CETTE INTIME VISION


NIALA

CETTE INTIME VISION

La mer en prenant le large suit en ovin ce qui pousse à sombrer

émoi au coeur de cette lucidité

je trouve

tes seins qui s’échappent pour me tirer d’eux-mêmes à la surface

comme le refus du soleil à reconnaître le gel des floraisons du corps

Est-ce pour ça que tu t’appelles Bianca mon rêve ?

je le crois comme

j’ai appris qu’à part l’impossible on ne peut plus rien attendre aujourd’hui des besoins nécessaires à la vie

et là au long des raidissements des heures sans demander pourquoi, je t’ouvre chaque minute de plus

sentant gigoter l’enfoui qui ne demande qu’à s’évader des questionnements pour saillir

Le Bleu Passage

est demandé par la fente terrestre que ton ventre possède pour franchir le non-dit

que ce qui reste ne tombe pas à côté de l’absolu tel que je le conçois sans recours au système de survie.

.

Niala-Loisobleu.

5 Février 2023

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FAUT VIVRE – MOULOUDJI

Malgré les grands yeux du néant
c’est pour mieux nous manger enfant
et les silences et les boucans…
faut vivre

Et bien qu’aveugles sur fond de nuit
entre les gouffres infinis
des milliards d’étoiles qui rient…
faut vivre…

Malgré qu’on soit pas toujours beau
et que l’on ait plus ses seize ans
et sur l’espoir un chèque en blanc
faut vivre…

Malgré le coeur qui perd le nord
au vent d’amour qui souffle encore
et qui parfois encore nous grise
faut vivre…

Malgré qu’on ait pas de génie
n’est pas Rimbaud qui peut pardi
et qu’on se cherche un alibi
malgré tous nos morts en goguette
qui errent dans les rues de nos têtes
faut vivre…

Malgré qu’on soit brave et salaud
qu’on ait des complexes à gogo
et qu’on les aime c’est ça le pire
faut vivre…

Malgré l’idéal du jeune temps
qui s’est usé au nerf du temps
et par d’autres repris en chantant
faut vivre…

Malgré qu’en s’tournant vers l’passé
on est effrayé de s’avouer
qu’on a tout de même un peu changé
faut vivre…
malgré qu’on soit du même voyage
qu’on vive en fou, qu’on vive en sage
tout finira dans un naufrage
faut vivre…

Malgré qu’au ciel de nos poitrines
en nous sentinelle endormie
dans un bruit d’usine gémit
le coeur aveugle qui funambule
sur le fil du présent qui fuit
faut vivre…

Malgré qu’en nous un enfant mort
parfois si peu sourit encore
comme un vieux rêve qui agonise
faut vivre…

Malgré qu’on soit dans l’engrenage
des notaires et des héritages
ou le coeur s’écoeure et s’enlise
faut vivre…

Malgré qu’on fasse de l’humour noir
sur l’amour qui nous en fera voir
jusqu’à ce qu’il nous dise au-revoir
faut vivre…

Malgré qu’à tous les horizons
comme un point d’interrogation
la mort nous regarde d’un oeil ivre
faut vivre…

Malgré tous nos serments d’amour
tous nos mensonges jour après jour
et bien que l’on ait qu’une vie
une seule pour l’éternité
malgré qu’on la sache ratée….

Faut vivre…

Source : LyricFind

Paroliers : Cris CAROL / Marcel MOULOUDJI

COMPLEXES PAR JACQUES PREVERT


GAELLE LALONDE

COMPLEXES

PAR

JACQUES PRÉVERT

En ce temps-lâ, il y avait un roi qu’on appelait Dieu 1″ ou Dieu le seul et qui régnait sur le ciel d’Abraham et de Jacob.

Et Dieu I » fut fâcheusement surpris en apprenant oraculairement et de source sûre que, s’il n’y mettait bon ordre, Jésus, son fils unique, qui venait de naître, le tuerait
un jour, et, un autre jour du plus tard, épouserait sa mère la Reine Lilith, sœur de Satan, lequel assumait les plus hautes fonctions à la Cour.

