GUILLAUME APOLLINAIRE – LE VIGNERON CHAMPENOIS


GUILLAUME APOLLINAIRE

LE VIGNERON CHAMPENOIS

Le régiment arrive
Le village est presque endormi dans la lumière parfumée
Un prêtre a le casque en tête
La bouteille champenoise est-elle ou non une artillerie
Les ceps de vigne comme l’hermine sur un écu
Bonjour soldats
Je les ai vus passer et repasser en courant
Bonjour soldats bouteilles champenoises où le sang fermente
Vous resterez quelques jours et puis remonterez en ligne
Échelonnés ainsi que sont les ceps de vigne
J’envoie mes bouteilles partout comme les obus d’une
charmante artillerie

La nuit est blonde ô vin blond
Un vigneron chantait courbé dans sa vigne
Un vigneron sans bouche au fond de l’horizon
Un vigneron qui était lui-même la bouteille vivante
Un vigneron qui sait ce qu’est la guerre
Un vigneron champenois qui est un artilleur
C’est maintenant le soir et l’on joue à la mouche
Puis les soldats s’en iront là-haut
Où l’Artillerie débouche ses bouteilles crémantes
Allons Adieu messieurs tâchez de revenir
Mais nul ne sait ce qui peut advenir

Guillaume Apollinaire, Calligrammes, Poèmes de la paix et de la guerre (1913-1916)

DU BALCON


DU BALCON

Dessin de Pierre-Louis TORRES

J’ai grimpé Vénus, comme seule divinité, au travers d’amandiers en fleurs et d’accidents atmosphériques à bord de ce train pour Bucarest, conduit par Guillaume et ses Onze Mille Verges.

Mousses velues, vastes prairies, ont accompagné leurs rivières à travers un pittoresque relief callipyge, aux seins répandus sur des fessiers sans scrupules.

« Bucarest est une belle ville où il semble que viennent se mêler l’Orient et l’Occident. On est encore en Europe si l’on prend garde seulement à la situation géographique ; mais on est déjà en Asie si l’on s’en rapporte à certaines mœurs du pays, aux Turcs, aux Serbes et autres races macédoniennes dont on aperçoit dans les rues de pittoresques spécimens. Pourtant c’est un pays latin, les soldats romains qui colonisèrent le pays avaient sans doute la pensée constamment tournée vers Rome, alors capitale du monde et chef-lieu de toutes les élégances. Cette nostalgie occidentale s’est transmise à leurs descendants : les Roumains pensent sans cesse à une ville où le luxe est naturel, où la vie est joyeuse. Mais Rome est déchue de sa splendeur, la reine des cités a cédé sa couronne à Paris et quoi d’étonnant que, par un phénomène atavique, la pensée des Roumains soit sans cesse tournée vers Paris, qui a 5si bien remplacé Rome à la tête de l’univers ! De même que les autres Roumains, le beau prince Vibescu songeait à Paris, la Ville-Lumière, où les femmes, toutes belles, ont toutes aussi la cuisse légère. Lorsqu’il était encore au collège de Bucarest, il lui suffisait de penser à une Parisienne, à la Parisienne, pour bander et être obligé de se branler lentement, avec béatitude. Plus tard, il avait déchargé dans maints cons et culs de délicieuses Roumaines. Mais il le sentait bien, il lui fallait une Parisienne. Mony Vibescu était d’une famille très riche. Son arrière-grand-père avait été hospodar, ce qui équivaut au titre de sous-préfet en France. Mais cette dignité s’était transmise de nom à la famille, et le grand-père et le père de Mony avaient chacun porté le titre de hospodar. Mony Vibescu avait dû également porter ce titre en honneur de son aïeul. Mais il avait lu assez de romans français pour savoir se moquer des sous-préfets : « Voyons, disait-il, n’est-ce pas ridicule de se faire dire sous-préfet parce que votre aïeul l’a été ? C’est grotesque, tout simplement ! » Et pour être moins grotesque, il avait remplacé le titre d’hospodar sous-préfet par celui de prince. « Voilà, s’écriait-il, un titre qui peut se transmettre par voie d’hérédité. Hospodar, c’est une fonction administrative, mais il est juste que ceux qui se sont distingués dans l’administration aient le droit de porter un titre. Je m’anoblis. Au fond, je suis un ancêtre. Mes enfants et mes petits-enfants m’en sauront gré. » (Note emprunté à l’auteur)

Je vous l’accorde si je me fiais à Bayrou, en matière sexuelle, je n’aurais plus la mémoire fidèle, mais mes artères ont l’âge de vivre, point à la ligne, que les abbés se le disent, moi je suis normal.

Alors je laisse faire la nature réglée sur la marche du soleil, je peins comme je suis.

.

Niala-Loisobleu.

