DANS CETTE NUIT AU PLAFOND OPAQUE UNE BOUCHE DE VILLE RELUIT


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DANS CETTE NUIT AU PLAFOND OPAQUE UNE BOUCHE DE VILLE RELUIT

En cette bouche de ville
Les lèvres frémissent
De paroles enjouées
Qui semblent sécher
Des larmes…

Est-ce que ce temps
S’enfile dans
L’oubli ?

On semble mâcher le présent
Encore ensanglanté
Pour – peut-être –
Avaler
Un avenir serré de près
Par des dents de loups
Avant que celles-ci
N’y remordent…

Les lumières gardent
Leurs éclats
D’étoiles
Qui mouchettent dans les yeux
De la ville gelée

Au loin les perspectives
Pleurent entre les murs
Assombris…
La place décline
Ses feux clignotants
Derrière – devant
La Marianne
Enfouie dans
L’ombre…

Puis ici la musique
Paraît violente
Grignotant –
Comme un imposant silence –
Le jeu tranquille
Des mots…

Ainsi la fureur d’un horizon non écouté
Hache le sens
Il crie
L’obscur et
Hante la joie…

Mais c’est sans compter
Sur la conquête
Par celle-ci
De tout le présent
Qui semblait
Couler
Hors des veines de la ville !

Oubli ? Non ! On ré-attrape
Son essence à travers
La nuit
Avec les lèvres des advenus nouveaux
Du travail desserré
Des mâchoires
Du temps qui
Compte

Oui ! On bat le blé pour le sortir
Des blessures de l’ortie…
On le rebat et
Fait marcher
Le moulin à-vif
De l’eau des
Songes…

On le ragrandit
Avec une pompe universelle
En y aspirant
Le devenir…
Et l’oubli est lui-même gelé !
On grimpe au fil
Des souvenirs
Où se mouille de nouveau
La présence au monde

Et c’est un chœur de voix avec les cœurs
Qui s’emparent du pain nourricier
De l’amitié ouverte…
Arraché aux flammes
D’un futur incendié
Tout son suc en sang
Ne peut plus être mordu
Par des vampires
Voraces
Même s’ils se sont efforcés de nier
Son fondement d’Humanité
Universelle

Et les cicatrices – déjà – se forment
A partir d’un sens pacifique
Crié par les bouches rassasiées
Et le vent de la misère
Venant de
L’horizon rageur
Semble être
Rentré
Ici –
Sous des lampes rouges
Qui réchauffent
Les corps…

On l’accueille et…Il ne les froisse pas
D’un autre gel
On le partage et il fait
Un chaleureux
Tintamarre
De chair
Neuve

Je me pénètre du sens
Des chants du chœur
Et – rentrant dans sa beauté –
Je m’imprègne du
Seul feu d’amour
Qui ne brûle pas
Où l’on s’empare de l’avenir
En le délestant du fardeau
Qui incendie par
L’oubli de
L’oubli

Un passé peut-il être revivifié
Par ce vif fleuve
Du devenir
Où s’abandonne maintenant
La ville qui essaie
De sécher ses
Larmes
Avec ces voix
Qui semblent encore respirer
Dans son grand corps
Qui veille !..
Chaque silence en leur creux
Nous convie à les attraper…
Elles n’étouffent pas
Et … Comme
Les feuilles d’automne
Valsant un peu
Dans le vent
De la misère et de l’exil
On les accueille dans le deuil
Comme ces fleurs et ces flambeaux de lumière

Alain Minod

ENTRE TIEN EMOI 7


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ENTRE TIEN EMOI 7

 