Cette nouvelle n’était pas réjouissante et Dieu I » entra en grande complexité morose et silencieuse puis, décision prise, il appela un de ses plus dévoués
serviteurs, lui confia le nouveau-né en lui donnant l’ordre de l’emmener sur la Terre, une de ses plus lointaines colonies, et là, de le suspendre par les pieds à la branche d’un
arbre en attendant que, dans les plus brefs délais possibles, une providentielle bête féroce ne fasse de l’enfant qu’une bouchée.

Le serviteur fit de son mieux mais Jésus l’enfant n’excita l’appétit d’aucune bête sauvage.

Elles passaient, s’arrêtaient, le regardaient et s’en allaient. Elles ne pouvaient peut-être pas le sentir. le serviteur dit : « Dieu le veut, c’est affaire entendue mais les
animaux n’en veulent pas, alors je ne peux tout de même pas le manger! »

Et comme il n’avait pas reçu ordre de le tuer, il détacha l’enfant, l’abandonna dans la forêt, retourna à la Cour et, pour ne pas avoir d’ennuis, dit au Roi que la chose
avait été accomplie.

Dieu le seul versa une larme et poussa en même temps un grand soupir de soulagement.

Et Satan, très intrigué par cette larme et ce soupir, obtint en le menaçant terriblement tout en lui promettant le silence, les confidences du pauvre et dévoué
serviteur.

Il pensa que Jésus l’enfant était peut-être encore de ce monde qu’on appelait la Terre.

Il n’avait pas tort.

Mais Jésus l’enfant qui avait d’abord vécu dans la forêt où une bête sauvage, une louve ou un éléphant, est-ce qu’on sait, lui avait donné le sein,
grandit en grâce et en sagesse derrière Dieu le Grand et bientôt devant les hommes, et il entreprit de nombreux voyages sur la terre.

C’est au cours d’un de ces voyages qu’un jour il se trouva en présence d’un sphinx.

Cette bête astucieuse, cruelle et redoutable, proposait charades et devinettes aux voyageurs égarés et comme personne ne trouvait de réponse, tout ce pauvre petit monde
était illico dévoré.

Et le sphinx dit à Jésus : Mon premier est un peau-rouge mon deuxième n’est pas un peau-rouge mon troisième est un indigène d’Océanie mon quatrième n’est pas
un indigène d’Océanie

Et le sphinx répéta plusieurs fois son énumération et conclut ainsi :

Et mon tout fera beaucoup de bruit dans le monde, qu’est-ce que c’est?

Et Jésus répondit:

Sioux, pas Sioux

Papou, pas Papou

Sioux, pas Sioux

Papou, pas Papou

Sioux, pas Sioux

Papou, pas Papou…

Et ainsi de suite, c’est la locomotive à vapeur!

Vous pouvez passer, dit le sphinx, car vous devez avoir réponse à tout.

Et Jésus passa, mais le sphinx le rappela et lui dit : Je sais lire dans les astres sur le tableau noir de la nuit et si j’ai un conseil à vous donner, c’est de ne jamais remettre les
pieds dans votre pays.

Et Jésus répondit :

Mais je n’ai pas de pays.

le sphinx sourit :

Vous l’avez perdu, peut-être, mais si jamais vous le retrouvez, vous tuerez votre père et vous épouserez votre mère, c’est votre destinée.

Alors Jésus entra en grande colère et tua le sphinx, puis fut immédiatement porté en triomphe par la population de la petite, mais prospère principauté où le
fort méchant animal exerçait son droit de péage.

Il devint prince.

Cependant qu’au royaume des Cieux, Dieu I », se promenant dans les jardins du Paradis Céleste qui entouraient le Palais Royal, avait le regard sombre et le sourcil froncé.

Il se sentait vieillir, et comme il n’avait pas d’âge, ça l’inquiétait.

Lilith, sa femme, au contraire, paraissait de jour en jour plus jeune, plus belle, et Satan son frère, gardait toujours un inquiétant sourire.

Dieu I » ne voyait pas cela d’un bon œil.

À cette époque, l’amour fraternel était souvent équivoque et trouble et Dieu le père, ayant appris par ailleurs que Satan, afin de s’emparer du trône, était
en train de fomenter un coup d’État, envoya son beau-frère en exil sur la terre.

Satan, toujours souriant, fit ses bagages mais Lilith demanda au roi en pleurant la faveur de faire un petit bout de chemin avec Satan.

Dieu, pour Lilith, était la faiblesse même, il n’osa refuser.

