La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
L’eau cette glace non posée Cet immeuble cette mouvance Cette procédure mouillée Nous fait prisonnier sa cadence Nous dit de rester dans le clan A mâchonner les reverdures Sous les neiges de ce printemps A faire au froid bonne mesure
Cette matière nous parlant Ce silence troué de formes Et ces marins nous appelant Nos pas que le sable déforme Cette cruelle exhalaison Qui monte des nuits de l’enfance Quand on respire à reculons Une goulée de souvenance
Vers le vertige des suspects Sous la question qui les hasarde Vers le monde des muselés De la bouche et des mains cafardes Nous prierons Dieu quand Dieu priera Et nous coucherons sa compagne Sur nos grabats d’où chantera La chanterelle de nos pagnes
Mais Dieu ne fait pas le détail Il ne prête qu’à ses lumières Au renouvellement du bail Nous lui parlerons de son père Du fils de l’homme et du destin Quand nous descendrons sur la grève Et que dans la mer de satin Luiront les lèvres de nos rêves
Nous irons sonner la Raison A la colle de prétentaine Réveille-toi pour la saison C’est la Folie qui se ramène A bientôt Raison à bientôt Ici quelquefois tu nous manques Si tu armais tous nos bateaux Nous serions ta Folie de planque
On danse ce soir sur le quai Une rumba pas très cubaine Ça n’est plus Messieurs les Anglais Qui tirent leurs coups Capitaine ! On a Jésus dans nos cirés Son tabernacle sous nos châles Pour quand s’en viendront se mouiller Vos torpilleurs sous nos bengales
Et ces maisons gantées de vent Avec leur fichu de tempête Quand la vague leur ressemblant Met du champagne sur nos têtes Ces toits leurs tuiles et nous et toi Cette raison de nous survivre Entends le bruit qui vient d’en bas C’est la mer qui ferme son livre…
Ces oiseaux que tu portes en toi depuis septembre Cette pâleur jalouse où tu mets tes pensées Ce ventre qui te prend comme un enfant de cendre Ces souvenirs gâchés qui t’ont pris tes années
Regarde cette église au bout de l’habitude Regarde ce dessin de Rembrandt dans la nuit Regarde cette femme en allée vers le Sud Regarde ce printemps et son sourire appris
Ces parfums qui t’assaillent et qui te désapprennent Ces routes perforées dans ton programmateur Ce silence ordonné dans ton coeur qui se traîne Cette mort de l’oubli comme venue d’ailleurs
Écoute l’horizon dans les bras d’une femme Écoute la seconde éternelle qui tue Écoute la lueur qui regarde ton âme Écoute l’analyse et prends–toi par la rue
Ces chiens partis ailleurs dans ton enfance double Cet horizon doublé par tes pensées de chien Ce hasard muselé dans ta télévitrouble Ce linge larmoyant où sèchent tes chagrins
Goûte cette Raison qui se prend pour ta tête Goûte dans la Folie ta tête de Raison Goûte cette chanson qui s’en va dans la fête Goûte le flot rendu sur la plage des cons
Ce personnage ancien que tu vois dans ta fille Ce monde incalculé que tu mets dans ton lit Cette môme impudique au creux de ta bastille Ce sexe inconsolé qui part de tes habits
Caresse les idées qui mouillent sous l’orage Caresse l’invendu comme un aspect du mal Caresse la couleur comme la fleur de l’âge Caresse l’imagination qui va au bal
Ces femmes comme un goût d’étoiles en allées Ces hommes comme un ciel immaculé d’étoiles Cette matière inquiète à des milliards d’années Cette technologie qui s’en va faire sa malle
Entends le chant blessé qui monte des outrages Entends le synonyme où se croit la vertu Entends le vice inquiet quand tu tournes la page Entends Dieu qui se touche au Paradis Perdu
Ce New York entassé sur ton livre d’histoires Ces gens qui parlent nègre comme dans un trou noir Ces quartiers où l’amour en feux rouges se pare Ces feux qui blancs ou verts interrogent le soir
Prends ta tire et te tire au fronton de l’abîme Prends le virage au flan et pan dans le destin Prends l’avion déséquilibré comme ta rime Prends ta rime et fous–lui tes mecs dans son jardin
