RAOUL DUFY – LE BONHEUR DE VIVRE


RAOUL DUFY

LE BONHEUR DE VIVRE

La pluie n’a pas quitté ce jour. Est-ce vraiment utile d’insister à démolir un bonheur qui, à lui seul, représente toute la raison de vivre ? Je suis détaché du besoin de célébrité et seul à me demander à quoi sert de peindre, étant donné que je n’en fais plus commerce. C’est inhérent à mon veuvage. Jacqueline avait par sa présence toute raison de le faire. Elle l’avait voulu. Mais je reste viscéralement attaché à peindre, comme intrinsèquement lié à la Femme.

Fatigué ces jours-ci par une infection, je ne pensais plus sortir pour les courses. Mais j’en ressens ce soir le manque au point de me dire qu’il serait bon de retourner faire les courses avec Carole, vendredi. Je trouverai un réconfort à côtoyer l’Espace Culturel pour me réapprovisionner en matériel. Carole demeure tout.

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Niala-Loisobleu.

2 Avril 2025

DANS LE SILENCE DE LA MAISON – CHANTAL COULIOU


DANS LE SILENCE DE LA MAISON – CHANTAL COULIOU

Clair de lune sur le jardin. Les arbres s’affolent blanchis par la nuit. La veilleuse ne suffit pas à calmer les battements de mon cœur.
Par la meurtrière, les éclats de lune lacèrent mon sommeil.

Dans le jardin
l’épouvantail, seul sous l’orage
et sans parapluie

* * *

Pas à pas, prendre toute la mesure de la vie sur l’île. Petites plages abritées, dolmens, menhirs semés au gré du vent. Au loin, un fouillis d’îlots et un morceau du continent.

Cercle de pierres
et palabres des ancêtres
– les pieds dans l’eau

* * *

Le cimetière a des allures fantastiques, illuminé par les faisceaux de l’orage. Les sépultures blanchies à la chaux. Même la chouette du clocher n’ose plus hululer. Le laisser-aller de l’orage l’effraie et l’ossuaire tremble.
Au petit matin, pas d’Angélus. Le clocher est resté muet.

La lumière du jour
joue sur les toits d’ardoise
à cloche-pied

* * *

La course folle des jours sur la table de la cuisine. Le calendrier qui ne veut plus s’arrêter de courir. Ecrire debout, tout en surveillant la cuisson du bœuf bourguignon dans le tranchant du soir quand le corps se vide de son énergie et se délivre de ses incertitudes dans l’errance d’un verre de vin.

La liste des courses
sur l’ardoise
– pas de volontaires

* * *

Tout le monde s’agite autour du cimetière. Sur les tombes fraîchement nettoyées, lavées et briquées, l’uniformité des chrysanthèmes. Bientôt la Toussaint. Même l’orage s’en mêle. Quelques coups de tonnerre retentissent. Des éclairs zèbrent le ciel au regard sombre.

Une veste oubliée
au milieu du cimetière
celle du jardinier ?

Chantal Couliou