A PETITS PLATS


CHAÏM SOUTINE

A PETITS PLATS

Salle-à-manger universelle

un jour sans consulter l’heure où l’appétit manque

c’est le plat du jour où le fumet s’est dispersé dans la hotte

J’enfile la tenue du cuisinier

dans les poches une recette qui donne au né de quoi vagir

les arbres qui passent à la fenêtre sont aussi fades que la salade de l’information

j’ouvre le placard des épices

laisse le laurier trop malmené

tire de la sauge pour que le lapin sorte du terrier

quelques encouragements d’espelette

pour sortir le cheval des curies et de l’écran plat du soufflé

A se limer les ongles au lieu de rapports faute de libido

la réputation culinaire sort de table comme du lit

Un coin de plage loin du regard des voyeurs en hors-d’oeuvre

de l’ail autour du corail baigné dans la blondeur d’un cru gascon

pour que se débouchent des envies qui justifient la vie sans besoin de frime

Le rideau s’écarte de mon âme

la nappe met la table dans l’herbe

au bord du train qui passe, quelques vaches se partagent les belles images

Regarde l’échine de l’ô séant onduler !

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Niala-Loisobleu.

30 Janvier 2024

LES CHOSES MISES DANS LEUR PLACE


CHAÏM SOUTINE

LES CHOSES MISES DANS LEUR PLACE

Du jour mis sur la nuit, un porte-plume en mal d’écriture, jusqu’au bout du jardin s’y reconnaître

Le camion tôt ce matin a chargé l’exposition, les chauffeurs et moi, on s’étaient connus il y a onze ans pour le même endroit

sans m’arrêter aux jambes, je marche en parlant tout seul

un chat passe, les formes qui se meuvent sont libres de faire ce qu’elles veulent

à gauche mon coeur n’est pas allé faire faire un tour en politique, mieux vaut rincer son sang dans ses oreillettes pour tenir l’engagement

Le corps que je caresse est vénusien

je me rappelle un sacré jardin sous son tablier et des gosses endormis en son sein

un échange d’idées par-dessus les moulins

c’est tout en place

rien n’y manque, le projet dépasse l’ébauche et touche la chair à deux mains.

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Niala-Loisobleu.

5 Janvier 2024

la place assise en dehors


LA PLACE ASSISE EN DEHORS

A mon banquet, je réunis les éternels convives laissés dehors, pour une table qui respecterait le sens des santés portées ne visant rien de posthume

Vincent, Amédéo, Chaïm, réunissons-nous autour du vain chaud dans un coin jaune d’Arles, aux chaises de paille, une soupente de Montparnasse, le Dôme abandonné aux cuisses hard des Muses parties du Moulin-Rouge rejoindre le Bateau-Lavoir

La faim des artistes de renommée est passée par la misère la plus inhumaine avant de remplir de la fortune la plus laide les coffres des galéristes, commissaires-priseurs et profiteurs d’un marché de l’Art dénué de grandeur

Dans le brouillard-givrant de ce matin, j’allume au centre de la place les braseros des artistes du trottoir qui sont ceux qui ont allumé la chaleur de l’Âme au sein des endroits les plus sombres

Cet éternel banquet est le chantier naval de la grande armada de l’ART.

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Niala-Loisobleu.

17 Décembre 2023

DES RUES QUI MONTENT


DES RUES QUI MONTENT

C’est aux pieds du malheur que les premières marches lèvent la tête

s’enfoncer dans un tunnel pour faire partir un missile n’a jamais monté bien ô

La terre retranchée est jalonnée de caillots

comment peut-on imaginer vivre en martyrisant

mais l’Homme aveugle qui prétend voir clair dans sa fosse aux serpents

caresse sournoisement en étouffant les lendemains de ses congénères

Ce que coûte l’armement d’une journée de tueries

mettrait au soleil des décennies de palmeraies les pieds dans les vagues

Je monte planter tes aisselles d’herbe de naissance

entre les grandes lèvres qu’ouvre ton ventre en sourire dans les murs…

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Niala-Loisobleu.

28 Octobre 2023

L’AMOUR – LEO FERRE


L’AMOUR – LEO FERRE

Quand y’a la mer et puis les ch’vaux
Qui font des tours comme au ciné
Mais qu’ dans tes bras c’est bien plus beau
Quand y’a la mer et puis les ch’vaux
Quand la raison n’a plus raison
Et qu’ nos yeux jouent à s’ renverser
Et qu’on n’ sait plus qui est
F patron
Quand la raison n’a plus raison
Quand on rat’rait la fin du monde
Et qu’on vendrait l’éternité
Pour cette éternelle seconde
Quand on rat’rait la fin du monde
Quand le diable nous voit pâlir
Quand y’a plus moyen d’ dessiner
La fleur d’amour qui va s’ouvrir
Quand le diable nous voit pâlir
Quand la machine a démarré
Quand on n’ sait plus bien où l’on est
Et qu’on attend c’ qui va s’ passer

Léo Ferré

DE VIVE A VEUVE VOIX PAR PAUL NEUHYS


Chaïm Soutine – AH LES BEAUX JOURS !

DE VIVE A VEUVE VOIX

PAR PAUL NEUHYS

Maintenant que le monde à sa fin s’achemine
Et que je vis parmi les ombres du passé
Mon vertige s’arrête aux yeux verts d’une ondine ou dans mon petit coin chez
Madame de
C.

Mais comment m’esquiver?
Mais comment m’effacer?
Je crève de ferveur, je sanglote ma vie
Vivre de plus en plus dans un monde glacé
Jusqu’à n’avoir plus qu’une tombe pour amie?

