LE M’AIME LIEN


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LE M’AIME LIEN

 

Si bien imité que tout ne pouvait que sembler vrai. Dans son écrin d’été, l’ombre du refuge en tendant les battements de ses cils ne pouvait que mordre. Hameçonnage, quand tu nous fais le coup du bouchon qui plonge, ferrer devient un réflexe incontournable. On devrait dire pour parler net du récipiendaire du message.! un con tournable (à volonté). Mais alors les belles histoires de rencontres internet n’auraient plus droit d’asile. Ce droit qu’on gaspille sans réserve puisqu’il illustre hautement l’emploi des mots utilisés aujourd’hui à contresens.

N’empêche qu’un ciel bleu, dans de l’herbe verte, elle-même au bord d’une rivière, poissonneuse, sans lézard, avec des fruits juteux qui se balancent au bout des branches, que les arbres en fleurissent à embaumer. Parce que l’embaumage est considéré comme une première nécessité. Faut soigner l’emballage. Paquet cadeau oblige. La farce est à base de pores. On a laissé l’odeur des échauffements corporels, pour faire plus vrai. Les lèvres ont l’élasticité du grand saut dans le vide. Vas- y rentre, pousse, oui je te sens, ça me transperce de ce que j’attendais depuis si longtemps, après toi y a plus d’avant. Je vois clair, enfin…

D’un Meme Lien

par René Char
Atome égaré, arbrisseau, Tu grandis, j’ai droit de parcours. A l’enseigne du pré qui boit, Peu instruits nous goûtions, enfants De pures clartés matinales. L’amour qui prophétisa Convie le feu à tout reprendre. O fruit envolé de l’érable Ton futur est un autrefois. Tes ailes sont flammes défuntes, Leur morfil amère rosée. Vient la pluie de résurrection ! Nous vivons, nous, de ce loisir. Lune et soleil, frein ou fouet, Dans un ordre halluciné.
L’Amour utilisé comme une contrefaçon ne trompe que les paumés des petits-matins. Les caniveaux du vomis n’ont rien du ru qui fait sauter la truite. C’est que du poisson à l’oeil torve à la nageoire flasque et indirectionnelle.Le mur est au coin de la rue. Dans le bouleversement climatique, les us et coutumes suivent. Seulement la vraie nature, elle, elle se refuse au maquillage. Les épouvantails sont fait pour faire fuir les oiseaux. Mai les oiseaux y savent qu’on ne peut rien attendre du bois mort pour se poser.
Niala-Loisobleu – 12 Juillet 2017

La Boîte à l’Être 9


 

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La Boîte à l’Être 9

HALEINE HALEINE

Gris vert le sable s’avale les galets
mi-ombre mi soleil
la gueule grande ouverte des moules à qui manque le couvercle baille à jamais.
Quelques coques enrouées ne chantent pas non plus le levé du jour. C’est pas un changement d’heure qui donnera de la voie à l’à venir
Les années à ronger la côte ont changées la place que les oyats tenaient à me piquer les pieds quand, dans ma nudité autorisée d’enfant, j’allais faire des châteaux sur la plage de St-Trojan. Sans qu’une arrière-pensée puisse mettre l’oeuvre en contestation, pas plus philosophique qu’architecturale.
Faut dire à la décharge des adultes qu’ils engendrent plus souvent pour donner la vie aux rêves qu’ils n’ont pu mettre à terme.

Parents alors ça devient le triste repentir d’un enfantement non demandé, du à des géniteurs non choisis qui a débouché sur l’absence d’une enfance heureuse.