16 Février 2025

RASE-MOTTES


MARIE-LAURENCIN « JEUNE FILLE L’OISEAU BLEU »

RASE-MOTTES

Des nuages à qui la force de voler manque

le sol dégorge en boucle comme une musique d’ascenseur horizontal

Les rues furent des abris sûrs pour cultiver la lumière durant des années

qui sortirent des décombres de la guerre

la politique étant soutenue par les artistes à qui on avait volé leur jeunesse

Marie fruit de l’Ecole de Paris et de Guillaume Apollinaire

a sublimé le goût du fruit et jeta le Pont Mirabeau en avant-scène de l’amour déçu sur le fleuve

sans priver ses rives de donner à leurs réverbères cette intensité en plongeant leurs têtes dans la capitale devenue flamme du monde

Toutes révolutions ont été mises au monde à partir de cette salle de travail de maternité

Quel soleil

avant qu’on parle de créer l’Europe

Voici que s’approchent les Européennes, sanction dévoyée dans le brandisse ment fasciste qui s’apprête à se faire justice

Macron, Attal vos allégations vous donnent un rendez-vous à qui cette fois vous aurez du mal à tourner le dos

Que la pluie finisse par vous sortir du lit

que la vie retrouve la chaleur qui fait sa force sans tricher

et que l’Oiseau Bleu nidifie de nouveau à la fourche des seins de l’Art.

.

Niala-Loisobleu.

29 Mai 2024

LA PORTE – LEO FERRE / GUILLAUMEAPOLLINAIRE


FELICE CASORATI

LA PORTE

LEO FERRE / GUILLAUME APOLLINAIRE

La porte de l’hôtel sourit terriblement
Qu’est-ce que cela peut me faire ô ma maman
D’être cet employé pour qui seul rien n’existe
Pi-mus couples allant dans la profonde eau triste
Anges frais débarqués à Marseille hier matin
J’entends mourir et remourir un chant lointain
Humble comme je suis qui ne suis rien qui vaille

Enfant je t’ai donné ce que j’avais travaille

Guillaume Apollinaire, Alcools1913

Les Fenêtres – Guillaume Apollinaire


Les Fenêtres – Guillaume Apollinaire

Du rouge au vert tout le jaune se meurt

Quand chantent les aras dans les forêt natales

Abatis de pihis

Il y a un poème à faire sur l’oiseau qui n’a qu’une aile

Nous l’enverrons en message téléphonique

Traumatisme géant

Il fait couler les yeux

Voilà une jolie jeune fille parmi les jeunes Turinaises

Le pauvre jeune homme se mouchait dans sa cravate blanche

Tu soulèveras le rideau

Et maintenant voilà que s’ouvre la fenêtre

Araignées quand les mains tissaient la lumière

Beauté pâleur insondables violets

Nous tenterons en vain de prendre du repos

On commencera à minuit

Quand on a le temps on a la liberté

Bigorneaux Lottes multiples Soleils et l’Oursin du couchant

Une vieille paire de chaussures jaunes devant la fenêtre

Tours

Les tours ce sont les rues

Puits

Puits ce sont les places

Puits

Arbres creux qui abritent les Câpresses vagabondes

Les Chabins chantent des airs à mourir

Aux Chabines marronnes

Et l’oie oua-oua trompette au nord

Où les chasseurs de ratons

Raclent les pelleteries

Étincelant diamant

Vancouver

Où le train blanc de neige et de feux nocturnes fuit l’hiver

O Paris

Du rouge au vert tout le jaune se meurt

Paris Vancouver Hyères Maintenon New-York et les Antilles

La fenêtre s’ouvre comme une orange

Le beau fruit de la lumière

Guillaume Apollinaire, Ondes, Calligrammes 1918

MERLIN ET LA VIEILLE FEMME PAR GUILLAUME APOLLINAIRE


MERLIN ET LA VIEILLE FEMME PAR GUILLAUME APOLLINAIRE

Le soleil ce jour-là s’étalait comme un ventre

Maternel qui saignait lentement sur le ciel

La lumière est ma mère ô lumière sanglante

Les nuages coulaient comme un flux menstruel

Au carrefour où nulle fleur sinon la rose
Des vents mais sans épine n’a fleuri l’hiver
Merlin

guettait la vie et l’éternelle cause
Qui fait mourir et puis renaître l’univers

Une vieille sur une mule à chape verte
S’en vint suivant la berge du fleuve en aval
Et l’antique
Merlin dans la plaine déserte
Se frappait la poitrine en s’écriant
Rival

O mon être glacé dont le destin m’accable
Dont ce soleil de chair grelotte veux-tu voir
Ma
Mémoire venir et m’aimer ma semblable
Et quel fils malheureux et beau je veux avoir

Son geste fit crouler l’orgueil des cataclysmes
Le soleil en dansant remuait son nombril
Et soudain le printemps d’amour et d’héroïsme
Amena par la main un jeune jour d’avril