L’homme cavalier seul sur un cheval sans bride
Reprend la navette entre
Jésus et
Vénus
Sous un ciel scintillant de mille feux torrides
D’être un homme est-ce donc si triste devenu?

L’image peinte aussi est une poétique
Qu’elle vise au reflet d’un rêve intemporel
Ou circule au milieu des oliviers tragiques
Paysan dont l’humour transcende le trivial?

Toujours la même porte ouverte sur
Byzance

La gravité zéro est mon point oméga:


Donne-moi tout la fleur le fruit et la semence! —

Jeunesse son verjus, vieillesse son verglas…

Paul Neuhys

DES MATINS DE SOUTINE AU PIED DE L’OBSERVATOIRE


DES MATINS DE SOUTINE AU PIED DE L’OBSERVATOIRE

Encore vides de présence les jardins du Luxembourg ne sont pas lieu de résidence du commerce de muguet,

aucune clochette ne s’est accrochée au dernier monôme du quartier latin

Et la République tout comme Jeanne d’Arc se foutent des frustrations de l’artiste

trop occupées qu’elles sont par l’ambition politique des prochaines élections

Pauvre Chaim

Entre ses tus et ses non-dits l’amour ne fait rien d’autre que retenir de s’exprimer

Cahin-caha l’absence de manif du sentiment se tire les heures au pilori

Continence des délices au jardin compensée par des effets de manches de dates promises installées au brin au bord des trottoirs du confinement..

Niala-Loisobleu – 1er Mai 2021

CONTREFORTS DE L’ENFANCE


Chaïm Soutine – Deux enfants

CONTREFORTS DE L’ENFANCE

L’un contre l’autre en renfort de maçonnerie sur la face extérieure des cages thoraciques à contenir les charges de poussées mécaniques du brin de voûte

Maudit Chaïm

Au matin à Vaugirard on vient boire la saignée au point d’Ars avant de monter les mioches au cheval de bois par l’allée des perspectives

Enfant de troupe « Allons Z’Enfants » d’une page non-écrite du couché au levé au lavabo-collectif d’eau glacée que le rêve récupère dans les trois couleurs

Maudit Chaïm

La Ruche quartier de l’Observatoire inspire l’Auguste Boucher, sculpteur créatif plein d’élan. Ah, sortis du visionnaire on serait bon qu’à aller dans le mur ?

Maudit Chaïm on a cru que tu ne serais plus ignoré

Tes gosses quand je les regarde je vois des vitraux à la place des peurs dans leurs yeux. C’est vrai que le hasard n’existe pas, la Reine on lui doit Chagall dans le miel qu’elle a fait là. Il a même fait chanter le plafond. Trop beau. Nous voilà conteur à zéro

Et imagines ce que ça peut me faire mal à la côte

Pas possible d’en arriver à plus se faire comprendre et de se retrouver con sans rire

C’est pas un Soulages qui se supprimerait en chant de blé dans un choeur de corbeaux, il est riche que ça m’en fait gerber outre-noir

Il faudrait pas que que les contreforts d’Auvers-sur-Oise soient du faux gothique Compagnon

Des fois que la foi nous trahirait

A perdre la tête

Léo j’ai besoin de toi pour pas gueuler tout seul

Maudit Chaîm les enfants faut pas que ça finisse Amédéo par défenestrer les Jeanne enceintes.

Niala-Loisobleu – 2 Décembre 2020

GRANDIR LE RETRECI


GRANDIR LE RETRECI

Un geste de pensée décolle les toiles du plafond de Soutine. L’isolement artistique tape aux murs de cette indifférence conduisant à l’ignorance. Les vitrines se sont éteintes rendant le piéton sourd à ce qui marche. On ne regarderait plus qu’internet et ses hameçonneurs de pêche aux cons. Tu sais quand ma main te quitte pour aller sur la toile, c’est ton vivant qui l’imprime d’un sang vif. Le chien sait tout ça mieux que personne. Il flairel’ l’air excitant qui règne autour du chevalet sans lever autre chose que la truffe. Jusqu’aux vitres qu’il embue au moment où elles se mettent à trembler alors que les autobus ont cessé de circuler. J’ai eu le sentiment d’avoir rempli les rias d’un estran de retour quand ma veine bleue a grossi mon pouls. La vieille maison abandonnée sur le chemin du cimetière marin a poussé ses volets. Les troncs de chêne sont sortis du flottage où ils baignent pour faire chanter la dégauchisseuse de madrier. L’oiseau s’est mis des plumes neuves pour remonter au coeur du village voir le coq et lui dire de crier la nouvelle. L’enfant abandonne l’air triste qui lui retenait l’oeil. Il y a de l’eau qui coule à la fontaine de l’espoir. L’amour est sans nitrate, on peut en boire.

Niala-Loisobleu – 7 Novembre 2020

LA RENTREE


Chaïm Soutine

LA RENTRÉE

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L’air d’automne est si clair qu’au-dessus de la ville
On entend craquer les forêts d’Alsace et de
Lithuanie
Et passer des renards dont l’œil a la tendre sauvagerie
De ce ciel dénudé qui tremble au milieu de la rue.
Un barrage a cédé très haut dans les gorges du levant,
Libérant le bleu sans rumeur qui déborde les cheminées
Et, par la porte ouverte au cœur étouffant de septembre.
Voici le vent couleur d’averse du matin qui rentre
Avec son odeur de terrier, de bois mouillé, de gelée

blanche,
Et sa stature d’autrefois dressée comme une promesse. •Je tends les bras dans ce retour de milliers d’ailes
Vers ce qui fut promis par la cloche aiguë du collège sous

le brouillard.
Vers les anges dépossédés qui guidèrent mes pas parmi

les bogues de l’allée,
Et la gloire d’octobre à genoux dans les feuilles mortes.

Jacques Réda