Tour à tour triomphante et vaincue, elle procède à d’étranges rites où la passion, la ferveur, la fascination de la beauté développent leurs charmes magiques et religieux, qu’il faut hélas quitter pour revenir à cette terre de soif et d’enfance perdue.
Perdue
Les mains cherchant l’extase sous une herbe
Se maintenaient plus belles que le matin où toi
Tu te cherchais encore et c’était les murailles
Qui enserraient ton nom, ta preuve, qui te chassaient
« Adieu enfances » s’écrie le poète, « un vent d’herbes / inconnu brûle / toute une enfance. » Mais son chant brisé, nostalgique, renferme une pureté d’ange qui nous bouleverse, une musique qui nous atteint au plus secret.
On dressa des tréteaux
Devant le haut des neiges
Des rôles féeriques
(…)Puis l’enfance prit fin
Sous cette arche foraine
Les costumes pâlirent
O les rythmes d’hier
Parfois on se souvient
En tournoyant
Puis on s’accable
Comment définir cette musique, sinon en reprenant l’expression de « poésie elfique » que Philippe Jaccottet emploie avec bonheur dans sa préface ? Une poésie qui vibre par « inflexions de voix », qui fait entendre sans calcul ni construction savante une sorte de chant d’avant, d’un temps originel, que l’imparfait vient très souvent bercer.
Béatrice Douvre n’avait sa vraie demeure qu’en dehors de nous. Sa parole nous appellera toujours, irrésistiblement, à la suivre dans ce monde des « anges fous » qu’elle a si singulièrement évoqué :
Et c’est parole pure, ce sont d’enfants qui partent
Et c’est parole pure comme un rire
Et s’ils vont aux gravats
Comme par trébuchement de verre c’est rire
Qui se brise, ce sont d’enfants qui hâtent
Un peu leurs pas, effrayés d’espaces courts
Parmi des ossements de fleurs sur des sentes mortelles
On les dirait comme des braises
D’oiseaux de brume sans race beaux et rouges
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