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L’ETERNEL RETOUR

La vie est un éternel recommencement. On invente à côté, le fond demeurant le même. Boccace, c’est du Macron sauce Hollande…

Niala-Loisobleu – 20 Mai 2017

BOCCACE
───
LE DÉCAMÉRON
TRADUCTION NOUVELLE
par
FRANCISQUE REYNARD
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TRADUCTION COMPLÈTE

PRÉFACE DU TRADUCTEUR


En France, on s’imagine que Boccace est un auteur de contes plus licencieux les uns que les autres, et l’on dit en souriant d’un air malin : les contes de Boccace, comme on dirait : les contes de La Fontaine. Or, si rien n’est moins exact, rien ne saurait mieux donner la mesure de notre superbe indifférence en fait de littérature étrangère.

Quelqu’un qui nous avait observés de près a dit, avec autant d’à-propos hélas ! que d’esprit, que ce qui distingue les Français des autres peuples, c’est leur ignorance profonde en géographie ; il aurait pu aussi justement ajouter : leur ignorance à peu près complète des littératures étrangères. Les œuvres des écrivains étrangers sont quasi inconnues en France. Les lettrés — encore est-ce l’exception — savent le nom des plus illustres, connaissent le titre de leurs principaux ouvrages, au besoin peuvent en citer une phrase ou deux, et, grâce à ce mince bagage, acquièrent une facile réputation d’érudit. Mais combien y en a-t-il parmi nous qui se soient donné la peine d’étudier les chefs-d’œuvre que la renommée consacre au delà de nos frontières ? Combien y en a-t-il qui soient assez familiers avec la Divine Comédie de Dante, par exemple, pour parler avec quelque autorité de cet incomparable poème qui a tracé en pleine obscurité du moyen âge un si éclatant sillon de lumière ? On nous apprend au collège, quand on veut bien nous l’apprendre, que la Divine Comédie est une conception de génie, mais on se garde de nous en mettre une ligne sous les yeux, et nous allons toute notre vie d’homme instruit, ou prétendu tel, parlant avec un enthousiasme banal d’une chose que nous n’avons jamais vue et que nous n’avons nulle envie de voir. Nous citons à tout propos, avec l’aplomb ordinaire des gens qui ne savent rien, le fameux Lasciate ogni speranza, pour faire voir que nous possédons notre texte, mais il ne faut pas nous demander plus. Nous serions même fort embarrassés de dire à quel endroit du poème se trouve ce passage que tout le monde cite par ouï-dire, et à quoi il a trait.

Ce que je dis de la Divine Comédie peut s’appliquer à n’importe quel chef-d’œuvre étranger. Pétrarque et Arioste sont encore moins lus chez nous que Dante. Nous avons, pendant cent cinquante ans, repoussé Shakespeare, et quand nous avons consenti à le laisser pénétrer jusqu’à nous, c’est à la condition qu’il nous arriverait émondé, mutilé, châtré par un Ducis. Je ne suis pas bien sûr qu’il n’existe pas encore des gens disposés, sur la foi de Voltaire, à traiter de « barbare » le poète d’Hamlet et d’Othello. Quelques-uns d’entre nous, les moins ignares, savent que Camoëns a fait les Lusiades, Milton le Paradis perdu, Klopstock la Messiade, mais c’est tout. Il n’est pas vingt Français qui puissent se vanter d’avoir lu d’un bout à l’autre ces poèmes qui ont immortalisé leurs auteurs. Si nous connaissons l’épisode de Marguerite, du Faust de Gœthe, c’est grâce surtout à la peinture d’Ary Schœffer et à la musique de Gounod. Quant au reste, nous n’en soupçonnons pas un traître mot, et nous n’en avons cure.

Voilà pour les plus grands, pour ceux dont il n’est pas permis de ne pas savoir le nom. Pour les autres, quel que soit le degré de célébrité dont ils jouissent dans leur pays, nous ignorons la plupart du temps jusqu’à leur existence.

