La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Dans l’ombre d’un dimanche, le vent agite les branches épinglées aux pages de cette maison vide
D’un cheval de Chine, un oiseau-marin de Moëze-Oléron, des récits de Vincent à sa solitude, un meuble grince son bois d’ormeau entre une pile d’assiette et des bouteilles qui resteront pleines. Sur leurs fils pendent des éléphants et des chevaux, marionnettes de Birmanie contre un album de bruits de jungle. Le feu s’empare des os au point que je ne tiens plus debout pour peindre
La main reste cousue dans la poche des fontes du cheval
Et toujours ce parfum d’iode qui sort de la pompe pour laver l’inventaire des jours passés faisant sa vaisselle sur le timbre de pierre
Entre les sculptures que l’abbaye garde loin du bruit des voitures
le tympan roman s’accorde aux courbes des voussures, une gabare serait passée par l’écluse d’une chanson de quais
Comme c’est drôle cette incompatibilité de vie riche en évènements qui réside d’une pièce à l’autre avec l’arrêt sur images qu’une panne à mis sur la voie
Grandes lignes du côté Départ
Un mouchoir pour au revoir
Les pommes se frippent sur les claies autour des poteries mises en nature-morte
Et le cadran-solaire défenestre les heures en serrant la gorge du soleil au fond du jardin, le papier qui traîne sur la table est un questionnaire sur un futur lent de mains….
Dans le profil d’un voyage lointain le gras de la cuisse à l’entrée des narines
rapproche la distance à sentir les fragrances locales de la personne
Sous la crinière d’un mustang que de vastes espaces
et au sommet des grands cactus le piquant rappelle un succès des années 60
Voilà de quoi passer des vacances amoureuses en escomptant que la rentrée se décidera à les prolonger vers les calendes de Cythère sans besoin de se convertir à un régime aphrodisiaque.
Tombe, dès qu’on voit mieux ces traits en désordre,
Ces taches, ces sursauts de la chose nue.
Mais tu as su mêler à ta couleur Une sorte de sable qui du ciel Accueille l’étincellement dans la matière. Là où c’était le hasard qui parlait Dans les éboulements, dans les nuées, Tu as vaincu, d’un début de musique, La forme qui se clôt dans toute vie.
Tu écoutes le bruit d’abeilles des choses claires,
Son gonflement parfois, cet absolu
Qui vibre dans le pré parmi les ombres,
Et tu le laisses vivre en toi, et tu t’allèges
De n’être plus ainsi hâte ni peur.
O peintre,
Comme une main presse une grappe, main divine,
De toi dépend le vin; de toi, que la lumière
Ne soit pas cette griffe qui déchire
Toute forme, toute espérance, mais une joie
Dans les coupes même noircies du jour de fête.
Peintre de paysage, grâce à toi
Le ciel s’est arrêté au-dessus du monde
Comme l’ange au-dessus d’Agar quand elle allait,
Le cœur vide, dans le dédale de la pierre.
Et que de plénitude est dans le bruit,
Quand tu le veux, du ruisseau qui dans l’herbe
A recueilli le murmure des cloches,
Et que d’éternité se donne dans l’odeur
De la fleur la plus simple! C’est comme si
La terre voulait bien ce que l’esprit rêve.
Et la petite fille qui vient en rêve
Jouer dans la prairie de Langham, et regarde
Quelquefois ce Dedham au loin, et se demande Si ce n’est pas là-bas qu’il faudrait vivre, Cueille pour rien la fleur qu’elle respire Puis la jette et l’oublie; mais ne se rident Dans l’éternel été Les eaux de cette vie ni de cette mort.
II
Peintre,
Dès que je t’ai connu je t’ai fait confiance,
Car tu as beau rêver tes yeux sont ouverts
Et risques-tu ta pensée dans l’image
Comme on trempe la main dans l’eau, tu prends le fruit
De la couleur, de la forme brisées,
Tu le poses réel parmi les choses dites.
Peintre,
J’honore tes journées, qui ne sont rien
Que la tâche terrestre, délivrée
Des hâtes qui l’aveuglent. Rien que la route
Mais plus lente là-bas dans la poussière.
Rien que la cime
Des montagnes d’ici mais dégagée,
Un instant, de l’espace. Rien que le bleu De l’eau prise du puits dans le vert de l’herbe Mais pour la conjonction, la métamorphose Et que monte la plante d’un autre monde, Palmes, grappes de fruits serrées encore, Dans l’accord de deux tons, notre unique vie. Tu peins, il est cinq heures dans l’éternel De la journée d’été. Et une flamme Qui brûlait par le monde se détache Des choses et des rêves, transmutée. On dirait qu’il ne reste qu’une buée Sur la paroi de verre.
Peintre,
L’étoile de tes tableaux est celle en plus
De l’infini qui peuple en vain les mondes.
Elle guide les choses vers leur vraie place,
Elle enveloppe là leur dos de lumière,
Plus tard,
Quand la main du dehors déchire l’image,
Tache de sang l’image,
Elle sait rassembler leur troupe craintive
Pour le piétinement de nuit, sur un sol nu.
Et quelquefois,
Dans le miroir brouillé de la dernière heure,
Elle sait dégager, dit-on, comme une main
Essuie la vitre où a brillé la pluie,
Quelques figures simples, quelques signes
Qui brillent au-delà des mots, indéchiffrables
Dans l’immobilité du souvenir.
Formes redessinées, recolorées
A l’horizon qui ferme le langage,
C’est comme si la foudre qui frappait
Suspendait, dans le même instant, presque éternel,
La tentation de se laisser couler s’empare de l’absence d’espoir
Des jambes happées par l’hélice, un manque de débris porteurs m’engloutit dans l’immobilisme où plonge l’étendue de la peine que l’horizon vide accentue
Comment et par quel bout trouver la nage à prendre pour se sortir de la noyade ?
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