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LA BOÎTE A L’ÊTRE 45


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LA BOÎTE A L’ÊTRE 45

Lopin Clopan 3

 

Comme il se rappelle, ce temps  où il s’élançait dans une autre jungle, le bambou devenu rotin pour se faire lien avec le lointain, sofa de son subconscient. Les jambes relevées ont rejoint la table de l’écarté. Plus besoin de lustre, on éteint tout alentour, la voûte céleste a le bon éclairage. Elle n’a pas que la blancheur de ce sa pureté, la fleur a le don de bouger l’immobile en déplaçant des volutes de parfums  différents. Le sol s’est mis au mouvement marin. C’est vrai que le feu à tomettes embarque au-delà du froid ces amphores aux huiles que le fruit de l’olivier a confondu aux pampres des collines en un nectar divin. Nous avons donné l’hospitalité aux  tendres étreintes. L’expression corporelle sait confirmer le prononcé des paroles. Souviens-Toi, les glycines qui tombaient du dais de lit comme elles t’allaient bien au teint. Dans la palette qui avait pris place dans mes délires, des chevaux sauvages jouaient avec les flamants roses d’un étang. Un groupe de noirs taureaux venu des oliveraies d’Estremadure faisait reculer les poseurs d’embûche de la corne. Un enfant qui s’était caché sous ta robe n’a pas pu retenir son rire jusqu’à trois. On lui a donné son p’tit-frère et sa p’tite-soeur pour qu’ils jouent ensemble. Et depuis tes seins n’ont cessé de se développer. Il reste que c’est ainsi que ce que je connais le mieux de Toi, c’est ce que le monde en ignore.

Niala-Loisobleu – 29 Novembre 2017

Sentinelles de la nuit


Sentinelles de la nuit

Ce petit livre relève d’une sorte que j’aime particulièrement et qui fait le désespoir commercial des éditeurs: le fourre-tout, la compilation-macédoine, l’anthologie-salade de fruits, autrement dit les analectes, pandectes de tout et de rien qu’on appelle aussi spicilège. Soit d’après les lexicographes: « Recueil de notes, de documents, de textes. Synon. anthologie ». Évidemment on pense à Spicilège de Marcel Schwob (1896).
Ce livre posthume de Silvina Ocampo (1903-1993) relève de cet improbable catégorie littéraire aussi séduisante qu’indéfinissable. Ernesto Montequin qui en est l’ordonnateur a réuni quatre séries de fragments que l’on peut lire comme un « journal nocturne » (il semble que Silvina Ocampo fut une grande insomniaque). Le cahier central, intitulé Sentinelles de la nuit, écrit entre mai 1960 et janvier 1970 est dédié à la poétesse Alejandra Pizarnik. L’éditeur lui a adjoint deux autres séries de fragments: Inscriptions sur le sable (série composée entre 1950 et 1962) et Épigrammes (série composée entre 1980 et 1987), ainsi qu’Analectes, un choix de notes et de projets de nouvelles extraits des cahiers et des papiers de Silvina Ocampo. C’est le livre le plus personnel et le plus secret de l’écrivaine argentine dont on sait qu’elle fît de la brièveté un véritable credo littéraire. S’il me plaît tant est que, comme les livres de Marcel Schwob, il engage à réfléchir par l’imprévu du ton, l’impromptu des pensées, l’éclectisme des sujets… Il en émane un bruit de fond où l’on perçoit la rumeur inquiète qui monte  en chacun de nous.
Que trouve-t-on?
Des souvenirs d’enfance (pas toujours heureux), des ébauches de nouvelles plus ou moins travaillées (de deux à quinze lignes), les conseils d’un surmoi consolateur ou les admonestations de ce double (« mon je inaccessible » p. 115) qui se cache derrière tout « narrateur », des rêves (qui parfois livrent leur rapport énigmatique avec l’écriture), des visions nocturnes produites par l’insomnie, des prémonitions diurnes, et des questionnements, des peurs, des hantises, des phobies, des angoisses (sur la souffrance, la vieillesse, la mort)… Une citation de Kafka (sans commentaire) et de Baudelaire, quelques allusions à J. L. Borges, A. Bioy Casares, Julio Cortazar, Italo Calvino et Jules Supervielle.
D’emblée on est sous le charme de cette écriture si délicate et (sans sexisme) si féminine par son intelligence intuitive des choses de la vie. Quel art pour traduire en mots la fugacité des émotions, les mouvements les plus ténus de notre psychisme et les stratégies les plus retorses ou ridicules que nous imaginons pour faire de la vie un fleuve pas trop intranquille! Certes, il y a des éclairs et parfois de modestes scintillements. Diversité nécessaire à l’économie de la lecture: qui peut vivre sous des flashs continuels, sous d’incessants coups de canon? Il faut un peu d’ennui pour rendre la vie divertissante (p.67). Il y a donc des propos un peu obscurs, des observations triviales ou même de francs truismes… Demi-réussites qui ne rendent que plus fort le coup de fusil dans la nuit d’une pensée hors du commun. Ainsi d’une occurrence fragmentaire à l’autre naviguons-nous avec la fantaisie, l’humour caustique de Silvina Ocampo, sa fausse innocence pleine de sagacité, et surtout son acuité redoutable pour traquer les petitesses, travers, compromissions auxquels nous assujettit l’humaine condition.  
Bref, dans le choix du fragment comme arme légère pour échapper à la tyrannie du présentet du cliché, je me suis senti « chez moi ». Et c’est avec un extrême plaisir que j’ai lu ces noix d’or, les cassant et dégustant avec lenteur pour laisser retentir en moi les multiples échos que suscitent ces merveilles. Si l’on voulait à tout prix chercher les références illustres auxquelles fait penser la versatilité ocampienne, on pourrait avancer: La Rochefoucauld (morale), Antonio Porchia (métaphysique), Pessoa (nostalgie), Michaux (apophtegmes, bestiaire), Valéry (introspection).
« Mon Dieu, pardonne-moi d’avoir écrit tant de mots inutiles. J’ai juste voulu combler le silence que j’adore. » Quel écrivain ne voudrait « conclure » avec cette pépite?

