INITIATION PAR FERNANDO PESSOA


INITIATION

PAR FERNANDO PESSOA

Tu ne dors pas sous les cyprès
car il n’est de sommeil en ce monde…
Le corps est l’ombre des vêtements
qui dissimulent ton être profond.

Vient cette nuit qu’est la mort,
et l’ombre s’achève sans avoir été.
Tu vas dans la nuit, simple silhouette,
Égal à toi contre ton gré.

Mais à l’Hôtellerie de l’Épouvante
les Anges t’arrachent ton manteau.
Tu poursuis sans manteau sur l’épaule
avec le peu qui te protège.

Lors les Archanges du Chemin
te dépouillent et te laissent nu.
Tu n’as plus ni vêtements ni rien :
tu n’as que ton corps, qui est toi.

Enfin, dans la profonde caverne,
les Dieux te dépouillent plus avant.
Cesse ton corps, âme externe,
Mais en eux tu vois tes égaux.

Le Sort n’a laissé parmi nous
que l’ombre de tes vêtements.
Tu n’es pas mort sous les cyprès.
Néophyte, il n’est point de mort.

Fernando Pessoa

Horizon vide


Horizon vide

Le voisinage exode au loin

Le temps ne tourne qu’en rond depuis 18 jours quand en partant en criant mon nom, tes mains se sont décrochées de notre monde

A qui demander de reprendre la trajectoire qui mène au pont à part toi quelque soit ton état de Peintre Veeuf ?

Niala-Loisobleu.

31 Juillet 2023

images qui sortent par les fissures


IMAGES

QUI SORTENT PAR LES FISSURES

Dans l’ombre d’un dimanche, le vent agite les branches épinglées aux pages de cette maison vide

D’un cheval de Chine, un oiseau-marin de Moëze-Oléron, des récits de Vincent à sa solitude, un meuble grince son bois d’ormeau entre une pile d’assiette et des bouteilles qui resteront pleines. Sur leurs fils pendent des éléphants et des chevaux, marionnettes de Birmanie contre un album de bruits de jungle. Le feu s’empare des os au point que je ne tiens plus debout pour peindre

La main reste cousue dans la poche des fontes du cheval

Et toujours ce parfum d’iode qui sort de la pompe pour laver l’inventaire des jours passés faisant sa vaisselle sur le timbre de pierre

Entre les sculptures que l’abbaye garde loin du bruit des voitures

le tympan roman s’accorde aux courbes des voussures, une gabare serait passée par l’écluse d’une chanson de quais

Comme c’est drôle cette incompatibilité de vie riche en évènements qui réside d’une pièce à l’autre avec l’arrêt sur images qu’une panne à mis sur la voie

Grandes lignes du côté Départ

Un mouchoir pour au revoir

Les pommes se frippent sur les claies autour des poteries mises en nature-morte

Et le cadran-solaire défenestre les heures en serrant la gorge du soleil au fond du jardin, le papier qui traîne sur la table est un questionnaire sur un futur lent de mains….

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Niala-Loisobleu.

30 Juillet 2023

PROMENADE AMAZONE


PROMENADE AMAZONE

Par la prairie herbue d’un nouveau matin, elle sort en amazone du box d’années d’attente

Cette rosée contient ce qui ne peut tromper sur le genre

et le chien a traversé le mur sans attendre qu’on lui ouvre la porte

C’est bien le bruit des vagues qui borde le pore où toutes sortes d’embruns assemblent l’odeur

le cap est résolu, des baleines à bosse s’y rendent

l’époque de reproduction passe par le banc de corail mêlé d’anémones prodiges

qui ont ratissé les épaves devant leur porte..

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Niala-Loisobleu.

30 Juillet 2023

LE SAUT DE L’AMOR


LE SAUT DE L’AMOR

La noirceur d’un ciel de deuil écharpe l’horizon d’un Juillet d’une angine qui enroue la vie à contresens des récoltes de saison

Se remet-on de ce type de disparition ?

La mer n’avait jamais été si vaste autour et semble-t-il si distante de tout secours qu’on finit par s’abonner aux objets-perdus qu’un chagrin active

La chute faite hier dans le magasin ce matin éclaire autrement le chemin

On ne peut que lutter seul

Personne ne peut effacer ce qui n’appartient qu’à soi

La vie ne meurt jamais, elle se régénère toujours à partir de l’être qui ne manque pas d’être présent

L’espoir est la rampe qui fait parapet au vide en écopant le trop-d’eau naturel…

Niala-Loisobleu.

29 Juillet 20

a la joue des cuisses


A LA JOUE DES CUISSES

Dans le profil d’un voyage lointain le gras de la cuisse à l’entrée des narines

rapproche la distance à sentir les fragrances locales de la personne

Sous la crinière d’un mustang que de vastes espaces

et au sommet des grands cactus le piquant rappelle un succès des années 60

Voilà de quoi passer des vacances amoureuses en escomptant que la rentrée se décidera à les prolonger vers les calendes de Cythère sans besoin de se convertir à un régime aphrodisiaque.

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Niala-Loisobleu.

28 Juillet 2023


DEDHAM, VU DE LANGHAM

PAR YVES BONNEFOY

DEDHAM, VU DE LANGHAM

PAR YVES BONNEFOY


L’été est sombre

Où des nuages se rassemblent.
On pourrait croire

Que tout cela, haies, villages au loin,

Rivière, va finir.
Que la terre n’est pas

Même l’éternité des bêtes, des arbres,

Et que ce son de cloches, qui a quitté

La tour de cette église, se dissipe,

Bruit simplement parmi les bruits terrestres,

Comme l’espoir que l’on a quelquefois

D’avoir perçu des signes sur des pierres

Tombe, dès qu’on voit mieux ces traits en désordre,

Ces taches, ces sursauts de la chose nue.

