PAR DEVANT ET DERRIERE


PAR DEVANT ET DERRIERE

Un peu de vent, ma pensée se trempe dans le mouvement de la mer

partie

ça fait juste un an aujourd’hui

il n’y a d’arbres qu’à partir de la racine et de ponton que pour tes seins tant ils s’en balancent

on m’a dit qu’à l’époque

j’avais la main baladeuse

la cabane plantée dans le Moëze-Oléron

tempérament naturiste

tout le contraire de l’écologiste habillé comme un moulin à prières

que je me rappelle avoir tout essayé comme tu m’as dit ce matin après qu’on t’ait proposé un plan à trois chez les poêliers

Il a du genre à femmes, disait l’aînée une jouisseuse de jalousie

héritière frigide d’un père inconditionnel de partouzes

La dernière baleine que j’ai approchée remonte des profondeurs, évaporée

nous stagnons en lieu et place de marcher

le 14 Juillet ça défile

Je me plais à peindre ce que je veux sans couleurs de fausses-promesses, assurément sensible.

.

Niala-Loisobleu.

12 Juillet 2024

ROSSE DES VENTS


ROSSE DES VENTS

Derviche chenal

qui brinqueballe

le bateau de papier

sur la côte d’ô pâle

Un lisier incontrôlable

rend les jumelles opaques

devant l’étoc

en embuscade à la croisade…

Niala-Loisobleu – 20 Décembre 2021

AU COEUR DE L’ÂTRE (REPRISE)


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Au Coeur de l’Âtre (Reprise)

Dans la chambre des enfants tout est simple, et poignant. La fenêtre est ouverte. Elle bat, elle respire. L’eau de la pluie ruisselle sur les marches. Il faudrait d’autres paroles pour éponger une eau-mère si amère. D’autres musiques pour danser. Devant la fenêtre ouverte, transportée.

Jacques Dupin (Ecart)

Nous avons fatigué l’orée des bois au point de tarir le brin de sève,

les cheminées refoulent de ragots et la suie nitre le devant-soi d’efflorescences sépia

Le fruit percé sanguine entre les dents du râteau

pourtant il reste dans les reins des vertèbres qui s’opposent à l’abandon.

L’amour n’apparaît que dans de multiples contrefaçons, coeur étouffé au sein de la prothèse mammaire.

J’ai cru et bien que ne croissant plus à mon âge, je rêve toujours du m’aime bleu apparent. Stupide au milieu des petits-hommes, vaillant chevalier au chemin de la croisade enfantine. Le sac de billes au moyeu du vélo, la craie au bâton de marche, des moulins à la sortie du remous des castors. La vague humaine phosphoriphore en gilets obligatoires sur ses routes pour s’inventer un reste de présence. Pauvreté en tous domaines, le drame du bulbe pour lequel le bio n’a plus de recours.

l’imbécillité avance à grand pas vers un néo-no-bel.

Hourra les réseaux sociaux essaiment la solitude en grand-format.

Mes amours pochés  saignent sous les arcades. Le frisson se cherche au long des rues vides d’un centre-ville désaffecté. Vitrines à vendre, parcomètres volubiles et silence coupe-gorge.Refusant de mourir con, je tiens à le rester de tout mon vivant. Ainsi la bile qui ronge l’estomac ne viendra pas pisser dans mon encre. Le monde est décadent. Pas une raison pour sauter du train dans le précipice

Que la flamme vive !