Cette valise où meurt l’imaginaire carte Ces routes que tu mets dans leur ordinateur Cette odeur de goudron caillé sur la pancarte Ce sang qui n’a plus rien qu’un oiseau du malheur
Remplis ton terme bref et va–t’en sous la terre Remplis le verre ami d’un vin plutôt copain Remplis le ventre indicateur et sa Lumière Remplis ton seul devoir et prends–moi par la main
Cet enfant comme un arbre insouciant de la bûche Ce rythme de la vie où percutent des poings Cet amoncellement de reines dans la ruche Ce mois de Mai présent comme demain matin
Chante les lendemains comme sur l’Atlantique Chante la mer en allée au bout de son savoir Chante le désespoir cet enfant de panique Chante ta vie perdue où grogne le hasard
Ce crépuscule où meurt une idée de paresse Ce soleil de l’année au vin de l’assassin Ce miroir où se perdent ta gueule et ta tendresse Cet enfer que tu prends au café le matin
Vois les matins perdus au seuil de l’ineffable Vois les trains excités au bout de mc2 Vois le quartz de ta montre et les dunes de sable Vois la terre emportée dans l’immobile bleu
Cette ville parée où mouillent tes galères Cet alcool dans la gueule inquiète qui te maque Ces univers tassés dans ton corps de misère Ces luttes intestines où traîne ton zodiaque
Mets ta voile à l’envers sur ce monde qui tombe Mets la Folie en vergue et la Raison au pot Mets la tranche du fruit sous l’arbre qui succombe Mets du sel dans la merde et de l’or sur tes mots
TU POURRAS EN MANGER TU SAURAS EN PARLER SOIS HEUREUX!
Variations
Cet oiseau que tu portes en toi depuis septembre Alors que la forêt d’automne s’ébrouait S’en va dans la mémoire incrédule des cendres Et toi tu t’en allais dormir où tu pouvais
Cette pâleur jalouse où tu mets tes pensées Se casse doucement dans les flaques techniques De ces feux de la rue dans le vert des idées Où coule la raison comme de la musique
Ce ventre qui te prend comme un enfant de cendre Comme une cendre amie saupoudre le tombeau Où meurt et puis renaît ta maman de septembre La même que l’oiseau qui te voyait de haut
Ces souvenirs gâchés qui t’ont pris tes années En fuite dans l’oubli comme un avion de rêve Qui passe et qui repasse et qui veut s’en aller Et qui ne part jamais et jamais ne se lève
Regarde cette église au bout de l’habitude Et qui dresse sa pierre au–delà des passions Portant vers l’horizon la seule lassitude Que l’ombre invente alors au creux de ta chanson
Regarde ce dessin de Rembrandt dans la nuit Ces arbres désolés où fleurit l’incroyable Dans les mains de l’Artiste un peu comme l’ennui Qui s’invente à tes yeux comme la dune au sable
Regarde cette femme en allée vers le Sud Alors que tu la crois dans les chagrins des rues Alors que traversant ses clous de solitude Un mec te la chourave et se la fourgue nue
Regarde ce printemps et son sourire appris Quand les coquelicots font du gringue aux parures Que la femme secrète accroche dans la nuit À cette fleur cachée et qui rougit d’allure
Ces parfums qui t’assaillent et qui te désapprennent Ton odeur que tu vaincs au point de la cueillir Au bout d’une pochette où tes larmes reviennent Comme la mer revient chaque soir se sentir
Ces routes perforées dans ton programmateur Prends–les comme un enfant qui prend ses bateaux blêmes Et qui sait que jamais n’arrivera d’ailleurs Un navire incroyable en son bassin de thème
Ce silence ordonné dans ton coeur qui se traîne Frappe–le quelquefois comme on frappe un marlou Qui buvant son pernod ne connaît pas Verlaine Qui frappant son destin n’en connaît pas le bout
Cette mort de l’oubli comme venue d’ailleurs Oublie–la à son tour comme on oublie la veille Les matins reconquis sous l’arche du bonheur Et ferme donc leur gueule aux souvenirs qui veillent
Écoute l’horizon dans les bras d’une femme Lorsque de son triangle isocèle il te vient Le goût de l’univers et que fouillant son âme Une équation de la marée te fait du bien
Écoute la seconde éternelle qui tue Cette mort qui n’en finit plus de sa merveille Et pourtant le chagrin au–delà de son cul Entends le chant gluant dégoulinant de sa treille