Mais tu as su mêler à ta couleur
Une sorte de sable qui du ciel
Accueille l’étincellement dans la matière.
Là où c’était le hasard qui parlait
Dans les éboulements, dans les nuées,
Tu as vaincu, d’un début de musique,
La forme qui se clôt dans toute vie.

Tu écoutes le bruit d’abeilles des choses claires,

Son gonflement parfois, cet absolu

Qui vibre dans le pré parmi les ombres,

Et tu le laisses vivre en toi, et tu t’allèges

De n’être plus ainsi hâte ni peur.

O peintre,

Comme une main presse une grappe, main divine,

De toi dépend le vin; de toi, que la lumière

Ne soit pas cette griffe qui déchire

Toute forme, toute espérance, mais une joie

Dans les coupes même noircies du jour de fête.

Peintre de paysage, grâce à toi

Le ciel s’est arrêté au-dessus du monde

Comme l’ange au-dessus d’Agar quand elle allait,

Le cœur vide, dans le dédale de la pierre.

Et que de plénitude est dans le bruit,

Quand tu le veux, du ruisseau qui dans l’herbe

A recueilli le murmure des cloches,

Et que d’éternité se donne dans l’odeur

De la fleur la plus simple!
C’est comme si

La terre voulait bien ce que l’esprit rêve.

Et la petite fille qui vient en rêve

Jouer dans la prairie de
Langham, et regarde

Quelquefois ce
Dedham au loin, et se demande
Si ce n’est pas là-bas qu’il faudrait vivre,
Cueille pour rien la fleur qu’elle respire
Puis la jette et l’oublie; mais ne se rident
Dans l’éternel été
Les eaux de cette vie ni de cette mort.

II

Peintre,

Dès que je t’ai connu je t’ai fait confiance,

Car tu as beau rêver tes yeux sont ouverts

Et risques-tu ta pensée dans l’image

Comme on trempe la main dans l’eau, tu prends le fruit

De la couleur, de la forme brisées,

Tu le poses réel parmi les choses dites.

Peintre,

J’honore tes journées, qui ne sont rien

Que la tâche terrestre, délivrée

Des hâtes qui l’aveuglent.
Rien que la route

Mais plus lente là-bas dans la poussière.

Rien que la cime

Des montagnes d’ici mais dégagée,

Un instant, de l’espace.
Rien que le bleu
De l’eau prise du puits dans le vert de l’herbe
Mais pour la conjonction, la métamorphose
Et que monte la plante d’un autre monde,
Palmes, grappes de fruits serrées encore,
Dans l’accord de deux tons, notre unique vie.
Tu peins, il est cinq heures dans l’éternel
De la journée d’été.
Et une flamme
Qui brûlait par le monde se détache
Des choses et des rêves, transmutée.
On dirait qu’il ne reste qu’une buée
Sur la paroi de verre.

Peintre,

L’étoile de tes tableaux est celle en plus

De l’infini qui peuple en vain les mondes.

Elle guide les choses vers leur vraie place,

Elle enveloppe là leur dos de lumière,

Plus tard,

Quand la main du dehors déchire l’image,

Tache de sang l’image,

Elle sait rassembler leur troupe craintive

Pour le piétinement de nuit, sur un sol nu.

Et quelquefois,

Dans le miroir brouillé de la dernière heure,

Elle sait dégager, dit-on, comme une main

Essuie la vitre où a brillé la pluie,

Quelques figures simples, quelques signes

Qui brillent au-delà des mots, indéchiffrables

Dans l’immobilité du souvenir.

Formes redessinées, recolorées

A l’horizon qui ferme le langage,

C’est comme si la foudre qui frappait

Suspendait, dans le même instant, presque éternel,

Son geste d’épée nue, et comme surprise

Redécouvrait le pays de l’enfance,

Parcourant ses chemins; et, pensive, touchait

Les objets oubliés, les vêtements

Dans de vieilles armoires, les deux ou trois

Jouets mystérieux de sa première

Allégresse divine.
Elle, la mort,

Elle défait le temps qui va le monde,

Montre le mur qu’éclaire le couchant,

Et mène autour de la maison vers la tonnelle

Pour offrir, ô bonheur ici, dans l’heure brève,

Les fruits, les voix, les reflets, les rumeurs,

Le vin léger dans rien que la lumière.

Yves Bonnefoy

NAUFRAGE


NAUFRAGE

La tentation de se laisser couler s’empare de l’absence d’espoir

Des jambes happées par l’hélice, un manque de débris porteurs m’engloutit dans l’immobilisme où plonge l’étendue de la peine que l’horizon vide accentue

Comment et par quel bout trouver la nage à prendre pour se sortir de la noyade ?

Niala-Loisobleu.

27 Juillet 2023

angelure de la chaleur


ANGELURE DE LA CHALEUR

Du soleil noir

de la neige caniculaire

et La Chaume imberbe d’oiseaux

expliquent l’inexplicable été anti-saison

comme si le crash de l’avion livrait les valises à domicile

vide d’un chameau sur des dunes pleines de mirages

après le nettoyage l’Atelier s’est coupé les doigts de la main-gauche pour faute d’illusions…

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Niala-Loisobleu.

25 Juillet 2025