ROUSSE EQUINOXE


ROUSSE EQUINOXE

Mis hors de l’entre deux-âges

hors de portée de Chronos

mon coeur bat la chamade

Alors que la lune jouait sur la balançoire de Janus

le soleil l’a remis à l’endroit de la chromatique des embruns

Les algues cernant le visage tiennent les cerfs-volants de la féminité des colonnes

Crique sauvage ignorée des mouillages des marinas

Que de sel, tu es vivante parmi les vents lâchés sous la protection des pierres levées

Cônes blancs épargnés des vases d’un remugle quotidien

parfum de ces purs matins

venus des sphères poétiques entre deux estrans

trouble perpétuel

tu brilles toute saline aux carreaux

d’une musique de viole de Marin Marais

Serais-tu la dissolution spectrale de l’ombre portée

renvoyée dans ses foyers par le blanc unique

cette marque bleue que la lumière garde en attachement muet des cris d’une nuit où tout c’est fondu en une seule entité

Sur les tamaris courbatus du front de mer

des roseurs de bruyère redressent l’amer en contrebande

Métaphysique  tu es devenue le canon d’un ordre étranger aux couvertures de papier glacé

Cette onde qui porte le silence avec la grâce de l’âme des échos

 Je m’en remets aux lèvres de la vague sans retirer ma langue du fond du récif que tu es devenue

.

Niala-Loisobleu

26 Septembre 2024

AUX BAINS-BOUCHES


AUX BAINS-BOUCHES

De cette corniche ceignant ton cou

tes épaules parcourues m’ont plongé au bas de la falaise

par la saignée de tes seins

alors que la première vague

soulevait le vent de l’étui

et que leurs tétons se mirent à faire des pointes

pour glisser des bretelles

d’un m’aime élan

Enjeu d’ô

orchestré par les oiseaux marins

la lande se faisant bruyère

ouvrit le passage aux embruns

C’est à ce moment là que tes membres inférieurs prirent de la hauteur

en simultanéité avec tes yeux ne retenant plus leurs cris

Tout s’éteignit des mouvements automobiles

des fracas touristiques

des papiers gras et odeurs de frites

nous nous étions vidés du monde

Enfin l’odeur marine

jointe aux doigts

j’ai nagé

j’ai nagé

j’ai nagé

à l’amble du coquillage

sans vouloir sortir de l’eau…

.

Niala-Loisobleu

18 Février 2024

L’ESPRIT DE POÉSIE PAR MICHEL DEGUY


L’ESPRIT DE POÉSIE

PAR

MICHEL DEGUY

Toute figure est figure de pensée… Une figure est celle du dieu de poésie Qui se glisse dans la forme de cette figure En ressemblant à s’y méprendre à cet hôte
qui l’accueille Pour y féconder Alcmène la poésie

L’esprit de poésie : un défieur de dieux qui invoque : « qu’est-ce que vous attendez ? ! » Cette durée ne peut pas durer ! Il faut que l’interminable soit ponctué
; qu’il y ait de l’interruption, du contour, de l’apparition, de la finition ! Venez. J’expose la peau ocellée d’Argus, une cotte de synonymes : Protée, montre-toi que je te
reconnaisse multiple, que je t’épèle à grande vitesse !

L’esprit de poésie compare l’ogre égarant ses enfants à la «forêt obscure» où Dante commençait par se perdre; il perd les «significations
admises», tout ce qui s’énonçait vite, ne demandait qu’à être identifié (et sans doute vaudrait-il mieux être égaré par une puissance que prendre
les devants par jeu, mais enfin il faut bien que quelqu’un commence) ; l’affaire ordinaire, le patent, l’envoyé loyal, le message escompté, il s’en impatiente ! Le trompeur
authentique, le déguisé, le fourbe de comédie, celui que le public a démasqué d’entrée de jeu ne lui suffit pas. Mais où est le dieu ? Dans les
tragédies, le dieu ? Celui qui est autre qu’on croit, non par férocité mais parce qu’on ne pourrait l’accueillir, l’excessif, qui éclipserait. Ou alors il y aurait deux
dissimulations, et la première, sympathique et remédiable, pour nous préparer à l’autre, « tragique » ? Celui qui est et n’est pas — ce qu’il est.

Et les dieux ont appris aux hommes par les arts à recevoir, à pouvoir recevoir, toute chose comme un dieu, pour ce qu’elle est en étant autre (en excès, en
à-côté), autre que ce que c’est qui la comporte, dans quoi elle vient; en étant comme cela qui s’annonce, c’est-à-dire irréductible à cela qu’elle paraît
: masqué par son apparaître, par son être-vrai même. L’artiste apprend à ménager, d’un rapport indirect, le « dieu inconnu » en tout. Le dieu est ce qui
remplit la forme humaine, parfois trop humble comme Déméter, en retrait dans le visible, pour suggérer l’inégalité de la visibilité à l’être, la «
différence de l’être et de l’étant » ?

Ainsi est-ce l’épreuve par tout : reconnaître le dieu. Il s’agit de ce qui excéderait la vie dans la vie, le dieu amour, « promis à tous », en tout cas à toi,
à toi, à toi… C’est ton tour. Et si tu ne l’accueilles pas en quelque mode, tant pis pour toi, « tu auras vécu en vain ».

Même la comédie murmure «c’est votre affaire», de le reconnaître dans ce valet, ce double, cette erreur, cette coquette. Il n’est pas réservé aux Princes de
la tragédie ; il ne s’agit pas que de mourir.

Michel Deguy

APPEL A FERNANDO


FELICE CASORATI

APPEL A FERNANDO

Je m’attrape la rampe pour me retenir

entier dans l’impossible

vu comme le vide vous avale

élastique comme un pont

à gueule de sirène

outrageusement maquillée

Ci-joint attestation du Gardeur de Troupeau

Niala-Loisobleu.

1er Février 2023