Écoute la lueur qui regarde ton âme Tu l’intéresses à tout propos tu vois des fleurs Descendre de ce rien qui te tient et t’entame Alors que l’ange noir là–bas jouit des pleurs
Écoute l’analyse et prends–toi par la rue Les chiffres des passants s’additionnent incroyables Et puis tu crois quoi donc? dans ces calculs têtus Sinon des verbes sots activant les minables
Ces chiens partis ailleurs dans ton enfance double Ce tambour où battant ton silence éloquent Tu t’apprenais à faire la paix avec ton double Toi jouant tes paquets de rêve dans le vent
Cet horizon doublé par tes pensées de chien Tu grognais lorsque l’os passait dans la vitrine Et la vitrine te voyant passer n’avait plus rien Qu’une secrète envie de nous solder ta mine
Ce hasard muselé dans ta télévitrouble Attend la ligne obscène où le Pouvoir jouit Le western attitré quand ton bouton le double Emballe tes chevaux de ce soir à minuit
Ce linge larmoyant où sèchent tes chagrins Quand tu l’agites au bout du quai des connivences Depuis ta destinée voit d’électriques mains Qui lui répondent et c’est le train de la démence
Goûte cette Raison qui se prend pour ta tête Et vomis ses bienfaits rends–lui son appétit Prends l’ortie anarchiste et ce sera la fête Dans les champs germera le pain de la Folie
Goûte dans la Folie ta tête de Raison Et l’amour encodé traînera dans tes veines Un peu de son courant branché sur la passion Que tu prendras quand l’anarchie te met en scène
Goûte cette chanson qui s’en va dans la fête Et qui retourne enfin à l’heure du jasmin Qui sort de ce trou noir où tu plongeais ta tête En avalant toutes les fleurs de Son jardin
Goûte le flot rendu sur la plage des cons Avant que le jusant ne te montre les traces De ces amants qui sont passés dans la chanson Le sable des amants n’est qu’un hôtel de passe
Ce personnage ancien que tu vois dans ta fille C’est un peu de cet univers embarrassant Qui ne sait plus attendre et qui refait la ville Avec les mêmes têtes un peu se ressemblant
Ce monde incalculé que tu mets dans ton lit C’est un peu de ce carnaval qui recommence Mets des masques partout petit je te le dis Partout tu trouveras la pâleur de l’absence
Cette môme impudique au creux de ta bastille Et qui va dans la cave orale si tu veux Boire de ce venin qu’en sanglotent les filles Comme des pleurs rentrés dedans quand ça va mieux
Ce sexe inconsolé qui part de tes habits Et qui court dans le sang d’une femme infidèle Que tu ne verras pas que tu prends dans la nuit Comme si tu prenais un putain pucelle
Caresse les idées qui mouillent sous l’orage Car elles sont à toi toutes prêtes et va–t’en T’enfiler leur avènement comme à l’ouvrage La brodeuse à l’aiguille enfile ses amants
Caresse l’invendu comme un aspect du mal Il brille dans la nuit dans la rue convertible En un passage louche et doux comme le pal Que la vitrine invente à tes yeux accessibles
Caresse la couleur comme la fleur de l’âge Noire comme l’amour rouge comme l’espoir Invente–lui des traits à ton feutre sauvage Pardonne son chagrin quand elle plie le soir
Caresse l’imagination qui va au bal Donne–lui des enfants pétris dans ton regard Dis–lui de bien serrer l’imaginaire étal Où luisent le futur informe et le hasard
Ces femmes comme un goût d’étoiles en allées Il est temps de les rallumer et de les prendre Comme on prend la lumière où luisent les années À des millions de femmes–années pour les surprendre
Ces hommes comme un ciel immaculé d’étoiles Donne–leur la lumière noire de là–bas Ils s’en feront des collants doux et puis des voiles À se prendre pour des marins d’outre–trépas
Cette matière inquiète à des milliards d’années Prends–lui son agenda toi marchand dans le vide De cette dérision mathématique allée Vers Dieu ma foi et qu’elle dise enfin ses rides
Cette technologie qui s’en va faire sa malle Qu’elle s’en aille enfin sous l’oeil niais de l’azur Portant haut sa grammaire et ses chiffres où s’étale Sa haine de plastique à te voir faire le mur
