TRAVERSÉE


TRAVERSÉE

Du pied gauche

Sur la pointe Océane

En couple avec le vent

L’anatomie d’une plante femelle

Que des mains peaufinent

La nature du musc relève le souvenir d’un frêtement d’épices dans les cales du corps

Un tigre d’une chasse à l’éléphant feulant dans cette partie du voyage

On imagine un retour à bord d’une toile…

Niala-Loisobleu.

20 Juillet 2024

SABLE D’APHASIE – HARRY SZPILMANN


Nous avons le plaisir de vous présenter des extraits du recueil de poésie

*Sable d’aphasie* du poéte Harry Szpilmann.

(Texte original en français par Harry Szpilmann, traduit en espagnol par Zaida Olvera)

***

Cette voix prisée dans son retrait, je peux l’entendre qui se détourne vers l’aigle et vers l’agate, les mimosas, les seringuas. Elle cherche à s’ajuster dans une friction de la nature.

Elle qui retenait sa sève, qui séquestrait le corps du lierre, je peux l’entendre, si frêle mais imminente, à l’apogée de ses propres cendres. 

Je peux l’entendre qui pour la première fois s’écorche dans le fouillis de l’ombre, elle qui se lie se fend enfin d’une appétence prompte à étayer le cours de sa capture.         

Car, dans un désert si lent, que ne risquerait-elle pas à remuer le ciel, à renverser l’humus, à secouer le sable de son aphasie ?

A esta voz codiciada en su repliegue, puedo escucharla, tornándose hacia el águila y el ágata, hacia mimosas y seringas. Buscando acomodarse dentro de una fricción de la naturaleza.

A ella que retenía su savia, que secuestraba el cuerpo de la hiedra, puedo escucharla,  tan frágil pero inminente, en el apogeo de sus propias cenizas.

Puedo escucharla rasgándose por vez primera en la espesura de la sombra, a ella, que se enrosca se resquiebra finalmente, ávida por ahorquillar el cauce de su captura.

Pues en un desierto tan lento ¿Qué no arriesgaría ella para remover el cielo, para volcar el humus, para sacudir la arena de su afasia?

*

Ce qui le force et qui l’oblige est sans présence.

Un déploiement sans ombre, plaine de geysers sans confins. Qui se lient dans ses veines comme l’oxygène relève du feu. L’aride et l’abondant, la sobriété du vivant.

Ainsi prise dans la catastrophe qui l’élimine en l’enjoignant, la fragile existence de tout étant s’élève à la limite, la bombardant, la franchissant à l’embrasure d’un plan où le seigle et le schiste, les trembles et la myrrhe entament l’alliage de leur essence.

Lo que lo fuerza y lo obliga es sin presencia.

Un despliegue sin sombra, llanura de manantiales sin confín. Que se lían en sus venas como el oxígeno incumbe al fuego. Lo árido y lo abundante, la sobriedad de lo viviente.

Atrapada así en la catástrofe que la elimina y la  conmina, la existencia frágil de cada cosa se eleva hasta el límite, la hostiga, la atraviesa hasta el resquicio de un plano en donde el centeno y el esquisto, los álamos y la mirra, inauguran la aleación de sus esencias.

*

Que le poème ici se fende d’une disruption

afin que la lavande puisse faire entendre

sa sobre revendication.

Que el poema se hienda aquí de un quiebre

 para que la lavanda de a oír

su sobria reivindicación. 

*

Même si difficilement, nos diaphragmes se soulèvent aux dimensions de l’herbe, de l’eau, s’élèvent à l’avènement d’espaces, de prises, de pierres captieuses, toujours s’apprêtent à expirer ce peu de résidus d’un souffle en perte de vitesse.  

Même si laborieusement s’écrit par immersion, suffocation, désœuvrement…

Aunque con pena alcancen nuestros diafragmas las dimensiones superiores de la hierba, del agua, con pena se eleven hacia el advenimiento de espacios, de arriaz, de piedras capciosas, siempre están dispuestos a expirar ese parco resto de soplo menguante.

Aunque con pena, se escribe por inmersión, sofocamiento, desarraigo…

*

Il reste encore dans l’ombre de l’épis nombre granules, nombre flocons aux plaies ouvertes. Suffisamment d’influx fortuit pour dégager ton sang et saouler ta salive. Ces vrilles œuvrant sous la poudreuse, les renoncules qui se révulsent, ces chrysalides que l’on entend suinter sous les escarres : ne sont-ce pas là appels à périlleuses pépites, à s’associer les myrtes pour épauler l’hiver mutique ?