Niala-Loisobleu – 6 Octobre 2017

MYSTERE DE L’INSTANT


MYSTERE DE L’INSTANT

Au carré de soie sauvage s’épaulent d’extra-terrestres visions dans lesquelles je reconnais clairement la rondeur de tes seins

Jeu plaisant de juxtaposition où rien ne s’évertue à rompre le mystère des cambrures

La musique y est à l’aise

rien ne l’étonne elle est une forme de diapason abstrait et concret qui prend chaque forme comme si ça y était

ainsi quand la trompette a ouvert le toril, l’aqueux en se rendant animal a fouetté l’air en raclant de ses sabots une réflexion mal à propos

L’âne a toujours dans son rôle une place systématique, l’homme en le jugeant sot l’a attelé aux norias. Comme si le choix n’était permis qu’avec des diplômes. Moi, j’en connais qui en en étant bardés sont d’un consternant…

A l’instant présent où les menthes vont rentrer, j’abuse du tant qui reste

Quitter la digue sur le bateau de papier ou monter dans le cerf-volant que l’enfant sort de sa trousse pour écrire

laisser le cheval à la bascule

puis enfourcher mon vélo le temps que l’équin se retrouve sauvage en horde de bataille

puisque quoi qu’il se passe

il faut se battre

je te déshabille à la courte-paille des idées reçues

ça met du soleil à l’endroit voulu

Niala-Loisobleu – 15 Septembre 2021

S’IL VOUS CLAIE ?


S’IL VOUS CLAIE ?

La paume tombée de l’arbre

s’enrhume au contact du vide

Se mêlant au jour qui fatigue l’air en bolée est à cidre

Niala-Loisobleu – 13 Septembre 2021

TABLE-EAU PAR RUSU MIRELA


TABLE-EAU PAR RUSU MIRELA

Crépuscule, versatile architecte pulsatile,
Oeuvre fenêtre!
Et tables pour les âmes en famine!

Peintre des joies, des tendresses et des ombres,
Parle! divine résonance, intime et sauvage,
Coule! des baisers, sur les ponts frémissants,
Creuse ta couchette, dans la terre brune!

Voyage!
De tes dicts,
Vague
les écumes!

Rusu Mirela

Gloria – Patti Smith


Gloria – Patti Smith

Jésus est mort pour les péchés de quelqu’un mais pas pour les miens
Jesus died for somebody’s sins but not mine

Fondre dans un pot de voleurs
Meltin’ in a pot of thieves

Wild card dans ma manche
Wild card up my sleeve

Cœur épais de pierre
Thick heart of stone

Mes péchés sont les miens
My sins my own

Ils m’appartiennent, moi
They belong to me, meLes gens disent « méfiez-vous! »
People say « beware! »

Mais je m’en fiche
But I don’t care

Les mots sont juste
The words are just

Règles et règlements pour moi, moi
Rules and regulations to me, meJe-je marche dans une pièce, tu sais que j’ai l’air si fier
I-I walk in a room, you know I look so proud

Je bouge dans cette atmosphère ici, eh bien, tout est permis
I’m movin’ in this here atmosphere, well, anything’s allowed

Et je vais à cette fête ici et je m’ennuie juste
And I go to this here party and I just get bored

Jusqu’à ce que je regarde par la fenêtre, je vois une jeune chose douce
Until I look out the window, see a sweet young thing

Humpin ‘sur le parcmètre, penché sur le parcmètre
Humpin’ on the parking meter, leanin’ on the parking meter

Oh, elle a l’air si belle, oh, elle a l’air si belle
Oh, she looks so good, oh, she looks so fine

Et j’ai ce sentiment fou et ensuite je vais ah-ah la faire mienne
And I got this crazy feeling and then I’m gonna ah-ah make her mine

Ooh je vais lui mettre mon sort
Ooh I’ll put my spell on herLa voilà
Here she comes

Marcher dans la rue
Walkin’ down the street

La voilà
Here she comes

Comin ‘par ma porte
Comin’ through my door

La voilà
Here she comes

Rampant mon escalier
Crawlin’ up my stair

La voilà
Here she comes

Valse à travers la salle
Waltzin’ through the hall

Dans une jolie robe rouge
In a pretty red dress

Et oh, elle a l’air si belle
And oh, she looks so good,

Oh, elle a l’air si bien
Oh, she looks so fine

Et j’ai ce sentiment fou que je vais ah-ah la faire mienne
And I got this crazy feeling that I’m gonna ah-ah make her mineEt puis j’entends ça frapper à ma porte
And then I hear this knockin’ on my door