Une peinture neuve glisse entre bois et écaille
des odeurs de peint frais remontent la carène
sur son ber la coque devance la marée
elle tressaille à l’idée de mouiller ailleurs
se laissant hâler aux oublis des raideurs d’un quotidien rouillé
Petit bateau deviendras-tu grand
personne ne devrait pouvoir lui interdire de se faire les plus beaux voyages
au plus près
ou
au plus lointain
C’est jamais la distance qui fait la découverte de soi
personne ne peut être plus près de son égo que soi
quelque soit l’endroit où on le pose
dans quelque décor
quelque musique
quelque pêche miraculeuse
quelque roi mage
quelque mais si
Je péniche
tu chalands
île hirondelle
nous bout de ficelle
vous accroche à la bataille
Elles déployées

Alors tu seras à m’aime de graver, tailler, façonner ta nourriture spirituelle
en coupant les barbes de mauvais poil
Que ferions-nous sans nos merdes
l’espoir ne servirait même pas à s’en torcher
Haleine haleine
toi la fille qui m’accompagne
t’es bonheur de te mettre en mon air d’accordéon au ton du jour bon
que rien des orages, malheurs des chemins défoncés, impasses, bifurcations, détournements, changements de cap, guerres d’influences, programmes menteurs, réformes à réformer, contes à rebours
ne pourraient m’interdire de faire denser
Je t’aime simplement pas compliquée, au contraire de ce qui m’a été proposé par d’autres…

Niala-Loisobleu
25 Octobre 2014

La fenêtre n’a pas rétrécie, demeurée grande ouverte sur le m’aime horizon, elle a tenue bon face à la tempête qui fut suivie d’un mortel silence. Le tant se montre  en brefs instants. Se pourrait-il que se soit moi qui mirage avoir vu la tête d’une nouvelle pousse porteuse du reverdissement du désert ?

Niala-Loisobleu – 21 Août 2016

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PLUME D’ANGE


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PLUME D’ANGE

Vous voyez cette plume ?
Eh bien, c’est une plume…d’ange.
Mais rassurez vous, je ne vous demande pas de me croire, je ne vous le demande plus.
Pourtant, écoutez encore une fois, une dernière fois, mon histoire.

Une nuit, je faisais un rêve désopilant quand je fus réveillé par un frisson de l’air.
J’ouvre les yeux, que vois-je ?
Dans l’obscurité de la chambre, des myriades d’étincelles…Elles s’en allaient rejoindre, par tourbillonnements magnétiques, un point situé devant mon lit.
Rapidement, de l’accumulation de ces flocons aimantés, phosphorescents, un corps se constituait.
Quand les derniers flocons eurent terminé leur course, un ange était là, devant moi, un ange réglementaire avec les grandes ailes de lait.
Comme une flèche d’un carquois, de son épaule il tire une plume, il me la tend et il me dit :
» C’est une plume d’ange. Je te la donne. Montre-la autour de toi.
Qu’un seul humain te croie et ce monde malheureux s’ouvrira au monde de la joie.
Qu’un seul humain te croie avec ta plume d’ange.
Adieu et souviens toi : la foi est plus belle que Dieu.  »

Et l’ange disparut laissant la plume entre mes doigts.
Dans le noir, je restai longtemps, illuminé, grelottant d’extase, lissant la plume, la respirant.
En ce temps là, je vivais pour les seins somptueux d’une passion néfaste.
J’allume, je la réveille :
 » Mon amour, mon amour, regarde cette plume…C’est une plume d’ange! Oui ! Un ange était là… Il vient de me la donner…Oh ma chérie, tu me sais incapable de mensonge, de plaisanterie scabreuse… Mon amour, mon amour, il faut que tu me croies, et tu vas voir… le monde !  »
La belle, le visage obscurci de cheveux, d’araignées de sommeil, me répondit:
 » Fous moi la paix… Je voudrais dormir…Et cesse de fumer ton satané Népal !  »
Elle me tourne le dos et merde !

Au petit matin, parmi les nègres des poubelles et les premiers pigeons, je filai chez mon ami le plus sûr.
Je montrai ma plume à l’Afrique, aux poubelles, et bien sûr, aux pigeons qui me firent des roues, des roucoulements de considération admirative.
Je sonne.
Voici mon ami André.
Posément, avec précision, je vidai mon sac biblique, mon oreiller céleste :
» Tu m’entends bien, André, qu’on me prenne au sérieux et l’humanité tout entière s’arrache de son orbite de malédiction guerroyante et funeste. À dégager ! Finies la souffrance, la sottise. La joie, la lumière débarquent !  »
André se massait pensivement la tempe, il me fit un sourire ému, m’entraîna dans la cuisine et devant un café, m’expliqua que moi, sensible, moi, enclin au mysticisme sauvage, moi devais reconsidérer cette apparition.
Le repos… L’air de la campagne… Avec les oiseaux précisément, les vrais !