Les voies qui viennent de l’ouest étaient couvertes
D’ossements d’herbes drues de destins et de fleurs
Des monuments tremblants près des charognes vertes
Quand les vents apportaient des poils et des malheurs

Laissant sa mule à petits pas s’en vint l’amante

A petits coups le vent défripait ses atours

Puis les pâles amants joignant leurs mains démentes

L’entrelacs de leurs doigts fut leur seul laps d’amour

Elle balla mimant un rythme d’existence
Criant
Depuis cent ans j’espérais ton appel
Les astres de ta vie influaient sur ma danse
Morgane regardait du haut du mont
Gibel

Ah! qu’il fait doux danser quand pour vous se déclare
Un mirage où tout chante et que les vents d’horreur
Feignent d’être le rire de la lune hilare
Et d’effrayer les fantômes avant-coureurs

J’ai fait des gestes blancs parmi les solitudes
Des lémures couraient peupler les cauchemars
Mes tournoiements exprimaient les béatitudes
Qui toutes ne sont rien qu’un pur effet de l’Art

Je n’ai jamais cueilli que la fleur d’aubépine
Aux printemps finissants qui voulaient défleurir
Quand les oiseaux de proie proclamaient leurs rapines
D’agneaux mort-nés et d’enfants-dieux qui vont mourir

Et j’ai vieilli vois-tu pendant ta vie je danse
Mais j’eusse été tôt lasse et l’aubépine en fleurs
Cet avril aurait eu la pauvre confidence
D’un corps de vieille morte en mimant la douleur

Et leurs mains s’élevaient comme un vol de colombes
Clarté sur qui la nuit fondit comme un vautour
Puis
Merlin s’en alla vers l’est disant
Qu’il monte
Le fils de la
Mémoire égale de l’Amour

Qu’il monte de la fange ou soit une ombre d’homme
Il sera bien mon fils mon ouvrage immortel
Le front nimbé de feu sur le chemin de
Rome
Il marchera tout seul en regardant le ciel

La dame qui m’attend se nomme
Viviane
Et vienne le printemps des nouvelles douleurs
Couché parmi la marjolaine et les pas-d’âne
Je m’éterniserai sous l’aubépine en fleurs

Guillaume Apollinaire

LES BAVARDAGES D’UN PEU CAUSEUX16


l

LES BAVARDAGES D’UN PEU CAUSEUX 16

Contre les colonnes vides d’un faux-temple antique je me suce le pousse pour, à défaut d’érection, initier un départ pour les îles

Tiens je prends Les Moluques, certain de jouir

et charge Apollinaire du circuit afin de sortir de l’ennui

Niala-Loisobleu – 27 Décembre 2021

LE MUSICIEN DE SAINT-MERRY

J’ai enfin le droit de saluer des êtres que je ne connais

pas
Ils passent devant moi et s’accumulent au loin
Tandis que tout ce que j’en vois m’est inconnu
Et leur espoir n’est pas moins fort que le mien

Je ne chante pas ce monde ni les autres astres

Je chante toutes les possibilités de moi-même hors de ce

monde et des astres
Je chante la joie d’errer et le plaisir d’en mourir

Le 21 du mois de mai 1913

Passeur des morts et les mordonnantes mériennes
Des millions de mouches éventaient une splendeur
Quand un homme sans yeux sans nez et sans oreilles
Quittant le
Sébasto entra dans la rue
Aubry-le-Boucher
Jeune l’homme était brun et ce couleur de fraise sur

les joues
Homme
Ah!
Ariane

Il jouait de la flûte et la musique dirigeait ses pas
Il s’arrêta au coin de la rue
Saint-Martin
Jouant l’air que je chante et que j’ai inventé
Les femmes qui passaient s’arrêtaient près de lui
Il en venait de toutes parts

Lorsque tout à coup les cloches de
Saint-Merry se mirent

à sonner
Le musicien cessa de jouer et but à la fontaine
Qui se trouve au coin de la rue
Simon-Le-Franc
Puis
Saint-Merry se tut
L’inconnu reprit son air de flûte
Et revenant sur ses pas marcha jusqu’à la rue de la

Verrerie
Où il entra suivi par la troupe des femmes
Qui sortaient des maisons

Qui venaient par les rues traversières les yeux fous
Les mains tendues vers le mélodieux ravisseur
Il s’en allait indifférent jouant son air
Il s’en allait terriblement