Entends ça frapper à ma porte
Hear this knockin’ on my door

Et je regarde la grande horloge de la tour
And I look up into the big tower clock

Et dites: « Oh mon Dieu, il est minuit! »
And say, « oh my God here’s midnight! »

Et mon bébé passe la porte
And my baby is walkin’ through the door

S’appuyant sur mon canapé, elle me chuchote et je fais le grand saut
Leanin’ on my couch she whispers to me and I take the big plunge

Et oh, elle était si bonne et o
And oh, she was so good and o

H, elle était si bien
H, she was so fine

Et je vais dire au monde que je l’ai juste fait mienne
And I’m gonna tell the world that I just ah-ah made her mineEt j’ai dit chérie, dis-moi ton nom, elle m’a dit son nom
And I said darling, tell me your name, she told me her name

Elle m’a chuchoté, elle m’a dit son nom
She whispered to me, she told me her name

Et son nom est, et son nom est, et son nom est, et son nom est G-L-O-R-I-A
And her name is, and her name is, and her name is, and her name is G-L-O-R-I-A

G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria
G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria

G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria
G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A GloriaJ’étais au stade
I was at the stadium

Il y avait vingt mille filles qui m’ont appelé
There were twenty thousand girls called their names out to me

Marie et Ruth mais pour vous dire la vérité
Marie and Ruth but to tell you the truth

Je ne les ai pas entendus, je ne les ai pas vus
I didn’t hear them I didn’t see

Je laisse mes yeux se lever vers la grande horloge de la tour
I let my eyes rise to the big tower clock

Et j’ai entendu ces cloches sonner dans mon coeur
And I heard those bells chimin’ in my heart

Aller ding dong ding dong ding dong ding dong
Going ding dong ding dong ding dong ding dong

Ding dong ding dong ding dong ding dong
Ding dong ding dong ding dong ding dong

En comptant le temps, tu es venu dans ma chambre
Counting the time, then you came to my room

Et tu m’as chuchoté et nous avons fait le grand saut
And you whispered to me and we took the big plunge

Et oh.
And oh.

tu étais si bon, oh, tu étais si bien
you were so good, oh, you were so fine

Et je dois dire au monde que je la fais mienne, qu’elle mienne
And I gotta tell the world that I make her mine make her mine

Fais d’elle mienne fais d’elle mienne fais d’elle mienne fais d’elle mienne
Make her mine make her mine make her mine make her mineG-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria,
G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria,

G-L-O-R-I-A Gloria
G-L-O-R-I-A GloriaEt les cloches de la tour sonnent, « ding dong » elles sonnent
And the tower bells chime, « ding dong » they chime

Ils chantent: «Jésus est mort pour les péchés de quelqu’un mais pas pour les miens».
They’re singing, « Jesus died for somebody’s sins but not mine. »Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A,
Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A,

Gloria G-L-O-R-I-A, G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria
Gloria G-L-O-R-I-A, G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria

G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria,
G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria,

G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria,
G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria,

G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria.
G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria G-L-O-R-I-A Gloria

A TRAME DE LIN


A TRAME DE LIN

La première je m’en souviens des tendretés que ses maladresses nouaient

sous le regard et dans la voie de Louis-Michel elle ouvrait le silence dans le tremblement des bombardements de Noisy-le-Sec

Rugueuse comme un sac à patates et prête à contenir les germes ‘abondances comme de disettes

Je m’en souviens comme plus souvent un tirage des reins du cheval resté sauvage pour dépasser le labour en récolte

Des maisons il en est passé à pleins villages et assauts en gratte-ciel à bord de l’imaginaire révolutionnaire prompt à déplacer l’inerte

