Heather Dohollau, La Terre âgée


Quelques heures de lecture sur un banc 
De jardin public en bordure de route 
La poussière et le bruit ratissent de près 
Mais les arbres sont hauts et au soleil 
Les passants portant couleurs de l’été 
Se meuvent en transparence sur les eaux des yeux 
 
○ 
 
Les jardins d’Été sont des lits de feuilles 
Tombées au travers d’heures qui furent uniques 
Une musique jouée ici sous les arbres 
Un dimanche matin seul de toute une vie 
 
○ 
 
Les petites choses : une boîte de laque rouge 
Avec un héron ou peut-être une grue 
Porté en signe léger entre ciel et terre 
Notre immortalité en brindilles d’or 
Sur une nappe de sang 
 
Des livres de la taille d’une main 
Aux doigts serrés où un oiseau bleu 
Se pose parmi les fleurs 
Et change de place 
Suivant la coupe du sort 
 
Deux toiles de Monet d’une grande taille 
Où la gardienne de la salle me montre 
Dans l’une, une datcha dans une clairière 
À peine visible, dans l’autre 
Une ronde de statues comme une bague de fée 
 
Ces images glissées parmi les valises 
Chargées des livres des autres – les grandes aimées 
Les voix qui portent une terre et toutes ses heures – 
De la menue monnaie pour un proche cerbère 
 
 
Heather Dohollau*, La Terre âgée, Folle Avoine, 1996, pp. 61-63. 

https://www.youtube.com/watch?v=3lz3px4dTU8
 

SEVRAGE EN VIE A VIS


SEVRAGE EN VIE A VIS

A l’angle rendu, où la tournure des choses arrive à bout de souffle, le tourbillon qui aspire dans un vide auquel on a jamais participé, mais qui enferme sans issue la nature créative, monte son rempart au point que l’échelle se montre trop courte

Les joues pâles et les doigts gourds, passent sans pouvoir s’arrêter au chevalet, comme séparés d’air, sans force, éteints, l’ombre d’un convoi funèbre coincée dans le regard. Qui a pu anesthésier une énergie que rien n’avait pu faire fléchir jusqu’ici ?

Oh, c’est plus simple qu’on le dit

Il s’agit juste d’un sevrage de racines

La communication souterraine a rencontré un éboulement cyclonique à même de faire douter de la poésie

Tout ce qui venait de la centrale de l’espoir s’est trouvé mis hors du pont aérien, derrière de fausses promesses, le gouffre qui s’ouvre, avale tout ce qui ne pouvait qu’être amour d’aimer, peindre, écrire, échanger et cherche les mains en vain

La cruche est allée trop à l’ô

se servir de Noël comme un symbole

dépasse aujourd’hui les limites autorisées, à tel point que le Pape bifurque de Notre-Dame

Prendre chaque jour comme absent devient la reconnaissance du néant, ce qui m’est incompatible

Je tends l’oreille à l’angle de ces deux tableaux, pour tenter une foi en corps, de rejoindre l’impossible étoile et le feu sacré, afin de chasser la sensation de nager pour rien

Sortir de l’énergie, un bout de planche, je ne pense qu’à ça, mais il ne faudrait pas que ça soit celle d’un cercueil qui se montre

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Niala-Loisobleu.

17 Décembre 2024