Palissade vêtue de quelques séquences en déchirures soulevées, tant soit peu par l’évent, le terrain vague écluse en désordre des morceaux amputés, bouts de vert, de ficelle, file de fer, et chants d’elle, bouchons hétéroclites, qui n’ont pas sombré totalement hors du temps. Miss Remington, règne de beauté de nos années folles, cliquète comme un déjeuner d’insectes au resto du coeur. Entre ses dents serrées, des filets à la traine, récupèrent sans trier, des vieux clous rouillés pour revisser les roues dentelées de la bicyclette à Chronos. A contretemps, mais tout n’est qu’apparence, elle sonne midi à quatorze heures.Déréglage oxygène de l’air tété. A vue de nez il est passé dix heurts sous les selles des usagers du métropolitain. Le matin c’est eau de toilette-saucisson à l’ail, le soir c’est péremption-crevette-vents-d’anges-tardives. Entre un sommier défoncé, et un frigo terrassé de canicule, combien de mots couverts ont maquillé la réalité.

Quand le soleil est fauché, les plumes glanent dans les éteules le regain.

Pour un art poétique

Prenez un mot prenez en deux

faites les cuir’ comme des oeufs

prenez un petit bout de sens

puis un grand morceau d’innocence

faites chauffer à petit feu

au petit feu de la technique

versez la sauce énigmatique

saupoudrez de quelques étoiles

poivrez et mettez les voiles

Où voulez vous donc en venir ?

A écrire

Vraiment ? A écrire ?

Raymond Queneau

T’as d’beaux yeux disait Gabin à l’Arletty sur le canal St-Martin.

Pendant que sous eux, une maladie d’amour flottait en corps entre vivre ou mourir. Hésitant entre deux eaux.La vie c’est le bon côté pile et la garce en face.C’est pour ça que furent inventés les poètes. Avec leur boîte de peinture, leurs crayons de couleurs, ils jettent l’ancre au large des écueils. Navigateurs des hauts sommets, escaladeurs des abysses, ils nient que noir c’est noir. Césaire de la négritude traversent le pis, déchirent l’esclavage. Sans désarmer, opiniâtres chercheurs d’espoir. Lucidement naïfs. Sans passage obligé sous les drapeaux et les bannières, des marchands du temple, des si-vous-m’Elysées-j’vous-f’ré-la-cuisine-au-beurre demain on rase gratis, et alors c’est mieux qu’attendre l’Arlésienne tous les jours de la s’maine. Demain c’est l’àvenir.

Tiens ça m’fait penser que je vais aller derrière la palissade, sur mes fortifs, jouer à taper dans une vieille gamelle, une chute de rin-de-rin, un accroc disiaque, une panne de secteur, un nez boulis de show-d’pisse, une vérole de Roméo, une Juliette de rues tabaga t’soin t’soin, un coche marre qui trottine cahin-caha, une pro messe électorale aux seins sièges de Dame Pipi, les os usés, l’échine oiseuses, les allumeuses des ternités.

A l’eau mon Coeur, j’ai placé la Remington chez ma Tante, ouvre-moi t’apporte, que je me baigne d’encre terre et ciel, plume au chat peau. J’ai de l’amour plein mon verger, donne ton panier, nous sommes à flancs de montagne, du feu dans nos cheminées occitanes à se retendre le ventre de peau souple,

Niala-Loisobleu – 27 Juillet 2018

EQUILIBRAGE


 

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EQUILIBRAGE

 

 

D’une ligne d’heure arrêtée le remontoir sortit l’argent de sous le gousset en se grattant les selles comme Scarron le vieil écuyer. Un tant perdu  ne se rattrapant guère, faut lui lancer l’offensive si on veut avoir la paix. En dépensant comment gagner, demande le jour de philo aux escholiers. Un cheval qui saute, c’est de la rivière à ras qui rit de bon coeur sans penser au cafard, nota l’examinatrice sur le dos de son aide-mémoire…

N-L – 18/06/18

Oiseaux de Papier


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Oiseaux de Papier

 

Des branches de l’arbre-mains

Quelques noirceurs du ciel

Mon coeur a lancé une escadrille d’oiseaux de papier

De mots du coeur

As-tu entendu chanter l’écluse

Du pouls de la sève ?

Niala-Loisobleu  –  27 Novembre 2017

Bleu ouvert en deux lèvres.


