Herbages lointains


Herbages lointains

La verdure traîne un nuage assourdissant son rire de jeunesse en boitillant pendant qu’assis dans l’impasse d’un jour arrêté je parle tout seul. On est où me demande la voie close ? Paradoxal cadran solaire qui cherche à mettre l’heure aux veines de mon poignet. La maison n’est plus habitée que par des vieux films durant l’entracte privé d’exquis mots. Un perroquet nu dans le hall d’entrée tourné vers la porte répète sans cesse : Oui, entrez…sans que ça sonne. Au bout du couloir les arbres en perdant leurs feuilles vont s’y mettre aussi. Je ne reconnais rien de ce qui méritait le nom de rentrée tant tu manques au concept que j’en ai.

Niala-Loisoblleu.

2 Septembre 2023

JUDITH CHAVANNE


Judith Chavanne

Judith Chavanne est née dans l’Isère mais vit et

enseigne actuellement en Ile-de France.
Elle est membre du jury du premier recueil.

Extrait de Entre le silence et l’arbre, Gallimard, 1997

On n’aura pas osé couper le cerisier lorsqu’on a bâti le mur encerclant la fabrique ; on l’aura laissé, serré par le béton, et menaçant de le rompre, menacé de croître d’un seul côté sans harmonie.
Il se déploie ici pour qui le découvre comme l’épanouissement insolite, au printemps surtout lorsqu’il est en fleur dans ce lieu de houille, de formes sévères et géométriques – rectangles et cheminées d’usine –, comme l’air rassemblé en fleurs quand tout œuvre autour à l’asphyxie.
Mais quel est-il pour ces hommes qui chaque matin pénètrent dans l’enceinte jusqu’à la nuit et, comme si c’était depuis toujours, travaillent la matière lourde, les couleurs ternes, le bruit — qu’est donc cet arbre dans le site de l’usine ?
Rien sans doute qui les préoccupe ni même qu’ils aperçoivent, si ce n’est au hasard. Mais si le hasard venait à faillir et le cerisier ne plus surgir au détour d’un regard ? Ils verraient dans l’arbre l’espoir, désormais absent.

Source Terre à Ciel

Que le s’Elle garde son flôt


Que le s’Elle garde son flôt

Toutes lessives faites écarter les salissures qui sont impropres à la toilette de la vie à toute époque

Nous voici venus au jugement sain de ce qui est et trouve que choisir le naturel du sein verdit plus l’herbe que le baratin d’un hâbleur de jardin

Chaque matin qui s’abandonne au désespoir détruit la nature du territoire que l’amour assainit

Tu as regardé derrière la vérité au point d’être emportée du mauvais côté

L’épouvantable maigreur qui lèpre ce qui fait la vie est répugnante a mes doigts de couleur

Je peins la générosité des fesses en accroche avec la joie choisie par ce qui bat dans le cœur qui manquera toujours aux faux-nibards.

Niala-Loisobleu.

2 Septembre 2023