« INTIME CONVICTION »- NIALA 22/07/24 – ACRYLIQUE S/TOILE 61X50


« INTIME CONVICTION »

NIALA 22/07/24

ACRYLIQUE S/TOILE 61X50

En ce temps d’incertitude et d’usage abusif de la laideur

bien qu’à table on ne serve plus de soleil

l’envie de beau me crie de lui ôter ses crampes

Je nous écarte et à l’abri du jardin

(celui qui n’a rien d’une décharge publique)

je nous assois parmi les fleurs

sans rien porter d’autre sur nous que ce que la nature la plus populaire

et respectueuse de l’Arbre de Vie transporte dans toutes les cosmogonies.

.

Niala-Loisobleu.

22 Juillet 2024

TRACE BUCCALE


TRACE BUCCALE

Sans fin regarder se former la goutte d’eau

Pression du sentiment de soif

Que la pépie de vivre sonde

Et hisse hors du puits foré par la langue

A l’instant où la fontaine de ton regard chantera

Amener ton corps nu à s’abreuver

De toutes les permissivités que l’indécence autorise

Avant que la bouche ne se remplisse de taire

aller voir jusqu’à la fin de l’ombre

ta pomme d’Adam régler son pas à la mienne.

.

Niala-Loisobleu.

22 Juillet 2024

LE FIGUIER DE LA COLLINE


LE FIGUIER DE LA COLLINE

S’il a choisi ce coin retiré pour se planter là

ne cherchez pas la réponse dans la table des matières

certaines choses n’ont pas à répondre, laissez-les suivre leur instinct

Il m’a fallu quitter la grande artère

pour monter sur la mer en gardant pied-à-terre…

.

Niala-Loisobleu.

22 Juillet 2024

LES RUDERALES – HARRY SZPILMANN


LES RUDERALES

HARRY SZPILMANN

Les rudérales sont des plantes qui poussent en toute liberté sur les terrains en friche, sur les bords des chemins ou dans la proximité de l’habitat humain. Et telle apparaît la parole poétique de Harry Szpilmann, singulière autant que remarquable par la lucidité dont elle fait preuve et la liberté d’expression qu’elle s’autorise. Le monde des Rudérales se construit en réponse à une attente toujours fragile et indécidable, à l’étonnement face à ce qui se montre, la rencontre du réel, sa morsure. C’est toute la présence de l’expérience sensible qui se trouve mobilisée, cependant que cette profusion du regard se double d’une réflexion sur le livre en train de se faire et les possibilités de l’écriture poétique, sa puissance et sa précarité. Pour autant, aussi attentive soit-elle aux ressorts de la parole et à leur soubassement de silence, la poésie d’Harry Szpilmann n’a rien d’un simple jeu formel. Elle se maintient coûte que coûte sur le fil d’une interrogation inquiète, pointant les désastres approchés par l’image, par l’imaginaire, afin de ramener à soi la matière improbable qui insuffle au poème sa chair et son tracé.

Ce poète ébranle ma sensibilité à tel point qu’aujourd’hui j’ai mis une nouvelle toile en chantier en laissant ma main-gauche le suivre, certain, de trouver de qui vivre dans ce genre de friche

Niala-Loisobleu.

21 Juillet 2024

SOUS L’ECORCE


SOUS L’ECORCE

Ces mots de vertèbre laissés en passage

portent du bas du cou au lobe de l’oreille

l’ouverture des fenêtres de la chambre du ventre

Si le vent venu du large fait sonner les seins à la volée

c’est en quelque sorte un bouche-à-bouche qui leur est fait

pour tenir l’oxygène à la hauteur du trajet en corps à parcourir

Sous l’arche pas besoin de billet pour embarquer au nouveau Tour de l’Île

au-delà de la marée basse le père ne partira pas seul.

.

Niala-Loisobleu.