Bleu ouvert en deux lèvres.

L’Improbable (Extrait)

Quand nous avons à défier l’absence d’un être, le temps qui nous a dupé, le gouffre qui se creuse au cœur même de la présence, ou de l’entente, que sais-je, c’est à la parole que nous venons comme à un lieu préservé. Le mot est l’âme de ce qu’il nomme, nous semble-t-il, son âme toujours intacte. Et s’il dissipe dans son objet le temps, l’espace, ces catégories de notre dépossession, s’il l’allège de sa matière, c’est sans porter atteinte à son essence précieuse et pour le rendre à notre désir.

Yves Bonnefoy

L’Indélébile

Le mensonge de la petite culotte absente cogne à la fenêtre de l’incantation de ses seins gros, forçant le décolleté d’une robe aux boutons ne tenant plus qu’à un fil. Ce fil du rasoir sur lequel je dus traverser l’image que ses mains impudiques m’ouvraient en me forçant à voir les crevasses où je péris de manque aujourd’hui. Les camisoles depuis n’ont rien détachées de la piqûre des milliers d’aiguilles qui me labourent toujours de leurs éperons. Puissant est le coup de la cravache qui veut passer le poteau d’arrivée. Mes reins se jettent, l’âme à percer. Excitée la voie se dresse sur la pointe des geysers. De la canalisation crevée un marécage nous colle. Chansons de vase qui s’extirpe en chuintements de la botte quand elle soulève son pas. C’est un bateau aux voiles à l’envergure albatros grand écart qui m’avale. Toute sa colonne vertébrale me ricoche, une vertèbre à près l’autre. Les mots qui dépossèdent en se déclarant protecteurs sont-ils comme ces chiens d’un coït sauvage qui ne peuvent plus se décoller que sous le jet du seau d’eau glacée? La rue n’a pas gommée le caniveau de son trottoir. Restent les charrettes des quatre-saisons. Jardin potager d’une lubricité que ne connaissent que les amours totales de l’esprit dans le corps. Allègement des mauvaises graisses qui fondent en subtiles essences ciels et tiennent le désir allumé. L’éternité fauve des peaux résistant aux mégissiers

Je te suis le m’aime,  à la parole qui était déjà acte à la première syllabe. Bleu ouvert en deux lèvres.

 Niala-Loisobleu – 15 Février 2017

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FACE A FACE AVEC MA PEUR


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FACE A FACE AVEC MA PEUR

Mes ongles ont rencontré la peur au contact des tables d’école, sans être alors en mesure de la lier au plongeon dans le vide du ventre maternel.

La peur comme ces odeurs d’encre

se garde dans ses livres d’histoire

de sa géo du patrimoine.

Les unes sur les autres

en estrade

mes peurs ont peint mes couleurs sur le tableau noir des jours.

L’enclume a battu la sève de mes arbres d’amour avec un faire pas toujours forgé à l’intention première. Je me suis tapé sur les doigts à tourner mal le marteau. au point que le savetier chante à perdre alène.

D’où es-tu, me suis-je dit tout tremblant, ce jour d’été où nous nous sommes trouvés face à face, à flancs de poubelles ? De partout, des endroits d’ici de mon pays, à là-bas, par mes racines la couleur de l’accent plantée aux creux des pierres, la peur en pisés, mélange de terre et de paille, s’est mise en planque des siècles sur les terrasses de nos flancs sans rien dire de notre rencontre programmée pour ce jour là. Dans nos natales différences préparées à nous mettre au pied du mur.