Boccace a subi le sort commun chez nous aux écrivains étrangers, et bien que ce nom soit presque aussi populaire en France qu’au delà des Alpes, nous ne le connaissons pas mieux que Dante et Shakespeare. Que dis-je ? Son cas est plus particulier encore. Si nous ne connaissons ni Dante ni Shakespeare, ou si nous ne les connaissons que très imparfaitement, nous ne nous en faisons pas du moins une idée par trop fausse. Nous savons, d’une manière générale, que Dante a écrit un poème où il raconte ses pérégrinations imaginaires à travers l’enfer, le purgatoire et le paradis, et que Shakespeare a composé de nombreux drames dont les plus célèbres nous sont connus, ne fût-ce que par leur titre ; tandis que nous avons de Boccace et de son œuvre une idée absolument erronée.

Boccace n’a point écrit de contes, dans le sens du moins que nous attachons à ce mot. Il a laissé, entre autres ouvrages en prose et en vers, dénotant tous un écrivain de premier ordre[1], un livre intitulé le Décaméron, d’un mot grec qui veut dire les dix journées. Dans ce livre, son chef-d’œuvre et son vrai titre de gloire, Boccace nous dit comment, pour fuir la peste de 1348, sept jeunes dames et trois jeunes gens de Florence formèrent joyeuse compagnie et s’en allèrent vivre aux champs, au sein des plaisirs et des amusements de toutes sortes, dans l’oubli le plus complet des horreurs qui désolaient leur malheureuse cité. Il nous décrit leurs ébats à travers les campagnes enchanteresses de l’Arno ; puis, quand ils sont las des plaisirs de la table, du chant ou de la danse, de la promenade ou de la pêche, il nous les montre se rassemblant autour de quelque belle source d’eau murmurante, sous les grands arbres de quelque parc ombreux, pour raconter, chacun à son tour, à la mode florentine, des nouvelles sur les sujets les plus divers, mais dont le fond à peu près invariable est une histoire d’amour gaie ou triste, lamentable ou folle, suivant l’humeur de celui qui raconte, ou suivant le sujet imposé par le roi ou la reine de la journée. Si, dans quelques-unes de de ces nouvelles, le narrateur dépasse parfois les bornes du bon goût ou de la décence, ce n’est qu’accidentellement, et le ton général de l’œuvre est sérieux sans jamais être pédant, et très souvent dramatique sans cesser d’être simple.

Tel est le sujet du livre, mais il a une portée autrement grande que celle de simples récits destinés à distraire ou à émouvoir les belles lectrices auxquelles Boccace l’a spécialement dédié. C’est la peinture vivante de toute une époque, de la société telle qu’elle était au quatorzième siècle ; depuis le serf courbé sur la glèbe, jusqu’au très haut et très puissant baron qui n’a qu’un mot à dire, un signe à faire, pour envoyer impunément à la mort femme, enfants, vassaux ; depuis la courtisane qui se vend, jusqu’à la grande dame qui se donne, en passant par l’humble fille qui gagne sa vie en travaillant, et chez laquelle la passion souveraine, l’amour, n’agit pas avec moins d’empire que chez les princesses de sang royal ; depuis le pauvre palefrenier épris de la reine et parvenant, à force d’intelligence et de volonté, à satisfaire sa passion, jusqu’au roi bon enfant et paterne, qui se laisse cocufier comme un simple bourgeois de Florence ; depuis le moine fainéant et goinfre, coureur de femmes et montreur de reliques fantastiques, telles que les charbons du gril de saint Laurent ou les plumes de l’ange Gabriel, jusqu’au sinistre inquisiteur, « investigateur de quiconque avait la bourse pleine » ; jusqu’à l’abbé mîtré et crossé, détenteur de biens immenses et tenant nuit et jour table ouverte à tous venants. Et tous ces personnages ont une allure si naturelle, ils se meuvent dans un cadre si vrai, si bien ajusté à leur taille, que nous les voyons aller et venir comme si nous avions vécu au milieu d’eux en plein quatorzième siècle.