21 Juillet 2024

VIE PRIVEE 1 (REPRISE)


VIE PRIVEE 1

Dans le tiroir de la chemisette que je ne mets pas pour aller à la pêche, un jour j’ai mis un bouchon pour que mes affaires ne me fuient plus. Si on pouvait faire pareil avec la mémoire des gens on perdrait moins d’amis, enfin moins de connaissances. Pourquoi j’ai pas de chemise de pêche et pas de canne ? Ah parce que je bois plus…bof, ça ne m’empêche pas d’être saoul du matin au soir si j’allume la radio  –  tous ces mirages que les heures débitent ça pourrait replanter l’Amazonie si on fermait les médias -j’habite un palier de décompression dans le Grand Bleu. Derrière la rampe de lancement des bateaux en papier, avec sans chien et pas plus de chat. Ma voisine a un gros caractère quand elle l’étend après l’avoir mis au rince-doigts je redeviens le petit garçon qui de la rue de Verneuil allait au grand rocher du zoo de Vincennes ceuillir des grimaces. Au travers du mur de refend, l’immeuble est de ces vieilles maisons de nos campagnes, pierre de taille de 0,70, ma voisine me remet l’image et le son à l’heure du repas des grands fauves quand après le jeûne on leur ouvrait Vaugirard avant abattage. Le Lundi c’est là que c’est le plus intense, elle travaille pas les week-ends, ça monte jusqu’aux odeurs.

Si nous n’avions pas nos sens que deviendrions-nous dans ce labyrinthe ?

Niala-Loisobleu

31 Janvier 2015

P.S.: Un homme que j’ai connu au début d’un chemin de vie est mort hier

Seul.

Je l’imagine avec tout autour de lui une odeur de pain. De quoi faire du monde. Cette longue pelle qui rentre dans le four prendre le corps d’un symbole propre à chacun. Il a pétri la vie des années durant avant que le four s’éteigne. Dans le jardin la balançoire passe entre son portique comme un mouvement de recul…

AMOUR AU MENU


AMOUR AU MENU

Le plat des jours monté en soufflé

C’est vahiné

Un collier de fleurs sur la vivacité des seins

Les hanches déboîtées de l’aire de stationnement

De quoi emmener le dimanche à la plage trouver un changement énergétique !

Niala-Loisobleu.

21 Juillet 2024

TRAVERSÉE


TRAVERSÉE

Du pied gauche

Sur la pointe Océane

En couple avec le vent

L’anatomie d’une plante femelle

Que des mains peaufinent

La nature du musc relève le souvenir d’un frêtement d’épices dans les cales du corps

Un tigre d’une chasse à l’éléphant feulant dans cette partie du voyage

On imagine un retour à bord d’une toile…

Niala-Loisobleu.

20 Juillet 2024

SABLE D’APHASIE – HARRY SZPILMANN


Nous avons le plaisir de vous présenter des extraits du recueil de poésie

*Sable d’aphasie* du poéte Harry Szpilmann.

(Texte original en français par Harry Szpilmann, traduit en espagnol par Zaida Olvera)

***

Cette voix prisée dans son retrait, je peux l’entendre qui se détourne vers l’aigle et vers l’agate, les mimosas, les seringuas. Elle cherche à s’ajuster dans une friction de la nature.

Elle qui retenait sa sève, qui séquestrait le corps du lierre, je peux l’entendre, si frêle mais imminente, à l’apogée de ses propres cendres. 

Je peux l’entendre qui pour la première fois s’écorche dans le fouillis de l’ombre, elle qui se lie se fend enfin d’une appétence prompte à étayer le cours de sa capture.         

Car, dans un désert si lent, que ne risquerait-elle pas à remuer le ciel, à renverser l’humus, à secouer le sable de son aphasie ?

A esta voz codiciada en su repliegue, puedo escucharla, tornándose hacia el águila y el ágata, hacia mimosas y seringas. Buscando acomodarse dentro de una fricción de la naturaleza.

A ella que retenía su savia, que secuestraba el cuerpo de la hiedra, puedo escucharla,  tan frágil pero inminente, en el apogeo de sus propias cenizas.

Puedo escucharla rasgándose por vez primera en la espesura de la sombra, a ella, que se enrosca se resquiebra finalmente, ávida por ahorquillar el cauce de su captura.

Pues en un desierto tan lento ¿Qué no arriesgaría ella para remover el cielo, para volcar el humus, para sacudir la arena de su afasia?

*

Ce qui le force et qui l’oblige est sans présence.

Un déploiement sans ombre, plaine de geysers sans confins. Qui se lient dans ses veines comme l’oxygène relève du feu. L’aride et l’abondant, la sobriété du vivant.

