AU RAPPEL DES TOISONS PAR ALEXANDRE VOISARD


AU RAPPEL DES TOISONS

PAR

ALEXANDRE VOISARD

Ainsi dire
Au fond de soi on écoute
des conciliabules de sources ravivées
des airs revus à la hausse
comme disent les comptables
au bout du train-train

quelqu’un parle en son for intérieur
quelque bègue bavard sans doute
qui des anges apprit le langage
des gestes rabrouant le tribun
perdu aux barbelés de sa harangue

entre dire et parler la langue
s’émousse de message en boniment
les hoquets de la pensée à tiroirs
sans fin ramènent à la question Est-ce
ma mère que j’entends prier en creux de conque

il arriva que l’on célèbre le silence
comme germe fondateur d’une poésie
à naître loin du cœur entre les pierres
au-delà des arcanes et des sables
où s’exila le verbe en chair de figue

c’était le temps des vagues en trompe-l’œil
on s’entendait rêver de chambre en chambre
en sommant le sommeil de s’arrêter
au pli du paysage quand le chemin
à l’invite du vent fait demi-tour

on espérait pouvoir amadouer
la distance entre ciel et terre
comme l’écimeur aux mains calleuses
en avait convenu avec les corneilles
incorrigibles prometteuses

tout cela a vécu tant sous les huées
qu’à l’énoncé de nos pauvres mérites
alors que nous aspirions à enseigner
aux compagnons fourbus à voir plus loin
que les bravos glanés au miroir patelin

un vœu persiste à la fenêtre matinale
où la fillette assise au bord des larmes
prononce bleu bleu pour dire violet
« que désormais toute fleur meurtrie
soit décrite en petites phrases sautillantes »

on s’adresse aux arbres une dernière fois
on les étreint on leur parle tout bas
pour leur faire dire et redire
ce qu’ils savent d’en bas et qui hante
ce qu’ils savent d’en haut et qui feint.

Alexandre Voisard