
Ah Ernesto
Quelle heure est-il et quel âge a le monde?
Qu’aura-t-on sauvé de nos haletantes nudités?
Je t’attends au caniveau à peine immergé
de l’océan
Nos vies juxtaposées
La beauté dedans!


Sur la Chaume je vois le tilleul en appeler à la rivière. Bois flotté, nos troncs n’ont rien ôtés de nos jambes. Quelques pierres s’étirent sur les murs, dans leurs yeux sont entrés des fossiles pour mémoire. La première fois qu’un homme a découvert la différence entre les deux genres il a su comment et pourquoi c’était faire. Le savoir de base se passe des écoles, la petite tortue en pointant l’oeil hors de l’oeuf met toute ses forces dans la nage où l’attend la mer. L’absence a été définie à contresens pour laisser aux pauvres d’esprit la réduction au tout paraître. La toile va recevoir la caresse et la fureur de mes mains, seul aux yeux du passant, je ne peux être vraiment plus avec toi dans chacun de mes gestes qui nous écrivent…
Niala-Loisobleu – 7 Avril 2020

Il pleut, te parlant j’embrasse le soleil autre. L’enfant se lève; marche jusqu’au tableau et y entre de front. Il est mon intention plus secrète qu’un acte qui ne se dit pas, qui traverse sans tourner la tête. L’acte accompli, pénétrant.
L’autre bout n’est plus, les rangs de chaises à l’attente sont devenus un seul banc. Cette île au milieu du large, estuaire à combler nos regards.
Niala-Loisobleu – 6 Avril 2020

La taille imposante du Mékong est présente
Marguerite ouverte
un seul delta pour gîte
l’enfant possédera la blancheur de l’oiseau défiant la boue
l’air se veut léger dans la lourdeur climatique
Il manquait de dire sur son genre la double appartenance que nous lui léguons
tiens-le comme il te le rendra
une seule ficelle ventre à ventre cerf-volant
j’actionne vos pouls au rythme des aubes d’où jaillissent d’infinies sécrétions
les fleurs bleues d’un lin tressent la toile
Niala-Loisobleu – 1er Avril 2020

Inversement à la suite d’un côté à l’autre
sautillement des yeux
saute-mouton au devant des horizons de fenêtre
je te suis au pied du lit
lirette et tapis-volant
flairant ton chien de fusil personnel
à la trace
aussi bien quand tu fais des nouilles
que discutant en pas rangs d’élèves
Tes seins, le chevalet, ta main qui tape dans ma main
les toiles du Gardeur de troupeaux, des maisons dans l’espace, l’élevage du toro, le chien-assis, le chien debout, le chien courant, le chien aboyant, un coq aussi, des volées de cloches, rappelles-toi Barbara, enfin Brest il pleuvait ce jour-là et pour mémoire des meuhs et des trains à quai dans la gare
Hommenibus je m’arrête à toutes tes stations sans porter la croix
Le cheval fait son tour à vélo, il a toujours ton caillou dans la poche…
Niala-Loisobleu – 25 Mars 2020

Dans l’obscure informatique où je navigue
le lien fort m’attrape la chair à la transpirer
toute migraine éradiquée
Déjà que j’aime pas les saints qui se tiennent en gisants droits
qu’on en voit que la fausse pierre
te dépêchant un tatouage avant que tu aies commencé à te recueillir
la pression de ma roue de maison cherche le frôlement de l’herbe
a veut pas de gonflable synthétique
Garde ta fenêtre ouverte
que mon âne vienne épandre
avec Ernesto
le savoir-vivre cancre et sans-culotte
J’ai une brassée de Marguerite dans le delta…
Niala-Loisobleu – 25 Février 2020