Dans un ordre d’idées non moins élevé, le Décaméron est une éloquente et courageuse protestation de bon sens et de l’esprit de libre examen contre l’abêtissement organisé en système par la scolastique de l’école et la superstition monacale. On a peine à croire que Boccace ait pu écrire sur le clergé de son temps les virulentes satires que son livre contient presque à chaque page, et qu’on dirait échappées de la plume d’un écrivain contemporain, tellement elles sont empreintes du sentiment de la liberté de conscience et de la dignité humaine. Il est allé plus loin ; non content de fustiger à tour de bras moines et prélats, il s’est attaqué au dogme lui-même. Il n’a pas craint de mettre sur le même rang les trois religions : juive, mahométane, chrétienne ; de leur donner une commune origine et de laisser entendre fort clairement qu’elles se valaient toutes les trois ; audace grande en face des bûchers de l’Inquisition. Les distinctions sociales, toutes de convention, n’imposent pas davantage à Boccace, et il y a tel passage de son œuvre où il n’hésite pas à déclarer que tous les hommes naissent égaux, et que la seule noblesse est celle de l’intelligence et de la vertu, non de la naissance et du hasard.

L’auteur du Décaméron est donc plus qu’un agréable et ingénieux faiseur de contes égrillards ; c’est un des maîtres peintres de l’humanité, et, après avoir écrit le dernier mot de son livre, il aurait pu s’écrier avec tout autant de fierté qu’Horace : exegi monumentum. C’est en outre un des plus grands écrivains de l’Italie ; il a fait de l’autre côté des Alpes, pour la prose, ce que Dante et Pétrarque ont fait, presque à la même époque, pour la poésie. De ces trois génies dérive tout ce qu’il y a de beau, de vrai et de grand dans les lettres italiennes. À ces titres, Boccace méritait d’être connu chez nous autrement que par les récits graveleux dont La Fontaine a pris le sujet dans son livre, ou par la grotesque parodie qui a servi de prétexte à Mirabeau pour donner carrière aux fougues de son imagination, sous le nom de traduction libre.

Car c’est à ses imitateurs plus ou moins scrupuleux, que Boccace doit tout à la fois d’avoir un nom populaire en France et d’y être pris pour ce qu’il n’est pas. Il a eu la chance heureuse et malheureuse d’être outrageusement pillé par La Fontaine qui prenait son bien où il le trouvait. La Fontaine est allé choisir dans le Décaméron les anecdotes les plus grivoises, les plus propres à aiguiser l’esprit des amateurs de gravelures, et avec sa malice, sa verve toute gauloise, son prodigieux talent de conteur, il les a habillées à sa façon. Mais s’il a pris à Boccace son rire et sa belle humeur, il s’est donné de garde de lui emprunter l’émotion profonde et sincère qui, chez le grand Florentin, fait toujours pardonner la légèreté du sujet. La Fontaine est un épicurien ; le sentimentalisme est son moindre défaut. Ses héroïnes n’ont d’autre objectif que le plaisir ; elles se donnent parce qu’elles éprouvent à se donner une jouissance matérielle à laquelle elles obéissent presque uniquement. Les belles amoureuses du Décaméron se livrent parce qu’elles aiment ; elles se donnent simplement, naïvement et au besoin elles savent mourir naïvement et simplement aussi, quand leur amour est trahi ou méconnu. Quelles figures plus adorables que celles de la Griselda, ce type ravissant de résignation et de tendresse conjugale ; de la Salvestra expirant de douleur sur le corps de son amant ; de la Simone, de Ghismonda, et de tant d’autres, qui placent les femmes de Boccace à la hauteur idéale des femmes de Shakespeare ! Ces créations charmantes, d’une conception si suave, si poétiques et pourtant si vraies, La Fontaine les a vues passer sans en être touché, sans les avoir comprises, ou peut-être sans vouloir les comprendre. Combien Alfred de Musset s’en est mieux inspiré ! Il a pris, lui aussi, à Boccace le sujet de deux de ses nouvelles, et il en a fait deux chefs-d’œuvre de grâce émue, de finesse et d’exquise poésie. C’est que Musset n’était pas seulement un grand artiste ; c’était un grand poète, et quelque paradoxal que cela puisse paraître de prime abord, son génie se rapproche infiniment plus de celui de Boccace que le génie de La Fontaine.