Entends le chant blessé qui monte des outrages Ça crie comme un discogueulasse et ça va loin Ces couples dans le sang d’une nuit de passage Où dégouline un cygne de Lédamachin
Entends le synonyme où se croit la vertu La pudeur aux bas noirs que retiennent des songes L’austérité en plein visage qui n’est plus Qu’un chaste souvenir dans les bras du mensonge
Entends le vice inquiet quand tu tournes la page Il a peur d’être seul sans toi il n’est plus rien Il se corrompt de n’être plus sur ton visage Ton miroir sans le vice est un miroir sans tain
Entends Dieu qui se touche au Paradis Perdu Et le retrouve enfin au bout de la cadence Quand il jouit et que la forêt s’évertue À bien s’enraciner son foutre de jouvence
Ce New York entassé sur ton livre d’histoires Et ses échasse de béton pour mieux rêver Il est six heures ici et six heures en dollars L’heure s’est arrêtée pour mieux te déguster
Ces gens qui parlent nègre comme dans un trou noir Ces enfants qui ok font l’amour en Presley Ce rock qui tant et tant me rocke me fait voir Une statue levant la main du mois de Mai
Ces quartiers où l’amour en feux rouges se pare Défense d’entrer là mon vieux c’est pas ton job Cette fille que je prenais devant la gare Et qui n’en savait rien c’est ça mon côté snob
Ces feux qui blancs ou verts interrogent le soir Comme chez la voyante et qui sont de quel signe? Cette odeur tiède qui monte de ton trou noir Lorsque ma main branchée on se fout de ses lignes
Prends ta tire et te tire au fronton de l’abîme Avec les chants perdus de l’ancienne pampa Invente des chevaux qui mangeront tes rimes La métaphore de l’avoine les vaincra
Prends le virage au flan et pan dans le destin Sur le goudron de l’autoroute il y a la Perse Sous les pavés de soixante–huit il n’y a plus rien Qu’un slogan tout mouillé des larmes que tu verses
Prends l’avion déséquilibré comme ta rime Mets–lui les réacteurs de ta grammaire aux chiens Ton JE devient mon os mon avoir c’est la dîme Que je touche à tes yeux quand tu m’écoutes bien
Prends ta rime et fous–lui tes mecs dans son jardin Ils pourront te la mettre en prose ou au champagne Ça dépendra de ton talent ou bien de rien Ce rien qui fait rêver les filles sous leur pagne
Cette valise où meurt l’imaginaire carte Toi transi dans l’attente en bas de tes clients Ouvre–la de tes doigts sur ta machine en carte Et qui travaille au noir sur tes pages de vent
Ces routes que tu mets dans leur ordinateur Elles t’ordonnent enfin de montrer ta frimousse Au style de ce temps qu’on dit de la terreur Il y a dans ton jardin des grenades qui poussent
Cette odeur de goudron caillé sur la pancarte Ça t’apprendra à conjuguer au temps précis Je pars et puis je t’aime et quand la Mort s’écarte De ta route tu bois son sexe et lui souris
Ce sang qui n’a plus rien qu’un oiseau du malheur Au bar de l’infortune il y a des rapaces Dans ce bistrot de mort le kir ça marche aux pleurs Quant au cassis on s’arrange avec la couleur
Remplis ton terme bref et va–t’en sous la terre Faire des vers enfin qui mangeront pour toi Je meurs de cette idée et ne peux rien y faire Que de te mettre la Vérité sous les doigts
Remplis le verre ami d’un vin plutôt copain Dans sa gorge apéro plante–lui un orchestre Et Parsifal au beau milieu avec des reins À planter en cadeau des comètes terrestres
Remplis le ventre indicateur et sa Lumière Et ta maman saura te voir de son palais Où remplissant sa mort aux mieux de tes manières Elle pourra te dire enfin ce que tu sais
Remplis ton seul devoir et prends–moi par la main Qui donc es–tu ange gardien de la rescousse? Ils viendront doucement te compter les jardins Te couper l’herbe en plus pour ne pas que tu pousses
Cet enfant comme un arbre insouciant de la bûche Que sait–il de ce crépuscule embarrassé Qui tend l’épaule et que l’oiseau de nuit trébuche Alors sur une idée qu’il ne peut dépasser?