Je me retrouvai dans la rue grondante, tenaillant la plume dans ma poche.
Que dire ? Que faire ?
» Monsieur l’agent, regardez, c’est une plume d’ange. »
Il me croit !
Aussitôt les tonitruants troupeaux de bagnoles déjà hargneuses s’aplatissent. Des hommes radieux en sortent, auréolés de leurs volants et s’embrassent en sanglotant.
Soyons sérieux !
Je marchais, je marchais, dévorant les visages. Celui ci ? La petite dame ?
Et soudain l’idée m’envahit, évidente, éclatante… Abandonnons les hommes ! Adressons-nous aux enfants ! Eux seuls savent que la foi est plus belle que Dieu.
Les enfants…Oui, mais lequel ?
Je marchais toujours, je marchais encore. Je ne regardais plus la gueule des passants hagards, mais, en moi, des guirlandes de visages d’enfants, mes chéris, mes féeriques, mes crédules me souriaient.
Je marchais, je volais… Le vent de mes pas feuilletait Paris…Pages de pierres, de bitume, de pavés maintenant.
Ceux de la rue Saint-Vincent… Les escaliers de Montmartre. Je monte, je descends et me fige devant une école, rue du Mont-Cenis.
Quelques femmes attendaient la sortie des gosses. Faussement paternel, j’attends, moi aussi.
Les voilà.
Ils débouchent de la maternelle par fraîches bouffées, par bouillonnements bariolés. Mon regard papillonne de frimousses en minois, quêtant une révélation.
Sur le seuil de l’école, une petite fille s’est arrêtée. Dans la vive lumière d’avril, elle cligne ses petits yeux de jais, un peu bridés, un peu chinois et se les frotte vigoureusement.
Puis elle reprend son cartable orange, tout rebondi de mathématiques modernes.
Alors j’ai suivi la boule brune et bouclée de sa tête, gravissant derrière elle les escaliers de la Butte.
À quelque cent mètres elle pénétra dans un immeuble.
Longtemps, je suis resté là, me caressant les dents avec le bec de ma plume.
Le lendemain je revins à la sortie de l’école et le surlendemain et les jours qui suivirent.


Elle s’appelait Fanny. Mais je ne me décidais pas à l’aborder. Et si je lui faisais peur avec ma bouche sèche, ma sueur sacrée, ma pâleur mortelle, vitale ?
Alors, qu’est-ce que je fais ? Je me tue ? Je l’avale, ma plume ? Je la plante dans le cul somptueux de ma passion néfaste ?
Et puis un jeudi, je me suis dit : je lui dis.
Les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.
J’ai précipité mon pas, j’ai tendu ma main vers la tête frisée… Au moment où j’allais l’atteindre, sur ma propre épaule, une pesante main s’est abattue.
Je me retourne, ils étaient deux, ils empestaient le barreau
» Suivez nous « .

Le commissariat.
Vous connaissez les commissariats ?
Les flics qui tapent le carton dans de la gauloise, du sandwich…
Une couche de tabac, une couche de passage à tabac.
Le commissaire était bon enfant, il ne roulait pas les mécaniques, il roulait les r :
» Asseyez vous. Il me semble déjà vous avoir vu quelque part, vous.
Alors comme ça, on suit les petites filles ?
Quitte à passer pour un détraqué, je vais vous expliquer, monsieur, la véritable raison qui m’a fait m’approcher de cette enfant.
Je sors ma plume et j’y vais de mon couplet nocturne et miraculeux.
– Fanny, j’en suis certain, m’aurait cru. Les assassins, les polices, notre séculaire tennis de coups durs, tout ça, c’était fini, envolé !
Voyons l’objet, me dit le commissaire.
D’entre mes doigts tremblants il saisit la plume sainte et la fait techniquement rouler devant un sourcil bonhomme.
– C’est de l’oie, ça… me dit il, je m’y connais, je suis du Périgord
Monsieur, ce n’est pas de l’oie, c’est de l’ange, vous dis je !
Calmez vous ! Calmez vous ! Mais vous avouerez tout de même qu’une telle affirmation exige d’être appuyée par un minimum d’enquête, à défaut de preuve.
Vous allez patienter un instant. On va s’occuper de vous. Gentiment, hein ? Gentiment.  »

