ont tenu dans ma vie de travailleur intellectuel.

Si je devais résumer une carrière irrégulière et laborieuse, marquée par des livres divers, le mieux serait de la mettre sous les signes contradictoires, masculin et féminin, du concept et de l’image. Entre le concept et l’image pas de synthèse. Pas non plus de filiation; surtout pas cette filiation, toujours dite, jamais vécue, par laquelle les psychologues font sortir le concept de la pluralité des images. Qui se donne de tout son esprit au concept, de toute son âme à l’image sait bien que les concepts et les images se développent sur deux lignes divergentes de la vie spirituelle.

Peut-être même est-il bon d’exciter une rivalité entre l’activité conceptuelle et l’activité d’imagination. En tout cas, on ne trouve que mécompte si l’on prétend les faire coopérer. L’image ne peut donner une matière au concept. Le concept en donnant une stabilité à l’image en étoufferait la vie.

Ce n’est pas moi non plus qui tenterai d’affaiblir par des transactions confusionnelles la nette polarité de l’intellect et de l’imagination. J’ai cru devoir jadis écrire un livre pour exorciser les images qui prétendent, dans une culture scientifique, engendrer et soutenir les concepts. Quand le concept a pris son essentielle activité, c’est-à-dire quand il fonctionne dans un champ de concept, quelle mollesse—quelle féminité!—il y aurait à se servir d’images. Dans ce fort tissu qu’est la pensée rationnelle interviennent des inter-concepts, c’est-à-dire des concepts qui ne reçoivent leur sens et leur rigueur que dans leurs relations rationnelles. Nous avons donné des exemples de ces inter-concepts dans notre ouvrage: Le rationalisme appliqué. Dans la pensée scientifique, le concept fonctionne d’autant mieux qu’il est sevré de toute arrière-image. Dans son plein exercice, le concept scientifique est débarrassé de toutes les lenteurs de son évolution génétique, évolution qui relève dès lors de la simple psychologie.

La virilité du savoir augmente à chaque conquête de l’abstraction constructive, dont l’action est si différente de celle décrite dans les livres de psychologie. La puissance d’organisation de la pensée abstraite en mathématiques est manifeste. Comme le dit Nietzsche: «Dans les mathématiques… la connaissance absolue fête ses saturnales.»

Qui s’adonne avec enthousiasme à la pensée rationnelle peut se désintéresser des fumées et des brumes par lesquelles les irrationalistes tentent de mettre des doutes autour de la lumière active des concepts bien associés…

—Gaston Bachelard (Extraits La Poétique de la Rêverie)

 

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