Ce rythme de la vie où percutent des poings Ton coeur à cent quarante où coule l’avant–scène Et l’heure à la télévicon qui bat des mains Il est six heures ici Saturne se promène
Cet amoncellement de reines dans la ruche Où la banlieue tient lieu de pollen samedi Entre deux escaliers accrochée aux merluches Qui coulent de l’enfer le cul au paradis
Ce mois de Mai présent comme demain matin Rentre dedans sa veine et fais–lui le sang blême Coule–lui ta vertu sous ses pavés de rien Qui se prennent pour l’Architecture soi–même
Chante les lendemains comme sur l’Atlantique Dans les creux pour le vent qui sera le signal De cette fin du monde enfin où la musique Passera comme l’aspirine sur le mal
Chante la mer en allée au bout de son savoir Toi le bateau pensant coulant de latitude Est–ce moi qui t’amuse au point de ne plus voir Qu’un sextant de misère au bout de mes études?
Chante le désespoir cet enfant de panique Habillé de gris perle au creux de sa maman La graine germe aussi dans la terre lubrique C’est dégueulasse et ça fait du bien aux amants
Chante ta vie perdue où grogne le hasard Dans un coin comme un chien le hasard est en laisse Laisse–le donc aller pisser il se fait tard Un coup de dés jamais ne videra la caisse
Ce crépuscule où meurt une idée de paresse Il est aveugle invente–lui des phares blonds Et tu verras jusqu’où peut pousser la vieillesse Dans cette discothèque où fanent des chansons
Ce soleil de l’année au vin de l’assassin Marque–le dans ton carnet et vieillis la trique Tes idées ta passion tu t’en fous ton chagrin C’est un soleil fameux qui plie jamais boutique
Ce miroir où se perdent ta gueule et ta tendresse Rentre–lui dans le fond du fond avec tes poings Ensanglanté tu verras poindre la Sagesse Au fond de la fontaine qui te rendra tes mains
Cet enfer que tu bois au café le matin Mélange–le au paradis des artifices Comme on dit chez les abrutis le style en main Et l’alcool dans la métaphore du supplice
Vois les matins perdus au seuil de l’ineffable Invente des chansons aux autobus traqués À l’arrêt tutélaire orphelinat du diable Où l’amour à la queue leu leu prend son ticket
Vois les trains excités au bout de mc2 Leurs vertiges d’acier là–bas qui se rejoignent On dirait que le sexe du temps aime deux Fois plus fort comme toi dans la nuit qui s’éloigne
Vois le quartz de ta montre et les dunes de sable Mets la marée à ton poignet tu songeras À des soleils vaincus à Mercure à ta table À cette étoile éteinte et qui te tend les bras
Vois la terre emportée dans l’immobile bleu Paris à ton chevet pleurant des républiques Danton sous ta chemise à se prendre pour deux Lui sous le couperet toi sous la fleur publique
Cette ville parée où mouillent tes galères Coules–y sous ses ponts le foutre de l’horreur Alors viendra le mauve adoré de naguère Alors viendra le temps de peindre le malheur
Cet alcool dans la gueule inquiète qui te maque Remonte–lui le col et qu’il aille pénard Envahir à nouveau cette viande qui braque Vers un désir de chienne à peu près sur le tard
Ces univers tassés dans ton corps de misère Qui sait la dynastie d’où ils tiennent leur loi? Qui sait l’année–lumière où ils tiendront la guerre Sur le lit d’hôpital où l’on t’emportera?
Ces luttes intestines où traîne ton zodiaque Où donc les exiler? devant quel magicien Les immoler en bavardant et comme on vaque À des travaux de chic ou de psychomachin?