On s’est occupé de moi, gentiment.
Entre deux électrochocs, je me balade dans le parc de la clinique psychiatrique où l’on m’héberge depuis un mois.
Parmi les divers siphonnés qui s’ébattent ou s’abattent sur les aimables gazons, il est un être qui me fascine. C’est un vieil homme, très beau, il se tient toujours immobile dans une allée du parc devant un cèdre du Liban. Parfois, il étend lentement les bras et semble psalmodier un texte secret, sacré.
J’ai fini par m’approcher de lui, par lui adresser la parole.
Aujourd’hui, nous sommes amis. C’est un type surprenant, un savant, un poète.
Vous dire qu’il sait tout, a tout appris, senti, perçu, percé, c’est peu dire.
De sa barbe massive, un peu verte, aux poils épais et tordus, le verbe sort, calme et fruité, abreuvant un récit où toutes les mystiques, les métaphysiques, les philosophies s’unissent, se rassemblent pour se ressembler dans le puits étoilé de sa mémoire.
Dans ce puits de jouvence intellectuelle, sot, je descends, seau débordant de l’eau fraîche et limpide de l’intelligence alliée à l’amour, je remonte.
Parfois il me contemple en souriant. Des plis de sa robe de bure, il sort des noix, de grosses noix qu’il brise d’un seul coup dans sa paume, crac ! pour me les offrir.

Un jour où il me parle d’ornithologie comparée entre Olivier Messiaen et Charlie Parker, je ne l’écoute plus.
Un grand silence se fait en moi.
Mais cet homme dont l’ange t’a parlé, cet homme introuvable qui peut croire à ta plume, eh bien, oui, c’est lui, il est là, devant toi !
Sans hésiter, je sors la plume.
Les yeux mordorés lancent une étincelle.
Il examine la plume avec une acuité qui me fait frémir de la tête aux pieds.
» Quel magnifique spécimen de plume d’ange vous avez là, mon ami.
Alors vous me croyez ? Vous le savez !
Bien sûr, je vous crois. Le tuyau légèrement cannelé, la nacrure des barbes, on ne peut s’y méprendre.
Je puis même ajouter qu’il s’agit d’une penne d’Angelus Maliciosus.
Mais alors ! Puisqu’il est dit qu’un homme me croyant, le monde est sauvé…
Je vous arrête, ami. Je ne suis pas un homme.
Vous n’êtes pas un homme ?
Nullement, je suis un noyer.
Vous vous êtes noyé ?
Non. Je suis un noyer. L’arbre. Je suis un arbre. « 

Il y eut un frisson de l’air.
Se détachant de la cime du grand cèdre, un oiseau est venu se poser sur l’épaule du vieillard et je crus reconnaître, miniaturisé, l’ange malicieux qui m’avait visité.
Tous les trois, l’oiseau, le vieil homme et moi, nous avons ri, nous avons ri longtemps, longtemps…
Le fou rire, quoi !

Claude Nougaro

L’atelier vacillait sur ses jambes.  Le tremblement soudain de la lumière arrivant du dehors semait des éclairages nouveaux. Ainsi c’est en perdant la vue que l’on se voit clair. Tel qu’on est pour tous les autres, pire qu’un con, un dangereux prophète. Semeur d’espoir grand disciple de l’illusion qu’une passion a contaminé.

Sur la toile blanche une plume vint se poser là où la signature se pose d’habitude et dans un dernier effort posa le maux fin.

Je rejoignis Claude, l’oiseau et la plume, le vieil homme que je suis ne voyant de l’ange qu’une illusion de plus, sans rire autrement que de l’imbécile que j’ai toujours été.

Niala-Loisobleu – 11 Juillet 2016