Chaque coin de chez-nous

heureusement,

existe autrement que par les tristes gravures de noms à son monument,

l’herbe qui renaît toujours aux bords des ornières

où les roues ont marqué le sol,

montre bien la verdeur de ses chemins

Ce que j’ai appris de la peur m’a suffit à comprendre que nous sommes maîtres et compagnons de notre existence

L’odeur du bois qui brûle sous la poêle de l’oignon roussissant le calcaire d’une vigne aux âtres des garbures, choucroutes, potées, tourtes, et charcutailles fromagères ou pas, plats qui ont mariné dans les cépages de nos crues, ont le tannin de nos chênes, derniers lièges, ultimes bouées. La suie des sueurs de mines, tient mieux les galeries des sources souterraines, phréatique des estuaires,  que les étais branlants d’un refus de surmonter sa peur sous prétexte que ne pas prendre de risques conforte. Et nos charpentes, vertébrales des pêches lointaines, bossoir maritime au vent des flèches vous ne voulez plus les entendre gémir la douleur du vouloir tenir coûte que coûte ? Allons on ne fait pas l’économie de son passé au seul prétexte de rester soumis à la raison du code d’une société.

Aimer ne correspond pas à une taille, une pointure,un étalon, un paramètre, un code de bienséance. Aimer n’est que la réponse d’une âme à l’autre, ayant trouvé le sens de ce qu’est le silence.

Je sais pour l’avoir vécu il y a quelques heures encore que la peur permet de se voir tel que l’on désire être.

 

Niala-Loisobleu – 4 Février 2017

 

ALEPH ma chair aux épouvantails des curées


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ALEPH

ma chair aux épouvantails

des curées

Alors je vis « l’Aleph »,équin-tricycle

et ce matin vînt du jour dernier d’hier, le déclic amorçant l’ouverture d’un embrayage qui refusait de sortir du stationnement de ces derniers temps. Les roues du moulin meulent et les zèles changent de monture. Rossinante demeurera à jamais dans La Mancha, le grain d’un passage dégourdit les vannes du bief. En ordre dispersé, rue de Verneuil, équin-tricycle ressortent un père faire ailleurs, une mère équinoxe,  le Front Populaire, une et puis deux guerres, bric à brac flibustier se riant des morsures du grinçant. Le film s’échappe des bobines fossé des inventaires de la stricte réalité de mon existence. Orsay musée change de destination….Je suis rien et multiple, marches, colonnes, fronton, double luminaire à l’oeil ouvert, tenant par l’ombilic la Femme aux cheveux arc-en-ciel,  marchant sur le  fil du rasoir, le balancier tenant le caniveau émancipé. Autre et incomparable proximité née d’une fausse distance Nous barbotons nos âges dans nos marres. Un amoureux  glissement d’ailes de canard,  sensuel colle vers, en brouillant les dates de nos révolutions sous l’oeil de nos Anges. Démons et merveilles. Et toujours l’Eternel Cheval, mains tenant, monté d’une statue de Vénus callipyge ne voulant plus voir Vesoul, pour nourrir qu’en Arles peint visible l’olivier à huile de Vincent, à son sein. Aphrodite, soulevant son péplos pour regarder ses fesses, nécessairement superbes, robe blanc et noir, blond pelage,crin yin et yang. Cabanant d’ici à là, un Atelier mobile dresse son  chevalet à l’écart des soupirs du Sade de Venise, mais bien au lit d’ô, des naissances dans la douleur. L’Etoile de lin dans l’autre. Que d’arbres, une médecine végétale forestière sans flacon qui tartine sur  canopée la sève des mots-peints. Lamentations éteintes, murs mis au pilon, les lignes gravent leurs orgasmes en majuscules paraphrastiques. La vie comme dab, faisant son transit de naissances en fausses-couches, des fils-enfants sont décousus du temps qui passe. J’ai craché le sans sur mes nativités.