Mets ta voile à l’envers sur ce monde qui tombe Et rentre dans ta mère à reculons ou bien Rentre dans ce futur à forcer l’outre–tombe Où ton passé dans cent mille ans sera demain
Mets la Folie en vergue et la Raison au pot Achète l’équation qui cerne l’imbécile Et résous–la sur ton papier avec tes mots Même avec le talent dans ton stylo à bille
Mets la tranche du fruit sous l’arbre qui succombe Viens au–devant de lui pars au–delà de toi Sois l’Autre et puis tais–toi et même si tu tombes N’oublie jamais tu peux toujours cracher d’en bas
METS LA FOLIE EN VERGUE ET LA RAISON AU POT METS DU SEL DANS LA MERDE ET DE L’OR SUR TES MOTS ET PARS AU–DELÀ DE TOI PARS AU–DELÀ DU MEC
Et qu’ont-ils à rentrer chaque année les artistes? J’avais sur le futur des mains de cordonnier Chaussant les astres de mes peaux ensemellées La conscience dans le spider je mets les voiles Et quarante millions de mètres de tailleur Prenaient la taille à la putain de Galilée La terre a bu le coup et penche du Tropique Elle reste agrippée à mon temps cellulaire Je déchargeais des tombereaux de souvenirs Nous étions une histoire et n’avions rien à dire Moi je prendrai la quatrième dimension Pour trisser dans l’azur mes jambes migratrices Le mur instantané que je dresse à la Chine Mao c’était le nom de ce Viking flamand
Le tissu d’esquimau vieillit beaucoup plus vite Des plaies sur des grabats du Chili à Lisbonne S’exténuaient en équations de cicatrices Le malade concret et l’interne distrait Sont allés boire un pot au Café de la Morgue Des vieillards le chéquier à la main à la banque Faisaient des virements de testicules abstraits L’embryon vaginé derviche dans le manque Un pavot est venu l’asperger cette nuit Mon berceau féodal et mes couilles gothiques Des faux-nez des trognons des tissus ajoutés Fondaient sous les sunlights de l’Opéra Comique La Standard Oil prend du bidon et du gin fizz La fièvre est descendue ce soir à Mexico Ô ce parfum diapré dans la nuit des cigales Dans une discothèque on a mis des barreaux Les fenêtres s’en vont de la gorge et du squale
Ça sent la perfection dans ces rues amputées Saint-Denis c’est un saint au derrière doublé La fièvre est descendue ce soir dans un bordel Et fallait voir comment ça soufflait dans la cale Il y a partout des cons bordés d’oiseaux Comme des lettres cheminant en parchemin Nightingale Ô chansons crevées à minuit trente J’ai le concile dans la main qui se lamente Devant le mur à faire un peu des oraisons La Folie m’a tenu la main à sa culotte On eût dit de la mer s’en allant pour de bon Viens petit dévêts-toi prends du large et jouis Je sais des paravents comme un zoom d’espérance Que font-ils? Qui sont-ils? Ces gens qu’on tient en laisse Dans les ports au shopping
Au bordel à la messe? Et ces mÔmes qu’on pourrait Se carrer entre deux trains Histoire de leur montrer Qu’on a du face-à-main Ils ont voté Ils ont voté Comme on prend un barbiturique Et ils ont mis la République Au fond d’un vase à reposer Les experts ont analysé Ce qu’il y avait au fond du vase
Pour ce rythme inférieur dont t’informe la Mort Pour ce chagrin du temps en six cent vingt-cinq lignes Pour le bateau tranquille et qui se meurt de Port Pour ce mouchoir à qui tes larmes font des signes
Pour le cheval enfant qui n’ira pas bien loin Pour le mouton gracieux le couteau dans le rouge Pour l’oiseau descendu qui te tient par la main Pour l’homme désarmé devant l’arme qui bouge
Pour tes jeunes années à mourir chaque jour Pour tes vieilles années à compter chaque année Pour les feux de la nuit qui enflamment l’amour Pour l’orgue de ta voix dans ta voix en allée
Pour la perforation qui fait l’ordinateur Et pour l’ordinateur qui ordonne ton âme Pour le percussionniste attentif à ton coeur Pour son inattention au bout du cardiogramme
Pour l’enfant que tu portes au fond de l’autobus Pour la nuit adultère où tu mets à la voile Pour cet amant passeur qui ne passera plus Pour la passion des araignées au fond des toiles