Todavía quedan, a la sombra de la espiga, raudales de pequeños granos, raudales de copos con llagas abiertas. Suficiente flujo fortuito para despejar tu sangre y embriagar tu saliva.  Zarcillos que obran bajo la polvareda, ranúnculos conmocionados, crisálidas oyéndose rezumar bajo las costras: ¿No son todo ello convites a peligrosas pepitas, a que se asocien los mirtos para amparar al mudo invierno?

*

Par la baratte de l’air

et les rafales d’un alphabet

                               proscrit

ces écritures –

détonations dans l’immobile,

essaiment à la lavande,

à la poussière

des bris d’espaces, des serres,

une ligne de vol

            drainant la terre

du vide

accumulé au bas des pierres.

Con el batir del aire

y ráfagas de un alfabeto

                                       proscrito

escrituras –

detonaciones en lo inmóvil,

dispersan en la lavanda,

en el polvo

fracturas de espacios, de garras,

una línea de vuelo

                drenando la tierra

del vacío

acumulado al ras de las piedras.

*

Dans les soudures de soleil nu,

l’armoise et la bruyère,

            voyantes,

entament l’espace intermédiaire,

excisent du sol leur soif,

                         leurs feuilles

au revers desquelles s’épuise

le texte

            pris au piège

    de leur sécheresse.

En las junturas de sol desnudo,

la artemisa y el brezo,

        clarividentes 

abren el espacio intermedio,

extirpando del suelo su sed,

                                    sus hojas

y a su  reverso se fatiga

el texto

             preso en la trampa

             de su aridez.

*

 « Sable d’aphasie » fut initialement publié par les éditions du Taillis Pré. 

 Sable d'aphasie de Harry Szpilmann

Harry Szpilmann (Belgique 1980) est l’auteur de « Sable d’aphasie » (prix Emile Polak 2012), « Ces espaces à la base« , « Les rudérales« , « Liminaire l’ombre« , et « Du vide réticulaire » (à paraître prochainement). Ses textes ont en outre été publiés dans une quinzaine de revues. Lauréat de la bourse de poésie SPES 2015, photographe amateur et traducteur à ses heures, il vit actuellement à Mexico City, où il se consacre à l’écriture. 

HARRY SZPILMANN


HARRY SZPILMANN

À la façon d’un ciel inassouvi
ou d’une source balbutiante,

et sous l’égide toujours
des oiseaux conciliants,

je vise l’énigme
du corps chantant.

Vivant
qui s’efforce vers l’éclat.

Dût-il chemin faisant
se découvrir

désert sans bord,
nuit sans rivages,

silence sans fond.

La nuit auréolant chaque geste,
embuant chaque silence,
leste l’écoute et obstrue le regard.

Mais l’influx qui des fleuves
aux volcans se partage et se répand,
incessamment nous renvoie

à cette musique de terre
qui persiste et vrombit et fait
voler l’Obscur en éclats.

Quel amour
ne nous fut à la fois
dévastateur et revitalisant,
nous qui de toute éternité fêtons
les noces du vent avec la flamboyante
folie des giroflées ?

À travers pierres
comme à l’entour des roseaux,

à la suite des ruisseaux
comme en orbite des abeilles,

en voisinage d’éclair
comme aux pourtours des primevères,

et même
dans le sillage de l’Obscur,

le jour ne se peut décliner
que par les vocables du feu.

Océan à elle seule cette alouette
qu’enfièvre le printemps, le prolongeant
jusqu’à ton ciel natif.

Ainsi sommes-nous liés
à l’insondable qui nous révèle
et nous relie.

Cette inconnue
que le jour tente d’assimiler
continûment exile dans l’invisible
la flamme dont s’alimente sa persistance.

Tandis qu’au large
patiente le passeur d’ombre,

vivant relais de l’Innommable.

Écrire –

ne pouvant vivre
que conjugué,

par le corps et son souffle,
par le silence et son signe,

à l’accroissement du respirable.

Rien ne s’écrit ici
que la fêlure d’une vie
qui brûle à travers signes
de sonder sa soif
jusqu’à la mise à nu
de sa source inaugurale.

Harry Szpilmann

EN MARGE


EN MARGE

Etroitement mêlés mais séparés

sur la plate-forme du métro

ils vont sans à priori correspondre

De temps à autre une main suit un désir de rapprochement

que le tangage pousse plus avant

ou renvoie par dessus bord

Le même geste trouve son chemin par destinations diverses

que la Rose des Vents accrédite ou pas.

Images de Front Populaire

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Niala-Loisobleu.

20 Juillet 2024