Au féminin majuscule le genre noble toujours

Les quatre coins du monde n’ont jamais pu casser mon double-anneau à Paname et Moëze-Oléron

arrivé là au jour d’huis c’est la boîte de couleur qui parle sans crécelle, une voix de papillon pour indiquer la direction à suivre debout, un saut périlleux dans la franchise de l’aveu, des couronnes aux Je Nous à l’arrivée, une niaque paradoxale qui renvoie les coups devant le tribunal de leur glace, une chanson en appendice au bas-du-ventre pour déglacer l’ô tel du Nord afin que l’amour ne passe pas du mauvais côté de l’atmosphère

Ah lin de nèfle…

Niala-Loisobleu – 24 Avril 2021

MESURE DES SEMAILLES


MESURE DES SEMAILLES

Sur l’horizon nébuleux aucun trait de croissance des semailles

Du grain que la main jette

le poisson en ligne entre en Avril

la voile attend que le vent montre sur quel do il s’accroche

Le chat se faufile entre le mur et la haie

De la plus haute branche l’oiseau a l’oeil à l’optique point d’amer solaire

attend pour construire le cap

Aucune information-radio.

Niala-Loisobleu – 1er Avril 2021

POUR GALVANSER L’URBANISME

Gêné que je suis toujours, sur les lisières d’une ville où cependant il serait pour nous d’une telle séduction de voir par exemple les beaux chiendents des steppes
friser au pied même de l’extravagante priapée des gratte-ciel, déçu par le dégradé avilissant, la visqueuse matière interstitielle des banlieues, et, sur les
plans, leurs cancéreuses auréoles, je rêve depuis peu d’une Ville qui s’ouvrît, tranchée net comme par l’outil, et pour ainsi dire saignante d’un vif sang noir
d’asphalte à toutes ses artères coupées, sur la plus grasse, la plus abandonnée, la plus secrète des campagnes bocagères. Que ne pourrait-on espérer d’une
ville, féminine entre toutes, qui consentît, sur l’autel d’une solitaire préoccupation esthétique, le sacrifice de cet embonpoint, moins pléthorique encore que
gangreneux, où s’empêtre perversement comme dans les bouffissures de l’enfance la beauté la plus mûre et la plus glorieuse d’avoir été fatiguée par les
siècles, le visage d’une grande cité. Le papillon sorti du cocon brillant des couleurs du rêve pour la plus courte, je le veux bien, la plus condamnée des existences, c’est
à peine s’il donnerait l’idée de cette fantastique vision du vaisseau de Paris prêt à larguer ses amarres pour un voyage au fond même du songe, et secouant avec la
vermine de sa coque le rémore inévitable, les câbles et les étais pourris des Servitudes Economiques. Oui, même oubliée la salle où l’on projetait l’Age d’Or,
il pourrait être spécialement agréable, terminée la représentation de quelque Vaisseau Fantôme, de poser sur le perron de l’Opéra un pied distrait et pour une
fois à peine surpris par la caresse de l’herbe fraîche, d’écouter percer derrière les orages marins du théâtre la cloche d’une vraie vache, et de ne s’étonner
que vaguement qu’une galopade rustique, commencée entre les piliers, soudain fasse rapetisser à l’infini comme par un truc de scène des coursiers échevelés sur un
océan vert prairie plus réussi que nature.