Si les emprunts de La Fontaine au Décaméron n’ont servi qu’à nous donner le change sur Boccace, on peut dire également que les traductions qui en ont été faites en français sont insuffisantes pour nous faire connaître le chef-d’œuvre du grand prosateur Italien. Il n’en existe que deux ayant une certaine notoriété ; l’une et l’autre sont fort anciennes. La première a été écrite en 1545 et publiée, à Lyon, en 1548 ; elle a pour auteur Antoine Le Maçon, secrétaire de la reine de Navarre. Elle est exacte, faite avec beaucoup de goût et une parfaite connaissance de la langue italienne ; mais elle a deux inconvénients graves : elle est devenue très rare, malgré les deux éditions qui en ont été récemment publiées[2], et elle est d’une lecture peu facile pour les gens qui ne sont point familiers avec la langue du seizième siècle. Aussi n’est-elle connue que des érudits, et elle ne saurait satisfaire la juste curiosité de la masse des lecteurs.

La seconde traduction est de Sabatier de Castres ; elle date de la fin du siècle dernier. C’est la plus répandue ; c’est la seule à vrai dire que le public ait à sa disposition, et on peut affirmer qu’elle n’a pas peu contribué à donner de l’œuvre capitale de Boccace une idée absolument fausse. C’est pour Sabatier de Castres qu’aurait dû être inventé le fameux proverbe : Traduttore, traditore, traducteur, traître. Il n’est pas possible, en effet, de tronquer, de défigurer plus effrontément l’œuvre qu’on a la prétention de faire connaître. Sabatier de Castres taille, rogne, ajoute, change dans la prose de Boccace avec le sans-gêne le plus complet. Un passage lui semble-t-il difficile à rendre, il le raccourcit, il l’allonge, il le paraphrase à son gré, à moins qu’il ne le supprime tout à fait, comme, pour ne citer qu’un exemple, la fameuse description de la peste de Florence. Qu’on juge par là du reste. Quant aux endroits scabreux, là où la finesse de touche de Boccace voile la crudité du fond, Sabatier appuie comme à plaisir ; il explique, il souligne, il commente, et réussit la plupart du temps à faire une insupportable grossièreté de ce qui, dans le texte, n’était qu’une inoffensive plaisanterie.

Une simple observation fera du reste voir sur-le-champ le crédit que mérite la soi-disant traduction de Sabatier de Castres. Chaque nouvelle du Décaméron est précédée de réflexions ingénieuses et plaisantes, d’un ordre parfois très élevé, et toujours fort intéressantes, que Boccace place dans la bouche du personnage qui raconte. C’est ce qui forme la liaison de son œuvre, en fait un tout, la rend intelligible, en donne le véritable sens. Eh bien ! Sabatier de Castres, dans une note placée en tête de la première journée, déclare à ses lecteurs qu’il a cru devoir « ôter, au commencement de chaque nouvelle, les réflexions de chacun des auditeurs, afin de rendre le récit plus vif et plus agréable. » Cela ne rappelle-t-il pas ce directeur de théâtre de province annonçant sur ses affiches qu’il avait supprimé la musique de la Dame Blanche comme entravant l’action ? Un habile homme que ce Sabatier de Castres ! il a tout le long du chemin des lanternes allumées pour éclairer ses pas, et son premier soin est de souffler dessus. Il n’a pas manqué au surplus d’intituler sa traduction : les Contes de Boccace. De Décaméron, il n’est pas plus question que si le Décaméron n’existait pas.

Donc, ni la version de Le Maçon, complète et fidèle, mais d’une lecture difficile sinon impossible, rare d’ailleurs et fort chère, ni celle de Sabatier de Castres qui, elle, est une véritable tromperie, ne sont de nature à donner de Boccace et de son œuvre capitale une idée vraie. C’est pourquoi j’ai cru qu’il serait intéressant de présenter aux lecteurs français l’auteur du Décaméron sous son véritable aspect. Aussi bien le public, venu enfin à des idées plus justes, ne veut plus de ces traductions par à peu près, avec lesquelles les Dacier, les Lebrun, les Tressan et tant d’autres depuis, l’ont si longtemps berné. Il veut connaître les chefs-d’œuvre étrangers tels qu’ils sont ; il veut savoir ce que l’auteur a dit, tout ce qu’il a dit, rien que ce qu’il a dit, comme il l’a dit. C’est à cette formule que doit dorénavant se conformer tout traducteur qui a le sentiment de sa responsabilité, et c’est ce que je me suis efforcé de faire dans la traduction qu’on va lire. À défaut d’autre mérite, elle a celui de reproduire, aussi exactement que possible, l’œuvre de Boccace et sa physionomie propre. Elle n’a rien emprunté aux traductions qui l’ont précédée ; elle a été faite directement sur l’excellente édition classique de Le Monnier, édition collationnée sur les meilleurs textes. C’est, pour employer l’expression de Montaigne, une œuvre de bonne foi avant tout.