Ainsi prise dans la catastrophe qui l’élimine en l’enjoignant, la fragile existence de tout étant s’élève à la limite, la bombardant, la franchissant à l’embrasure d’un plan où le seigle et le schiste, les trembles et la myrrhe entament l’alliage de leur essence.

Lo que lo fuerza y lo obliga es sin presencia.

Un despliegue sin sombra, llanura de manantiales sin confín. Que se lían en sus venas como el oxígeno incumbe al fuego. Lo árido y lo abundante, la sobriedad de lo viviente.

Atrapada así en la catástrofe que la elimina y la  conmina, la existencia frágil de cada cosa se eleva hasta el límite, la hostiga, la atraviesa hasta el resquicio de un plano en donde el centeno y el esquisto, los álamos y la mirra, inauguran la aleación de sus esencias.

*

Que le poème ici se fende d’une disruption

afin que la lavande puisse faire entendre

sa sobre revendication.

Que el poema se hienda aquí de un quiebre

 para que la lavanda de a oír

su sobria reivindicación. 

*

Même si difficilement, nos diaphragmes se soulèvent aux dimensions de l’herbe, de l’eau, s’élèvent à l’avènement d’espaces, de prises, de pierres captieuses, toujours s’apprêtent à expirer ce peu de résidus d’un souffle en perte de vitesse.  

Même si laborieusement s’écrit par immersion, suffocation, désœuvrement…

Aunque con pena alcancen nuestros diafragmas las dimensiones superiores de la hierba, del agua, con pena se eleven hacia el advenimiento de espacios, de arriaz, de piedras capciosas, siempre están dispuestos a expirar ese parco resto de soplo menguante.

Aunque con pena, se escribe por inmersión, sofocamiento, desarraigo…

*

Il reste encore dans l’ombre de l’épis nombre granules, nombre flocons aux plaies ouvertes. Suffisamment d’influx fortuit pour dégager ton sang et saouler ta salive. Ces vrilles œuvrant sous la poudreuse, les renoncules qui se révulsent, ces chrysalides que l’on entend suinter sous les escarres : ne sont-ce pas là appels à périlleuses pépites, à s’associer les myrtes pour épauler l’hiver mutique ?

Todavía quedan, a la sombra de la espiga, raudales de pequeños granos, raudales de copos con llagas abiertas. Suficiente flujo fortuito para despejar tu sangre y embriagar tu saliva.  Zarcillos que obran bajo la polvareda, ranúnculos conmocionados, crisálidas oyéndose rezumar bajo las costras: ¿No son todo ello convites a peligrosas pepitas, a que se asocien los mirtos para amparar al mudo invierno?

*

Par la baratte de l’air

et les rafales d’un alphabet

                               proscrit

ces écritures –

détonations dans l’immobile,

essaiment à la lavande,

à la poussière

des bris d’espaces, des serres,

une ligne de vol

            drainant la terre

du vide

accumulé au bas des pierres.

Con el batir del aire

y ráfagas de un alfabeto

                                       proscrito

escrituras –

detonaciones en lo inmóvil,

dispersan en la lavanda,

en el polvo

fracturas de espacios, de garras,

una línea de vuelo

                drenando la tierra

del vacío

acumulado al ras de las piedras.

*

Dans les soudures de soleil nu,

l’armoise et la bruyère,

            voyantes,

entament l’espace intermédiaire,

excisent du sol leur soif,

                         leurs feuilles

au revers desquelles s’épuise

le texte

            pris au piège

    de leur sécheresse.

En las junturas de sol desnudo,

la artemisa y el brezo,

        clarividentes 

abren el espacio intermedio,

extirpando del suelo su sed,

                                    sus hojas

y a su  reverso se fatiga

el texto

             preso en la trampa

             de su aridez.

*

 « Sable d’aphasie » fut initialement publié par les éditions du Taillis Pré. 

 Sable d'aphasie de Harry Szpilmann

Harry Szpilmann (Belgique 1980) est l’auteur de « Sable d’aphasie » (prix Emile Polak 2012), « Ces espaces à la base« , « Les rudérales« , « Liminaire l’ombre« , et « Du vide réticulaire » (à paraître prochainement). Ses textes ont en outre été publiés dans une quinzaine de revues. Lauréat de la bourse de poésie SPES 2015, photographe amateur et traducteur à ses heures, il vit actuellement à Mexico City, où il se consacre à l’écriture.