Puis ailleurs

A quelle heure un train partira-t-il pour
Paris

A ce moment

Les pigeons des
Moluques fientaient des noix muscades

En même temps

Mission catholique de
Bôma qu’as-tu fait du sculpteur

Ailleurs

Elle traverse un pont qui relie
Bonn à
Beuel et disparaît à travers
Pùtzchen

Au même instant

Une jeune fille amoureuse du maire

Dans un autre quartier

Rivalise donc poète avec les étiquettes des parfumeurs

En somme ô rieurs vous n’avez pas tiré grand-chose

des hommes
Et à peine avez-vous extrait un peu de graisse de leur

misère
Mais nous qui mourons de vivre loin l’un de l’autre
Tendons nos bras et sur ces rails roule un long train

de marchandises

Tu pleurais assise près de moi au fond d’un fiacre

Et maintenant

Tu me ressembles tu me ressembles malheureusement

Nous nous ressemblons comme dans l’architecture du

siècle dernier
Ces hautes cheminées pareilles à des tours
Nous allons plus haut maintenant et ne touchons plus

le sol

Et tandis que le monde vivait et variait

Le cortège des femmes long comme un jour sans pain
Suivait dans la rue de la
Verrerie l’heureux musicien

Cortèges ô cortèges

C’est quand jadis le roi s’en allait à
Vincennes

Quand les ambassadeurs arrivaient à
Paris

Quand le maigre
Suger se hâtait vers la
Seine
Quand l’émeute mourait autour de
Saint-Merry

Cortèges ô cortèges

Les femmes débordaient tant leur nombre était grand

Dans toutes les rues avoisinantes

Et se hâtaient raides comme balle

Afin de suivre le musicien

Ah
I
Ariane et toi
Pâquette et toi
Aminé

Et toi
Mia et toi
Simone et toi
Mavise

Et toi
Colette et toi la belle
Geneviève

Elles ont passé tremblantes et vaines

Et leurs pas légers et prestes se mouvaient selon la

cadence
De la musique pastorale qui guidait
Leurs oreilles avides

L’inconnu s’arrêta un moment devant une maison à vendre

Maison abandonnée

Aux vitres brisées

C’est un logis du seizième siècle

La cour sert de remise à des voitures de livraisons

C’est là qu’entra le musicien

Sa musique qui s’éloignait devint langoureuse

Les femmes le suivirent dans la maison abandonnée

Et toutes y entrèrent confondues en bande

Toutes toutes y entrèrent sans regarder derrière elles

Sans regretter ce qu’elles ont laissé

Ce qu’elles ont abandonné

Sans regretter le jour la vie et la mémoire

Il ne resta bientôt plus personne dans la rue de la
Verrerie

Sinon moi-même et un prêtre de
Saint-Merry
Nous entrâmes dans la vieille maison
Mais nous n’y trouvâmes personne

Voici le soir

A
Saint-Merry c’est l’Angélus qui sonne

Cortèges ô cortèges

C’est quand jadis le roi revenait de
Vincennes

Il vint une troupe de casquettiers

Il vint des marchands de bananes

Il vint des soldats de la garde républicaine

O nuit

Troupeau de regards langoureux des femmes

O nuit

Toi ma douleur et mon attente vaine

J’entends mourir le son d’une flûte lointaine

Guillaume Apollinaire

LE PONT MIRABEAU – LEO FERRE


LE PONT MIRABEAU

APOLLINAIRE/ LEO FERRE

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu’il m’en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l’onde si lasse

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

L’amour s’en va comme cette eau courante
L’amour s’en va
Comme la vie est lente
Et comme l’Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l’heure
Les jours s’en vont je demeure

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913

L’ECLUSE DU PASSAGE A NIVEAU


L’ECLUSE DU PASSAGE A NIVEAU

A gué le tunnel perce-oreille sort un son

de l’odeur d’herbe non-coupée qui ricoche entre rails et traverses

d’un retour aux mors du cheval aux haras

sans que l’apporte couine

elle avance dans sa robe sanguine en faisant sauter la couleur du chat peau

en menstrues laissées comme mue

Il attend devant la barrière la sortie de l’oiseau pour lever son drapeau

voie en corps tremblante à la fourche que le premier lance la pierre à fusil

Dans un frémissement matinal les pâquerettes sautent de la culotte de l’hiver plus que chiennes

après le rebondissement des balles

Slip in couche être

Entrain de nuit

roulant les airs en rotatifs moulinets de verge comme un hospodar ébranlant les fantasmes des tranchées de Guillaume à peaux non-linéaires.

Niala-Loisobleu – 14 Avril 2021


CLAIR DE LUNE

Guillaume Apollinaire

CLAIR DE LUNE

Lune mellifluente aux lèvres des déments

Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands

Les astres assez bien figurent les abeilles

De ce miel lumineux qui dégoutte des treilles

Car voici que tout doux et leur tombant du ciel

Chaque rayon de lune est un rayon de miel

Or caché je conçois la très douce aventure

J’ai peur du dard de feu de cette abeille
Arcture

Qui posa dans mes mains des rayons décevants

Et prit son miel lunaire à la rose des vents.

Guillaume Apollinaire