En entreprenant ce travail, je ne m’en suis nullement dissimulé les difficultés. Boccace est, en effet, un des écrivains les plus difficiles à traduire ; non pas que chez lui le sens soit obscur, mais la contexture même de sa phrase en rend la traduction, — j’entends la traduction exacte, la seule que j’admette, — pleine de difficultés. Dans son admiration exclusive des anciens, Boccace a pris pour modèle Cicéron et sa longue période académique, dans laquelle les incidences se greffent sur les incidences, poursuivant l’idée jusqu’au bout et ne la laissant que lorsqu’elle est épuisée, comme le souffle ou l’attention de celui qui lit. Dans la langue latine, souple, flexible, aux inversions naturelles, ce système peut être la source de grandes beautés ; il n’en est pas tout à fait de même pour la langue de Boccace, déjà plus sèche, plus précise, moins apte par conséquent aux inversions et qui s’accommode assez mal de la période cicéronienne. Aussi le plus souvent sa phraséologie est-elle fort complexe, et pour suivre le fil de l’idée première, faut-il apporter une attention soutenue. Ce qui est déjà une difficulté de lecture dans le texte italien, devient un obstacle très sérieux quand on a à traduire ces interminables phrases en français moderne, prototype de précision, de clarté, de logique grammaticale. La langue française, au point de perfection où elle est arrivée, exprime la pensée avec autant d’exactitude mathématique que le chiffre exprime le nombre. Quelle que soit son affinité avec notre idiome, l’italien n’a pas le même rigorisme de la forme. Il permet à l’écrivain des escapades hors de la syntaxe, des licences grammaticales que le français ne saurait tolérer. On conçoit donc qu’il est parfois très difficile de rendre exactement en français, instrument rigide par excellence, ce qu’un auteur italien a écrit avec toute la latitude que lui laisse le peu de sévérité de la langue italienne. Cette difficulté est plus spéciale à Boccace. Je sais bien qu’il y a un moyen commode de l’éluder, et que ce moyen, mes prédécesseurs ne se sont point fait faute de l’employer : c’est de couper les phrases et d’en faire, d’une seule, deux, trois, quatre, autant qu’il est besoin. Mais à ce jeu, on change notablement la physionomie de l’original, et c’est ce que je ne puis admettre.

J’ai donc pris le taureau par les cornes et j’ai accepté la phrase de Boccace comme elle est, à moins, et le cas est rare, qu’il y eût impossibilité matérielle à la transporter dans une phrase qui restât française tout en conservant la physionomie italienne. Si cette méthode a augmenté dans de sérieuses proportions les difficultés du traducteur, elle offre au lecteur l’immense avantage de mettre sous ses yeux le calque on ne peut plus fidèle de l’original. Je dois ajouter que la tournure légèrement archaïque que la phrase acquiert par ce procédé, lui donne une saveur qui n’est point sans charme, tout en offrant une nouvelle garantie d’exactitude. Voilà, je ne puis trop le redire, ce qui fait tout le mérite de la présente traduction, ce qui constitue sa raison d’être et doit la recommander aux lecteurs.