Ce livre va rejoindre sur mon chevet Le livre des amis de Hugo von Hofmannsthal et quelques autres viatiques qui, tels des anges gardiens, sont prêts à me défendre des blancheurs de l’insomnie ou m’aider à boire le « Lait noir de l’aube ».

« Penser est-ce donc l’unique chose?… ce qui continuera à nous torturer, à susciter plaisir, peur ou paix. Est-ce Kafka ou Proust, est-ce Verlaine, est-ce Ronsard qui gravent ce qu’ils ont pensé en nous. Est-ce Ravel, Brahms, Schumann, Wagner qui ont laissé cette émotion? À quel moment?… Et puis tout cela pourrait aussi bien être la tortue de Biarritz, le jour de la tornade, qui fut la seule à avoir prévu le cataclysme. Elle, si lente d’habitude, traversait le jardin sans faire de halte, d’un bout à l’autre. Elle savait, prévoyante: sibylle, image du monde. » (p. 121)
Sentinelles de la nuit de Silvina Ocampo, traduit de l’espagnol (Argentine) par Anne Picard, avant-propos d’Ernesto Montequin, Editions Des Femmes Antoinette Fouque. LRSP (livre reçu en service de presse)

Signalons chez le même éditeur la parution de La Promesse de Silvina Ocampo lue par Florence Delay. Un chef-d’œuvre à écouter en CD MP3 (Texte intégral, 3h32, 22 €).

 

ENTRE TIEN EMOI 18


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ENTRE TIEN EMOI 18

 

Mettant ma pensée en écrit, je raccrochais mes paroles, la bouche encore plaine de ta langue. Ce temps qui ne songe qu’à récolter, d’un choix inébranlable je le ramenais au labour. Réflexe de cheval, labourer m’attrape comme si c’était naturel de ne pas se baser sur la pendule d’un calendrier fut-il inca, l’effet mère étant prépondérant, remettre au lent de mains m’apparaît comme un état de paresse.

J’ouvre donc la vanne de mon moulin-à–marées. Un bruit d’ailes sort du bouquet d’iris si touffu que l’herbe jaunie par le vorace été en verdit (Aïda, 1er couplet). L’héron de l’histoire surgit sur ses béquilles aussi assuré qu’un berger landais, rien à voir avec un chien-loup, bien que le mouton ne soit en rien étranger à ce que je narre. Dans ce que je raconte il y a toujours un passage où je m’en prends au lambda, suis pas chasseur, mais le con m’insupporte dès lors qu’il se montre chauve.