Mon monde peinture
voyage
l’hirondelle dans les yeux
La pagode à la voile sans pans
torche d’encens la main de Boudha
allongé au pied des rizières
Le rire des femmes clapote contre le bain des hommes
offrandes sur la route
l’effigie au flanc de montagne garde en vie
Au fond du volcan le soufre ampute l’épaule des jambes
pourquoi ce visage de beauté, pétale de lotus devrait céder à la burka
le jardin flottant pousse les plantes du pied du pécheur dans un défilé de bonzes oranges
Théâtre corporatif des quartiers d’HanoÏ
les ficelles des chevaux de marionnettes tirent Mandalay du repos
Asie vallée des temples, ibis en robes blanches Marguerite aimée à la folie.
Niala-Loisobleu – 25/09/19
Quand Marguerite Duras publie L’Amant, elle a déjà écrit l’essentiel de son œuvre – et a, depuis longtemps, un cercle de lecteurs fidèles, mais elle est inconnue du grand public. Le livre est édité à 25000 exemplaires, il fait événement : le 5 septembre, deux jours après sa mise en vente, les éditions de Minuit doivent procéder à une réimpression ! 100 000 exemplaires sont vendus en quatre semaines. En quelques mois, le livre est traduit en 25 langues. En novembre, les jurés Goncourt le couronnent. Il sera vendu à 3 millions d’exemplaires.
En 1950, déjà, dans Un barrage contre le Pacifique, Marguerite Duras écrit sur sa relation à sa mère – qui a perdu la raison après que l’administration coloniale corrompue lui a vendu, au bord du golfe de Siam, au sud du Cambodge, des terres stériles, systématiquement brûlées par le sel avant la récolte. Duras y raconte la folle entreprise de sa mère, son impossible combat contre les marées, pour établir un barrage protégeant ses rizières, avec l’espoir de sauver des eaux sa concession, ainsi que les terres des paysans cambodgiens, ses voisins[1].
Marguerite Duras, née en 1914 à Saigon, a quitté l’Indochine une première fois en 1931, une deuxième fois en 1933, pour ne plus y retourner. L’enfance, l’adolescence indochinoises sont la matrice d’une œuvre habitée par des lieux, des thèmes et des figures – la terre natale, la colonie, la mère, le petit frère aimé, l’amant. L’acte d’écrire est, pour Marguerite Duras, indissociable de la vie : ce n’est pas l’œuvre qui est le reflet de l’expérience vécue, mais c’est la vie même qui est modelée par l’écriture. Une écriture qu’elle travaille jusqu’à inventer une langue nouvelle, transposant dans l’écrit le rythme de la parole. L’écriture, un lieu où vivre, pour une femme qui n’est jamais revenue sur les lieux de son enfance.
[1] Les barrages contre le Pacifique ont été édifiés quelque 80 ans après que Marie Donnadieu les ait rêvés : 10 ans d’efforts concertés de la part d’ONG françaises, des pouvoirs publics cambodgiens et de l’Agence Française de Développement – qui a investi 11 millions d’euros – ont été nécessaires pour mettre en place dans le Sud Cambodge, un ensemble de digues et de canaux, qui permet de bloquer l’eau salée lors des hautes marées. 10 000 hectares de polders convertis en rizières, gérés pas les villageois, nourrissent 8000 familles tout en leur assurant un revenu complémentaire : un modèle de développement durable.

Il y a les fruits de l’arbre
des rondeurs de tuile
le mouvement du rideau matinal
des fleurs fraîches prises dans le potager
les flacons des odeurs prises au déroulement des heures
et puis le lieu de notre maison lacustre
perché tout en haut d’un arbre flottant
rappelle-toi le lac Inlé
l’idée du plan est venue de lui
comme la blancheur des murs a trouvé dans les ibis du Mékong matière à suivre
Marguerite
J’aime cette virginité poursuivie en matière de concept
nous en arrivons à marcher sur l’eau en étant mécréants
portant le sacré pour tout vêtement
tes mots et ma peinture dépouillés d’emphase un peu comme on apprend avec des bâtons à trouver la clef.
Niala-Loisobleu – 5 Septembre 2019