Serais-je le seul ? Je songe maintenant à ce goût panoramique du contraste, à ce choix du dépouillement dans le site où s’édifieront les constructions les plus
superflues, les plus abandonnées au luxe, palaces de skieurs, caravansérails, dancings des déserts, des Saharas, des pics à glaciers, où trouve à s’avouer avec
naïveté je ne sais quel besoin moderne d’ironie et d’érémitisme. Revient surtout me hanter cette phrase d’un poème de Rimbaud, que sans doute j’interprète si mal
— à ma manière : « Ce soir, à Circeto des hautes glaces… » J’imagine, dans un décor capable à lui seul de proscrire toute idée simplement
galante, ce rendez-vous solennel et sans lendemain. Au-dessus de vallées plus abruptes, plus profondes, plus noires que la nuit polaire, de culmina-tions énormes de montagnes
serrées dans la nuit épaule contre épaule sous leur pèlerine de forêts — comme dans la « pyramide humaine » au-dessus des nuques de jeunes Atlas raidis
par l’effort une gracieuse apparition, bras étendus, semble s’envoler sur la pointe d’un seul pied, — ou plus encore comme à là lueur du jour la céleste Visitation des
neiges éternelles, leur attouchement à chaque cime de gloire dans une lumière de Pentecôte, — l’œil dressé sous un angle impossible perçoit en plein
ciel d’hiver nocturne des phares tournoyants dans les sarabandes de la neige, de splendides et longues voitures glissant sans bruit le long des avenues balayées, où parfois un glacier
dénude familièrement la blancheur incongrue d’une épaule énorme — et toutes pleines de jouets somptueux, d’enfants calmes, de profondes fourrures, et se hâtant
tout au long des interminables et nobles façades des palais d’hiver vers la Noël mystérieuse et nostalgique de cette capitale des glaces.

Le souvenir charmant que j’ai gardé de cette ville où les feux de bengale roses éclataient dans les collines de neige, où la jeunesse dorée des quartiers riches, à
minuit, s’amusait à jeter dans les précipices qui ceinturent ce belvédère de glace des torches enflammées qui rapetissaient mollement, régulièrement, dans la
transparence noire, jusqu’à ce que, le souffle coupé par une nausée vague, on relevât les yeux vers la nuit piquetée d’étoiles froides, et qu’on sentît la
planète pivoter sur cette extrême pointe. Devant le perron du casino, deux avenues immaculées, escarpées, majestueuses, entrecroisaient une courbe à double
évolution; lancées comme dans un toboggan, moteur calé, des voitures en ramenaient, vers les jolies banlieues verticales, les derniers fêtards sur le rythme doux des
aérolithes, la lumière électrique, si pauvre toujours et si grelottante sur les rues blanches, je l’ai vue s’enrichir de sous-entendus d’au-delà, de magnifiques points
d’orgue à chaque pli de la neige, plus suspecte et plus que les plaines de toutes les Russies lourde, pouvait-on croire, de cadavres de contrebande sous cet éclairage
pestilentiel.

Mais, à quatre heures du matin, dans l’air glacé, les immenses avenues vides sous leurs lumières clignotantes ! Une brume vague montait des abîmes, et, complice de la
somnolence du froid extrême, mêlait les étoiles aux lumières infimes de la vallée. Accoudé à un parapet de pierre, l’œil aux gouffres frais et nuageux,
humides au matin comme une bouche, ma rêverie enfin prenait un sens. Sur les kilomètres vertigineux de ces avenues démesurées, on n’entendait plus que le bruissement des
lampes à arc et les craquements secs des glaciers tout proches, comme une bête qui secoue sa chaîne dans la nuit. Parfois, au bout d’une perspective, un ivrogne enjambait la
rampe d’un boulevard extérieur comme un bastingage.

Villes ! — trop mollement situées !

Et pourtant, des villes réelles, une me toucherait encore jusqu’à l’exaltation : je veux parler de Saint-Nazaire. Sur une terre basse, balayée devant par la mer, minée
derrière par les marais, elle n’est guère, — jetées sur ce gazon ras qui fait valoir comme le poil lustré d’une bête la membrure vigoureuse des côtes
bretonnes, — qu’un troupeau de maisons blanches et grises, maladroitement semées comme des moutons sur la lande, mais plus denses au centre, et comme agglutinées par la peur des
grands coups de vent de mer. Assez tragique est l’abord de cette ville, que je me suis toujours imaginée mal ancrée au sol, prête à céder à je ne sais quelle
dérive sournoise. Des boqueteaux de grues géantes aux bras horizontaux se lèvent comme des pinèdes pardessus les berges boueuses, en migration perpétuelle, de ce grand
fleuve gris du nord appelant comme une rédemption la blancheur des cygnes de légende qu’est devenue dans un mélancolique avatar final la rivière lumineuse et molle de la
Touraine.