Poèmes d’Amour, ô Jorge Luis Borges aide-moi, explique-leur l’indicible maux à mots de l’encre qui pleure acide  quand l’araignée se manifeste en orbite et comme tu l’as si bien dit :

….la circulation de mon sang obscur, l’engrenage de l’amour et la transformation de la mort, je vis l’Aleph, sous tous les angles, je vis sur l’Aleph la terre, et sur la terre de nouveau l’Aleph et sur l’Aleph la terre, je vis mon visage et mes viscères, je vis ton visage, j’eus le vertige et je pleurai, car mes yeux avaient vu cet objet secret et conjectural, dont les hommes usurpent le nom, mais qu’aucun homme n a regardé : l’inconcevable univers. J-L Borges

 

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Extrait de « L’Aleph » (Traduction de Roger Caillois)

Alors je vis l’Aleph.

j’en arrive maintenant au point essentiel, ineffable de mon récit ; ici commence mon désespoir d’écrivain. Tout langage est un alphabet de symboles dont l’exercice suppose un passé que les interlocuteurs partagent comment transmettre aux autres l’Aleph infini que ma craintive mémoire embrasse à peine ? Les mystiques, dans une situation analogue, prodiguent les emblèmes : pour exprimer la divinité. un Perse parle d’un oiseau qui en certaine façon est tous les oiseaux ; Alanus ah lnulis d’une sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part ; Ezéchiel, d’un ange à quatre visages qui se dirige en même temps vers l’Orient et l’Occident, le Nord et le Sud. (Je ne me rappelle pas vainement ces analogies inconcevables ; elles ont rapport avec l’Aleph.) Peut-être les dieux ne me refuseraient-ils pas de trouver une image équivalente, mais mon récit serait contaminé de littérature, d’erreur. Par ailleurs, le problème central est insoluble : 1’énumération, même partielle, d’un ensemble infini. En cet instant gigantesque, j’ ai vu des millions d’actes délectables ou atroces ; aucun ne s’étonna autant que le fait que tous occupaient le même point, sans superposition et sans transparence. Ce que virent mes yeux fut simultané : ce que je transcrirai, successif, Car c’est ainsi qu’est le langage. J’en dirai cependant quelque chose.(..)je vis une petite sphère aux couleurs chatoyantes, qui répandait un éclat presque insupportable, je crus au début qu’elle tournait ; puis je compris que ce mouvement était une illusion produite par les spectacles vertigineux qu’elle renfermait. Le diamètre de 1’Aleph devait être de deux ou trois centimètres, mais l’espace cosmique était là, sans diminution de volume. Chaque choses (la glace du miroir par exemple) équivalait à une infinité de choses, parce que je la voyais clairement de tous les points de l’univers. Je vis la mer populeuse, l’aube et le soir, les foules d’Amérique, une toile d’araignée argentée au centre d’une noire pyramide, un labyrinthe brisé (c’était Londres), je vis des yeux tout proches, interminables, qui s’observaient en moi comme dans un miroir, je vis tous les miroirs de la planète et aucun ne me refléta, je vis dans une arrière-cour de la rue Soler les mêmes dalles que j’avais vues il y avait trente ans dans le vestibule d’une maison a Fray Blentos, je vis des grappes, de la neige, du tabac, des filons de métal, de la vapeur d’eau, je vis de convexes déserts équatoriaux et chacun de leurs grains de sable, je vis à Inverness une femme que je n’oublierai pas, je vis la violente chevelure, le corps altier, je vis un cancer à la poitrine, je vis un cercle de terre desséchée sur un trottoir, là où auparavant il y avait eu un arbre, je vis dans une villa d’Adrogué un exemplaire de la première version anglaise de Pline, celle de Philémon Holland, je vis en même temps chaque lettre de chaque page (enfant, je m’étonnais que les lettres d’un volume fermé ne se mélangent pas et ne se perdent pas au cours de la nuit), je vis la nuit et le jour contemporain, un couchant à Quérétaro qui semblait refléter la couleur d’une rose à Bengale, ma chambre à coucher sans personne, je vis dans un cabinet de Alkmaar un globe terrestre entre deux miroirs qui le multiplient indéfiniment, je vis des chevaux aux crins denses, sur une plage de la mer Caspienne à l’aube, la délicate ossature d’une main, les survivants d’une bataille envoyant des cartes postales, je vis dans une devanture de Mirzapur un jeu de cartes espagnol, je vis les ombres obliques de quelques fougères sur le sol d’une serre, des tigres, des pistons, des bisons, des foules et des armées, je vis toutes les fourmis qu’il y a sur la terre, un astrolabe persan. je vis dans un tiroir du bureau (et l’écriture me fit trembler) des lettres obscènes, incroyables, précises, que Beatriz avait adressées à Carlos Argentino, je vis un monument adoré à Chacarita, les restes atroces de ce qui délicieusement avait été Beatriz Viterbo, la circulation de mon sang obscur, l’engrenage de l’amour et la transformation de la mort, je vis l’Aleph, sous tous les angles, je vis sur l’Aleph la terre, et sur la terre de nouveau l’Aleph et sur l’Aleph la terre, je vis mon visage et mes viscères, je vis ton visage, j’eus le vertige et je pleurai, car mes yeux avaient vu cet objet secret et conjectural, dont les hommes usurpent le nom, mais qu’aucun homme n a regardé : l’inconcevable univers.