Mais le petit bout de chemin s’allongeant à n’en plus finir, Dieu I » qui trouvait le temps long et même interminable, fut saisi de grande inquiétude et la jalousie, la luxure
royale, se mêlant à la colère divine, flanqué de sa garde blanche, il descendit à son tour sur la terre ‘•

Satan, qui connaissait cette terre comme sa poche, n’avait pas eu de mal à retrouver Jésus qui, paisiblement, régnait sur sa petite principauté.

Et il lui présenta Lilith et Jésus fut à l’instant même émerveillé.

Alors éclata un orage, Jésus ferma les yeux, mais quand il les ouvrit, il se rendit compte que ce n’était pas la foudre mais Lilith qui l’avait ébloui.

Et Satan fut content.

Il emmena Jésus sur la montagne, et là, il lui parla longuement, astucieusement, scabreusement de la beauté de sa sœur et de ses charmes les plus secrets.

Et Jésus fut tenté.

Et comme il descendait vers la ville, ils se trouvèrent en présence de Dieu I », incognito qui, par hasard, chance, ou prémonition, avait réussi à retrouver la trace de
Satan et avant même de le blâmer pour son singulier comportement, il lui demanda des nouvelles de Lilith.

En entendant ce nom, Jésus fut pris de soudaine jalousie et il ressentit pour cet homme une sourde animo-sité. Alors Satan entraîna son roi à l’écart et lui
révéla l’identité de ce mystérieux jeune homme.

« Jésus, mon fils », dit Dieu le père, « mon fils vivant, mon fils qui doit me tuer ».

Alors, afin d’écarter tout danger immédiat – est-ce qu’on sait – il eut l’idée de se faire prendre pour un autre et, racontant qu’il venait de très loin où il avait
appris beaucoup de choses, il dit le plus grand mal de soi-même, c’est-à-dire du Dieu du ciel dont Jésus avait entendu parler.

« Qui êtes-vous, homme de sans doute peu d’importance et qui vous permettez d’insulter un grand roi? » Et comme Dieu Ier persistait dans ses abominables calomnies, Jésus le
tua.

Puis il connut Lilith.

Et Satan les guidant, ils rejoignirent tous trois le royaume du ciel, d’Abraham et de Jacob…

…et de Dieu I », mystérieusement disparu…

Et Jésus épousa lilith et s’assit sur le trône céleste de son père et puis, un beau jour, oraculairement comme son père c’est-à-dire par un habile
stratagème de Satan, il apprit la vérité. Et il dit : « J’ai tué mon père, j’ai épousé ma mère, tout cela est d’une grande complexité, j’aurais
dû voir clair ça crevait les yeux! mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. Tout ça c’est ma faute, ma très grande faute. J’aurais dû épargner ce sphinx,
qui après tout, et avant le reste n’était pas une mauvaise bête. Le malheur est sur moi, derrière moi, devant moi, je ne veux plus le voir. »

Et il s’énucléa et puis s’en alla sans demander son chemin à personne.

Alors un jour qu’il était fatigué, une très belle prostituée lui lava les pieds. Elle s’appelait Marie-Madeleine.

Et Satan prit Lilith sur ses genoux et s’assit sur le trône. Les noces furent merveilleuses, ils vécurent très heureux mais n’eurent qu’un enfant, Merdezuth. Merde-zuth,
démonologiste, tua son père et épousa Lilith qui depuis longtemps rajeunissait de jour en jour.


Jacques Prévert

TRAVERS DES RUINES


TRAVERS DES RUINES

Un bord de mère désaffecté

l’arbre découpé en planches à découper

mets le faire à repasser les tisons dans le bénitier de la forge

C’est Dimanche crie l’Ange Gardien en tirant la cloche au travers des chambres comme une antienne

Les caféiers ne sourcillent pas face à la tasse renversée

Le corps de l’amour reste à sonner comme à Roncevaux

sans pouvoir sortir de son caleçon long

.

Et le carnaval de Rio oblige la samba

à mettre une ceinture de chasteté pour remuer son cul dans l’exorcisme

Dans l’avalé des sexes le Nil sort protégé sous l’enseigne du mariage pour tous

Ce ne serait pas grave en soi si on avait laissé le beau et la poésie en dehors du sacrilège.

.

Niala-Loisobleu.

5 Février 2023