Par la vitre du wagon, on songe aussi, pris dans le champ d’un périscope, au camp d’atterrissage des géants martiens à tripodes de Wells.

Je lui dus, par un bel été, la surprise d’une de ces poétiques collusions, de ces drôles d’idées qui naissent parfois aux choses et laissent soudain interdite la pire
fantaisie. Pardessus les toits de ses maisons basses, la ville, en moquerie profonde, je pense, de ses dérisoires attaches terrestres, avait hissé en guise de nef de sa
cathédrale absente — haute de trente mètres et visible mieux que les clochers de Chartres à dix lieues à la ronde, la coque énorme entre ses tins du paquebot
« Normandie ». Ville glissant de partout à la mer comme sa voguante cathédrale de tôle, ville où je me suis senti le plus parfaitement, sur le vague boulevard de
brumes qui domine le large, entre les belles géographies sur l’asphalte d’une averse matinale et tôt séchée, dériver comme la gabare sans mâts du poète sous
son doux ciel aventureux.

Mais ce Saint-Nazaire que je rêve du fond de ma chambre existe-t-il encore ? Lui et tant d’autres. Villes impossibles comme celles que bâtit l’opium, aux lisses façades
glaciales, aux pavés muets, aux frontons perdus dans les nuages, villes de Quincey et de Baudelaire, Broadways du rêve aux vertigineuses tranchées de granit — villes
hypnotisées de Chirico — bâties par la harpe d’Amphion, détruites par la trompette de Jéricho — de tout temps ne fut-il pas inscrit dans la plus touchante des
fables que vos pierres, suspendues aux cordes de la lyre, n’attendaient jamais, pour se mettre en mouvement, que les plus fragiles inspirations de la poésie. C’est à ce mythe qui fait
dépendre, avec combien de lucidité, du souffle le plus pur de l’esprit la remise en question des sujétions les plus accablantes de la pesanteur que je voudrais confier les
secrets espoirs que je continue à nourrir de n’être pas éternellement prisonnier de telle sordide rue de boutiques qu’il m’est donné (!) par exemple d’habiter en ce
moment.

Pourquoi ne m’accrocherais-je pas à de telles pensées pour me donner le cœur de sourire parfois de leurs villes de pierres et de briques ? Libre à eux de croire s’y loger.
Le diable après tout n’y perd rien et, tout boiteux qu’il est, paraît-il, comme la justice, n’aura jamais fini d’en faire sauter les toits.

Julien Gracq

CRIBLE


René Char

CRIBLE

Plus il comprend, plus il souffre. Plus il sait, plus il est déchiré. Mais sa lucidité est à la mesure de son chagrin et sa ténacité à celle de son
désespoir.

Le désir ne sème ni ne moissonne, ne succède qu’à lui et n’appartient qu’à lui. Il se désigne cependant comme le créancier absolu.

Jeunes, à la minute, vous seuls savez dire la vérité, en dessiner l’initial, l’imprévoyant sourire.

On ne contourne pas, on passe. On croit passer, on touche au terme. L’étendue de futur dont le cœur s’entourait s’est repliée.

Un murmure d’amour, un murmure de haine. Il ne se dérobait pas, s’enfonçant dans le dédale et l’invisibilité d’une âpre pauvreté, d’un secret martial, pour ne plus
les entendre.

Paresseusement s’effaçait de la corniche du toit la fable d’enfance de l’hirondelle successive.

René Char