PAUVRE RUTEBEUF – LEO FERRE


PAUVRE RUTEBEUF

LEO FERRE

Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Avec le temps qu’arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n’aille à terre
Avec pauvreté qui m’atterre
Qui de partout me fait la guerre
L’amour est morte
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à hote
En quelle manière

Que sont mes amis devenus
Que j’avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L’amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m’était à venir
M’est avenu

Pauvre sens et pauvre mémoire
M’a Dieu donné le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit sur moi quand bise vente
Le vent me vient, le vent m’évente
L’amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Les emporta

PAROISSE – JACQUES BERTIN


Photo Niala « Tours de Breizh »

PAROISSE

JACQUES BERTIN

Des femmes sont assises dans l’hiver
Le long de la radio, sur un dernier travail
C’est tard la nuit, il est déjà dans les dix heures
Depuis longtemps dorment dans les chambres glacées
Des enfants protégés du mal par un signe de croix
Des femmes sont assises dans l’hiver. Il fait grand froid.

A la gare on attend encore le train de Combourg et Dol
Dans la prairie les gitans guettent le sommeil des chevaux
Ils ont plié le cirque dérisoire et ils s’en vont. Demain
Les maçons ne travailleront pas sans doute à cause du gel
Demain il y a messe pour la jeune fille qui est en deuil
De Nantes vient le givre avec ses cuivres. Il fait grand froid.

Paroisse de l’année soixante. O périphérie de la paix
Femme posée comme une lampe à huile dans le silence
Rassemble dans cet écrin-là tous tes enfants. Emporte-les
Vers le bon dieu et qu’on ne nous sépare pas
Demande-lui si c’est bien demain que le payeur passe
Et quand va-t-on enfin goudronner la rue. Tu as froid.

Tu fermes la radio. Tu montes en faisant attention
Vers un endroit que je t’ai préparé dans ma mémoire
Et qui s’est détaché de moi pour vivre, comme une chanson
Où tu es bien parce qu’on ne nous séparera pas.

Photo Niala « Tours de Breizh »

DANS L’ APPROCHE


DANS L’ APPROCHE

Les esquisses sur la table du menu du jour, agrandissent déjà devant elles

Le chevalet a pris l’endroit où le soleil passe

Ce que tu n’as pas encore dit approche

La brume en lambeaux épars ne se rassemblera pas si tu déboutonnes le couloir du décolleté

L’ocre-peau se le tient pour lin.

Niala-Loisobleu – 28 Octobre 2021

FRANCHISSEMENT PUISATIER


FRANCHISSEMENT PUISATIER

Au lourd de sa tête l’herbe redresse comme le jonc l’envie de tresser le panier

Des fruits juteux à se laver l’haleine glauque

Grappes pesantes d’un grain multiple plein

Fi de l’éolienne sabreuse de paysage dans un mépris primaire de Don Quichotte

Débusque le petit de sous la pierre

Cette maison qui flotte quand tu marches

Pouliche croupe et meuh à fortes tétines, c’est l’ô séant qui entre sans frapper !

Niala-Loisobleu – 28 Octobre 2021