Pour l’aigle que tu couds sur le dos de ton jeans Pour le loup qui se croit sur les yeux de quelqu’un Pour le présent passé à l’imparfait du spleen Pour le lièvre qui passe à la formule Un
Pour le chic d’une courbe où tu crois t’évader Pour le chiffre évadé de la calculatrice Pour le regard du chien qui veut te pardonner Pour la Légion d’Honneur qui sort de ta matrice
Pour le salaire obscène qu’on ne peut pas montrer Pour la haine montant du fond de l’habitude Pour ce siècle imprudent aux trois quarts éventé Pour ces milliards de cons qui font la solitude
Les fleurs à inventer les jouets d’une comète Les raisons d’être fou la folie dans ta tête Des avions en allés vers tes désirs perdus Et moi comme un radar à leurs ailes pendu Des embruns dans tes yeux et la mer dans ton ventre Un orgue dans ta voix chaque fois que je rentre Des chagrins en couleur riant à ton chevet Les lampes de mes yeux pour mieux les éclairer
Les parfums de la nuit quand ils montent d’Espagne Les accessoires du dimanche sous ton pagne Les larmes de la joie quand elle est à genoux Le rire du soleil quand le soleil s’en fout Les souvenirs de ceux qui n’ont plus de mémoire L’avenir en pilules toi et moi pour y croire Des passeports pour t’en aller t’Einsteiniser Vers cet univers glauque où meurent nos idées
Des automates te parlant de mes problèmes Et cette clef à remonter qui dit » je t’aime « Un jardin dans ton cur avec un jardinier Qui va chez mon fleuriste et t’invite à dîner Des comptes indécis chez ton marchand de rêves Un sablier à ton poignet des murs qui lèvent Des chagrins brodés main pour t’enchaîner à moi Des armes surréelles pour me tuer cent fois
Cette chose qu’on pense être du feu de Dieu Cette mer qui remonte au pied de ton vacarme Ces portes de l’enfer devant quoi tu désarmes Ces serments de la nuit qui peuplent nos aveux Et cette joie qui fout le camp de ton collant Ces silences perdus au bout d’une parole Et ces ailes cassées chaque fois qu’on s’envole Ce temps qui ne tient plus qu’à trois… deux… un… zéro
Tu penses à quoi? A la langueur du soir dans les trains du tiers monde? A la maladie louche? Aux parfums de secours? A cette femme informe et qui pourtant s’inonde? Aux chagrins de la mer planqués au fond des cours? Tu penses à quoi? A l’avion malheureux qui cherche un champ de blé? A ce monde accroupi les yeux dans les étoiles? A ce mètre inventé pour mesurer les plaies? A ta joie démarrée quand je mets à la voile? Tu penses à quoi? A cette rouge gorge accrochée à ton flanc? Aux pierres de la mer lisses comme des cygnes? Au coquillage heureux et sa perle dedans Qui n’attend que tes yeux pour leur faire des signes?
Tu penses à quoi? Aux seins exténués de la chienne maman? Aux hommes muselés qui tirent sur la laisse? Aux biches dans les bois? Au lièvre dans le vent? A l’aigle bienheureux? A l’azur qu’il caresse? Tu penses à quoi? A l’imagination qui part demain matin? A la fille égrenant son rosaire à pilules? A ses mains mappemonde où tremble son destin? A l’horizon barré où ses rêves s’annulent? Tu penses à quoi? A ma voix sur le fil quand je cherche ta voix? A toi qui t’enfuyais quand j’allais te connaître? A tout ce que je sais et à ce que tu crois? A ce que je connais de toi sans te connaître?
Tu penses à quoi? A ce temps relatif qui blanchit mes cheveux? A ces larmes perdues qui s’inventent des rides? A ces arbres datés où traînent des aveux? A ton ventre rempli et à l’horreur du vide? Tu penses à quoi? A la brume baissant son compteur sur ta vie? A la mort qui sommeille au bord de l’autoroute? A tes chagrins d’enfant dans les yeux des petits? A ton coeur mesuré qui bat coûte que coûte? Tu penses à quoi? A ta tête de mort qui pousse sous ta peau? A tes dents déjà mortes et qui rient dans la tombe? A cette absurdité de vivre pour la peau? A la peur qui te tient debout lorsque tout tombe?
Madame à minuit, croyez vous qu’on veille ? Madame à minuit, croyez -vous qu’on rit ? Le vent de l’hiver me corne aux oreilles, Terre de Noël, si blanche et pareille, Si pauvre, si vieille, et si dure aussi.