Prenez votre sinche avant d’aller aux vignes rappela la cagouille, c’est un jour qui mouille.
La rue que seulement les coulures de dalles habitent, a recours a ses néons racoleurs pour se faire du monde. Les caisses du supermarché ne sont pas toutes ouvertes. On circule sans embouteillages dans les allées. Des caniveaux me reviennent les campagnes de pêche de ma jeunesse. A un point qu’en vérité je me sens moins vieux qu’un râtisseur de curiosité qui n’est plus intéressé que par son smarphone. Dans le écoles les élèves reniflent la fin des cours, un bac pour les vacances ferait leur affaire. Je sors et trouve Ernesto assis les deux pieds dans les flaques. Lancé dans un combat naval impitoyable contre son prof de robinets. Le petit génie est le seul soleil des temps de pluie qui tiennent. Ma parole faut voit la baffe qu’il tient prête pour les parents d’élèves. Avec sa copine Marguerite ils n’ont pas à refaire le monde, ils sont de l’autre. La couleur dont ils se nourrissent leur pétale l’âme arc-en-ciel .
La baie se profile dans son costume de peau
Le grand tilleul, une sorte d’arbre à soi pour les nuits blanches, abrite les derniers oiseaux de la Chaume.
Des mareyeurs au matin sortant d’un endroit que je nommerai pas voyaient clairs malgré leurs cernes sous les yeux. Dans le vide de la criée les premières moules quittaient les bouchots. J’entendis le livre se relire une dernière page, au moment où la bouilloire siffla le départ. L’abri de la remise à outils avait du temps devant lui avant d’ouvrir. Ernesto s’approcha dans une partie des Jeux d’eaux, sa baguette magique croustillante en main. J’entrevis ton oeil qui se baladait au bout des tiges de coquelicots. Comme la table du jardin était sortie je t’ai cueilli pour me faire un bouquet.
J’ai cru longtemps qu’il suffisait de toucher
le bois d’une table pour marcher avec la forêt,
de caresser le galbe d’une statue pour donner
un corps tout neuf à l’amour, de croquer
un fruit vert pour que s’ouvre à nouveau
le jardin de l’enfance et que la mer appareille
qui était blanche comme tout ce qui endure
sans parler le feu des longs désirs,
j’ignorais
que là où l’enfant peut entrer de plain-pied
un mur se dresse que le temps a bâti
avec nos coeurs aveugles, avides, nos belles
promesses, nos serments de papier,
et c’est celui-là même où nos rêves se brisent
que tu défais, poète, pierre après pierre,
avec des mots de rien, des mots de peu
que les pluies ont lavés, les silences taillés
comme un diamant dans la lumière des jours.
Guy Goffette
Je pris la main d’Ernesto, l’emmenai chez-moi, lui promettant que plus jamais il n’irait à l’école.
Niala-Loisobleu – 05/06/19
Voici le vingt-quatrième de cette nouvelle Epoque 2019 avec Barbara Auzou.
C’est un travail à quatre mains , merci d’en tenir compte dans vos commentaires.

Acrylyque s/toile 100×73
Collection privée.
Un jour vous saurez
Ce bonheur venu d’un seul coup
Comme un froissement d’oiseau
Manger à ma blessure
Vous saurez l’amour creusé jusqu’à l’eau
Sur la douceur déçue
Et sur la raison des lèvres
L’érosion de l’injure
Je vous dirai l’enfant dans l’irritation
De poussière partie sur le chemin de l’intention
Accomplir ce meurtre d’elle
Sauvage et simple comme une naissance
Au cœur de la marguerite rebelle
Puisse l’orange douce de vos yeux
Voir un jour l’éclosion
Du rêve imprudent et nécessaire
Comme l’est tout rêve d’enfant
Et le train de l’écrit passé par mon corps de mère
Vers une seule gare demeurer
Votre solaire événement
Barbara Auzou.
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