Cette traduction n’est, du reste, qu’une faible partie du travail considérable conçu d’après le même plan, et qui comprendra, si mes forces me le permettent, tous les grands classiques italiens. Déjà la Divine Comédie, de Dante, a paru[3] ; le Roland furieux, d’Arioste, est sous presse. Puis viendront successivement Pétrarque, Tasse, Machiavel, Goldoni, Foscolo, Manzoni, etc. En me vouant à ce labeur de longue haleine, mon but n’a pas été seulement de faire une œuvre utile ou agréable à mes compatriotes ; j’ai voulu, tout en donnant un témoignage particulier d’estime à la généreuse nation dont la littérature a eu tant d’influence sur la nôtre, contribuer à resserrer les liens qui unissent deux peuples faits pour se connaître et s’aimer, et destinés à marcher désormais côte à côte et du même pas dans la voie du progrès et de la liberté.

Francisque Reynard.

Paris, 28 mars 1879.

ENTRE D’EUX


 

ENTRE D’EUX

(Les crayons 2 – Le Voyageur de Sel)

Le chemin du bois tout couvert des feuilles mortes d’étreintes émotionnelles, cache les traces d’hier. Aujourd’hui est de mise. Montrer sa nudité atteint aux bonnes moeurs.

À moins que ce ne soit
mon reflet inversé
dans un bris de miroir
quelque chose de vif
peut-être une planète
déchire l’apparence

José Le Moigne

Un trait de honte ramène au miroir. Mots d’une taille trop osée en regard du réel. La mine casse au crayon Veste d’un tant qui demande à être réajusté. Se pose une rougeur coupable qui avait échappé à un usage rationnel. Hypocrites continuez à masquer d’apparence le fond de votre impudeur.

Je me range l’amor dans l’âme.

Un cadre d’un vélo mord dans un caractère carré,

ne s’étranglant jamais dans un chat

N-L – 08/05/17 (Les Crayons 2)

La vie est belle…dernier métro…ne la ratez pas


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La vie est belle…dernier métro…

ne la ratez pas

 

La route droite

Comme un faux-rebond de balle

S’est tordue les arbres

Pour regarder les bornes dépassées

Sur les ondes d’une radio l’eau cale

J’entend grésiller

Ma canne à pêche

Qui démouline en tire-bouchon

C’est du gros poisson

Allo quelle nouvelle

Fait une voix off

Au bout du fil

Nylon ni court

De mon fleuve tranquille

S’écoulant séculum

A cloche-pied tintinabulante

D’ile en oeuf de Pâques

Et de poisson en Avril

Sur les berges étalées

Comme un jour de foire

Quelques puces font leur marché

Devant des cages abandonnées

Des lapins prennent rendez-vous

Un cheval en bois

Partouze à trois

J’aime ton andouille

Un enfant tire la natte

De la rouquine

En criant

Maman chat mord

Tant mieux pour toi dit le Père

T’auras bientôt un p’tit frère

On entend un grand bruit d’elle

C’est le p’tit t’oiso qu’est sorti

Dans le ciel la lune a tout enregistré

Au bout d’un tunnel d’épais nuages

Des anges-gardiens font la queue devant un sex-shop

Hier au loto ils ont gagné une prothèse de Rocco ma doure

Sur un grand panneau publicitaire

Devant le cimetière on peut lire

La vie est belle…dernier métro…ne la ratez pas

Niala-Loisobleu – 18 Juillet 2016

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LE DESERT BANC


13.06.16 - 1

 