Patience me revoici à l’ovin…

Le fleuve en miroir à ma calandre, je fis un appel de phare. Aucune sirène ne s’avisa, en revanche je reconnus ta silhouette ma Muse, il n’y en a pas d’eux pour lui ressembler. Poussé des reins, l’arôme d’un jour digne d’espérance, pointa à me tirer le vers du né. Ma nature bucolique ne tousse pas du foin. La meule fit chambre d’hôte en rase-campagne mettant ton ventre à ma vue.

 

Hormis ton ventre, 
tout est confus. 
Hormis ton ventre, 
tout est futur 
fugace, dépassé 
stérile et trouble. 
Hormis ton ventre, 
tout est occulte. 
Hormis ton ventre, 
tout est changeant, 
tout est ultime, 
poussière sans terre. 
Hormis ton ventre, 
tout est obscur. 
Hormis ton ventre 
clair et profond.

Miguel Hernandez – (L’amour et la vie, anthologie mon sang est un chemin)

 

Aussi essoufflés que nous le chien et le cheval aussi au déboulé de la montagne, nous laissèrent sur le do du champ, reprendre la suite de la marche. Nous choisîmes, main dans la main, un nuage aux reflets roses pour embarcation, ses écailles brillaient de restes de nouvelle-lune et de Corbières, autan le dire.

Niala-Loisobleu – 18 Août 2018

BORDS DE ROUTE


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BORDS DE ROUTE

Un chevalet ballotte doucement, le tapis de l’atelier s’est avancé sur la route, la marée monte en longeant la côte. l’ô séant tiendra son erre, cap au phare d’occitan. L’heure tire le soleil au cabestan, de mes lèvres fraîches je tiens l’humide au pinceau, le caillou bat du pouls dans ma poche, lui émoi demandons à la vigie de crier la couleur en bornes déroulantes.

N-L  –  23/07/18

SI TOI AUSSI


SI TOI AUSSI

Je te laisse tout ce que tu n’as que des autres
à quoi me servirait-il de mettre ce que tu montres du doigt
j’aimerais tant t’entendre à fleurs vêtue
défaite de ce qui fait couleur de robe en noir
sans arriver à terme d’une course après l’arc-en-ciel
que tu ne sais pas par où on s’y rend par manque de lumière
ses odeurs leurs goûts je me les roule sur la langue
mieux que si avant toi j’y étais passé à table
en broutant les traces laissées par les passages sauvages des naturelles effluves
A remuer le diable combien ont un fils de dieu à la tête de leur lit
aussi cloué sur place qu’eux ?
Tout ce qui sent la solution d’apothicaire bouille du crapaud mixé serpent ballet de sorcière
Des hommes j’en ai tant vu remuer la terre
que de leur tombe est sorti un chant où la pierre en vibrant donnait l’étincelle à tisser le bleu
Que me reste-t-il hors le refus de croire que le miraculé serait le remède à la maladie d’amour
Ce qui en chemin a déchaussé dans l’ornière avait certainement de soi un défaut du lacet
je n’attends rien d’une désespérance assistée
mon âge est d’aimer sans prendre l’état civil en conte
pas plus que la norme d’un étalon plus coupé des joyeuses qu’un gardien de harem
Et alors il n’y aurait que pas d’âge pour haïr
et une file de ralentissement passé une dizaine acquise
la règle ne fait loi qu’à devoir la vivre de A jusqu’à Z
Quelque ciel posé sur ma tête qui soit je n’ai pas plus d’ombrelle que de parapluie en couvre-chef
je vais décalotté le poil au vent
embrasser à grands yeux l’ouverture de ton âme
à reconnaître
sans la vouloir dépendante de mon corps
notre Amour ne faisant plus qu’un de nous deux librement consentis
Le mystère fait partir la rencontre d’un continent à l’autre
sans dépendre de l’apport matériel exigé par un loueur de nuit de noces
Si toi aussi
tu n’as pas regardé le jour du calendrier pour choisir de partir m’aime en décalage
tu as fait le premier pas de ta dernière erreur de calcul…

Niala-Loisobleu
13 Octobre 2014

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