Au fond de la nuit, les fermes sommeillent, Cadenas tirés sur la fleur du vin, Mais la fleur du feu y fermente et veille Comme le soleil au creux des moulins. Comme le soleil au creux des moulins.
Aux ruisseaux gelés la pierre est à fendre Par temps de froidure, il n’est plus de fous, L’heure de minuit, cette heure où l’on chante Piquera mon coeur bien mieux que le houx. Piquera mon coeur bien mieux que le houx.
J’avais des amours, des amis sans nombre Des rires tressés au ciel de l’été, Lors, me voici seul, tisonnant des ombres Le charroi d’hiver a tout emporté, Le charroi d’hiver a tout emporté.
Pourquoi ce Noël, pourquoi ces lumières, Il n’est rien venu d’autre que les pleurs, Je ne mordrai plus dans l’orange amère Et ton souvenir m’arrache le coeur. Et ton souvenir m’arrache le coeur.
Madame à minuit, croyez-vous qu’on veille ? Madame à minuit, croyez-vous qu’on rit ? Le vent de l’hiver me corne aux oreilles, Terre de Noël, si blanche et pareille, Si pauvre, si vieille, et si dure aussi.
Christie… Christie quand je t’ai vue plonger Mes vergues de roc où ça cogne Des feuilles mortes se peignaient Quelque part dans la Catalogne
Christie… Le rite de mort aperçu Sous un divan de sapin triste Je m’en souviens, j’étais perdu La Camarde est ma camériste
C’était un peu après midi Tu luisais des feux de l’écume On rentrait dans la chantilly Avec les psaumes de la brume
La mer en bas criait ton nom Ce poudrier serti de lames Où Dieu se refait le chignon Quand il se prend pour une femme
Christie…Christie… Christie
Christie, mon encre Waterman Me fait ton mousse d’algues douces La mort est comme un policeman Qui passe sa vie à mes trousses
Christie… Je prendrai le train de marée Avec le rêve de service A dix-neuf heures GMT Vers l’horizon qui pain d’épice
Christie du tort et du malheur Christie perdue des revoyures Nous nous reverrons sous les fleurs Qui là-bas poussent des augures Tous mes chevaux viendront te voir Au fond de moi quand tu voudras Ils te traîneront dans l’espoir Comme tu traînes dans mes bras
Christie… Christie… Christie…
Je fais tes bars américains Et je mets tes squales en laisse La mort aboie dessous mon bien Elle nous laissera son adresse
Christie Je suis triste comme un paquet Sémaphorant à la consigne Quand donnera-t-on le ticket A cet employé de la guigne?
Pour que nous partions dans l’hiver Des brebis mortes au vent qui bêle Mangent du toc sous les feux verts Que la mer allume sous elle Avec des yeux d’habitants louches Qui nagent dur dedans l’espoir Beaux yeux de nuit comme des bouches Qui regardent des baisers noirs
Christie… Christie… Christie
Christie, quand tu viens de la mer Tu m’envoies ton odeur genièvre Ça bêle dur dans ce désert Les moutons broutent sur tes lèvres
Christie Et ta houle les entretient Leur laine tricote du large De quoi vêtir les yeux marins Qui dans tes vieux songes déchargent
Ô lavandière du jusant Les galets mouillés que tu laisses J’y vois comme des culs d’enfants Qui dessalent tant que tu baisses Ils frôlent un peu de l’horizon Ta parallèle à peu près jointe Et c’est un peu de ta maison Ta lumière qui s’est éteinte
Christie… Christie… Christie…
Christie, ça sent le poivre doux Quand ton crépuscule pommade Et que j’enflamme l’amadou Pour mieux brûler ta chair malade
Christie Ô ma frégate du palier Sur l’océan des HLM Ta voilure est dans l’escalier Reviens vite que je t’emblème
Toi dont l’étoile fait de l’œil A ces astronomes qu’escortent Des équations dans leur fauteuil A regarder des flammes mortes La galaxie a pris le deuil Depuis que ton étoile chante Et que dans le fond de tes lèvres Toute l’Espagne se lamente
Christie… Christie… Ho ho ho ho ho ho ho… ho ho! Ho ho ho ho ho ho ho… ho ho! Christie… Ouais! Christie… Ouais!
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