LE  DESERT BANC

Les tomettes de la cuisine, aux équines croupes rondes, dans la fraîcheur d’un jour lourd chassent les mouches de l’aqueux métronome, posé sur le dessus du garde-manger. La partition  qui s’y punaise joue à la truite qui erre entre les mousses se balançant au rythme du roulis dans leur hamac. Un rêve d’adolescent dans le sommeil courant les grandes batailles où il ne peut qu’être l’amiral. Pas plus tard qu’hier, avant que le coucou ne s’égosille, un dénich’heur en perm d’un régiment du Génie cantonné au Vakistan, parti prendre les zoos, fut saisi d’une pulsion meurtrière. Fanatique à l’extrême des croyances sataniques décida de commencer par bouffer la chair de l’oiseau pour se purifier de l’insolent libre-arbitre. D’un bref coup de sonnette, il l’abattit entre les deux oeufs peints par Bacon, de quoi foutre la chair de poule au plus hardi des mauvais peintres modernes adepte de l’outre-noir.. Dame-Jeanne mettaient ses neveux en nièces pendant une incestueuse préparation marinée à la piquette sur un lit d’oignons grelots.Dans le fond du cellier, un secret de famille pas très catholique mûri toujours sur une claie dans des casiers judicieux. Le grand-père se portant garant de la fraîcheur du papier tue-mouches trempant dans le vinaigrier, les cousins piquèrent les fesses roses des chérubins. Un passant s’exclama « ça sent la soupe aux sous »pendant que la Marie se poivrait en buvant l’Alphonse au goulot, couchée sous l’étable en se disant la bouche plaine « on a vu pis… » Grattant ses sabots pleins du fumier posé devant la porte, l’âne se mit au piano sans se laver les mains. Le clavier en avait vu d’autres, quand le Blaise entrait tout déboutonné dans le journal de la femme de chambre. Contre toute attente, dans un lieu qu’isba l’oeil comme dans une saga cosaque du new-âge, un moujik piqua le taxi-dermiste en maraude du Prince Obescu qu’Apollinaire reluisait un dernière fois avant de signer le Bon-à-Tirer. Le Maître de ballet, rose de con fusion, s’inclina quand le commissaire-priseur d’enfants s’adjugea sa ration de poupées russes . Et dire que bien des citadins, disent qu’à la campagne on s’emmerde parce  les rustres n’ont pas de belles vitrines pour étaler leurs vices. Moi j’me régale disait Claude Chabrol, j’ai les bourgeois toujours au vroom-vroom-service !

Loisobleu- 13 Juin 2016

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AH Ô GALE Ô, AU GALOP !


Ysabel LeMay 63dc631da5adAH Ô GALE Ô, AU GALOP !

La pensée sauvage au bord de l’inconscient  ne rate aucun rendez-vous avec ce qui est totalement étranger au hasard. Toujours aux aguets, c’est la sentinelle  qui surveille notre ombre dans le moindre de ses déplacements. Hier s’aligne sur aujourd’hui quelque notion figurée d’un futur mis en tête.

Les moments pas encore foulés sont de tous les aspects de nos franchissements; parmi lesquels bien des non-dits et non-faits culminent. Suis-je un tiroir secret d’un secrétaire vénitien aux combinaisons de cache-cache ? Bien sûr sinon t’aurais que dalle d’un être humain. Les siècles pourront passer, il restera toujours en nous une empreinte du big-bang.

Je me sens toujours cet animal qui jamais n’aurait pu imaginer se tenir un jour debout sur ses deux pattes arrières.

Toi tu rigoles quand je te dis mon moi animal, qui déclenche automatiquement l’abaissement du regard. A croire que l’homme est encore plus con qu’il tente de le dissimuler. Je crois pas que dans le bon ordre de leur organisation, les différentes espèces animales aient cette part de tartufferie qui nous caractérise. Le fait qu’ils vivent tous dans leur nudité originelle constitue un sérieux cart dès le départ. L’homme se cache les parties intimes, preuve qu’il en a fait le siège de sa déviance. Il se cache l’appendice ou son absence en ayant qu’eux ( ça devrait s’écrire queue) en tête. C’est vrai que l’emplacement de l’un comme de l’une, est morphologiquement situé au point de grattage. Est-ce là que l’origine des jeux des nouvelles addictions ont leur point de départ ? Ben ça se pourrait, on se gratte les couilles comme la foufoune combien de « foi » par jour ? Que tu sois athée, ou de quelque confession que ce soit, c’est lié à toute interrogation. Peut-être que c’est le réflexe pavlovien au mystère de notre création, Tout y est savamment en place. La longueur du bras correspondant au point exact où le jardin réside, tu bines sans que ça te coûte de fatigue, de compétence horticole ou céréalière, amenant à toi des traversées interstellaires foutant k.o. le plus roué des tours-opérators

Si je vous dis, j’suis moitié-homme moitié cheval, voyez les conséquences….ça m’attire pas forcément que des désintéressées du sot de haie et de la rivière..

Ah ô gale ô, au galop…ma pauvre petite fleur d’innocence où qu’c’est qu’es-tu ?

Niala-Loisobleu

26 Octobre 2015

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