Jorge Luis Borges (L’ALEPH – Gallimard, 1967)

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ATELIER & MURMURES 1


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ATELIER & MURMURES 1

Esquisse dans le noir à la craie bleue

Au creux de quelque vague il peut se trouver que l’annonce des oiseaux n’ait pas été vue. Mais sans doute a t-elle été simplement faite différemment.Au métrage du lin comme au poids de la peinture, la surface que t’as couverte pèse des tonnes. Entre ta première résidence, la seconde à marqué toutes les autres. Fut d’abord un cheval dans les années 50, sans que depuis tu te sois arrêté. Les coups de freins ont fait le trait d’union, genre muse hic qui accompagne en bruit de (font) trois p’tits-tours et puis s’en vont. Entrent en gare les pertes au front des batailles mesquines de la vie. Confisqué d’enfants pas qu’à Noël voilà un tableau que t’as dupliqué tellement de fois que la vue du premier sapin te fait mordre du renne, du traîneau et des tintinnabulants de l’équipage. J’ai froid aux doigts d’un tel mal de do, que j’en arrive pas à tenir la palette dans l’expression des pinceaux. Un mauvais silence. Quelque chose qui a sauté dans la transmission. Dans la rue l’envie de shooter dans la gamelle se fait terriblement sentir.Sentant sans que la distance ait jamais altérée mon oeil, le fait que maintenant j’ai les deux qui baignent dans l’acide n’y est pour rien. C’est pas de là que ça vient. Le climat général est un peu plus désespéré chaque matin. La vie d’un homme ça coûte moins cher qu’un chiot qu’on attachera à un arbre, les vacances venues. Puis il y a cette accoutumance à la haine; qui fait qu’on est beaucoup plus tolérant qu’avant sur la pire entourloupe qui te viendrait pas tout seul à l’idée, si on avait pas les médias. Acheter, acheter, à jeter…toujours plus, ça ne sert pas de leçon, ça permet juste aux massacreurs d’Amazonie de couper le souffle aux indiens et à la terre pour élire des p’tits z’hommes-verts qui protesteront pour la forme.

-Non Bouffi, me demande pas comment je fais pour avoir que de l’Amour dans mon occupation première, sinon…

Le truc de la page blanche c’est le pire dans cette lutte permanente contre la contradiction qu’on est soi-même. Tu as la boule dans la gorge, le coeur en exil, la foi de mort hue, t’as mal d’un manque d’essence ciel. T’es presque arrivé au mec ordinaire….j’te dis pas la trouille, tu te mets à te voir aimant les gros qu’en profitent, les macs qui foutent les femmes au turf, les terroristes qui explosent leur bagnole, le roi qui s’adoube au dictateur pour néantiser une population, le négrier qui s’enrichit au trafic d’émigrants, enfin merde la cata jusqu’aux écoles où on fait séjourner des enfants jusqu’à bac+6 pour plus savoir lire ni écrire…

Enfin quoi merde c’est Noël !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Niala-Loisobleu – 22 Décembre 2016