DANS LES MOULINS DU VENT


DANS LES MOULINS DE GRAND-MESSE

Sous le pied craque du bois mort

grincements de girouettes

fondu de qui reste de sel

Bas des pôles

va le fier-à-bras au vol en décapoté

Les néons qui vantent enfarinent ce qui reste d’idées claires

Vive le règne de l’imposture

Dominant

Dominé

Dominus

Et si tu n’aimes pas, prends-garde à toi

je te roulerai sur le gras de ma cuisse, genre Carmen

Niala-Loisobleu – 25 Octobre 2021

 Jacques Bertin – À La Messe Du Soir, En 1955


À la messe du soir le prêtre aussi sans doute
S’ennuie parmi les couche-tard, les divorcés
Les traînards de l’armée perdus dans leur déroute
Hésitant à jeter leurs armes au fossé

Un frisson te parcourt malgré la canadienne
Tu ne t’es pas changé. La tenue de maçon
Sent le chantier. Tu crains que quelqu’un te surprenne
La barque des beaux jours racle un peu les haut-fonds

Tu es un arbre vif où un clapot vient battre
De Kyrie, de Sanctus et d’Agneau de Dieu
Baisse la tête, on voit tes mains pleines de plâtre
Dans la lueur affreuse où stagnent des vœux pieux

Dans le gréement est égarée une hirondelle
Aux appels sans écho, aux effrois sans réponse
La nef oblique au vent, sa cloche unique appelle
Sur la houle des quartiers neufs et le béton

Sur le parvis, tu partages ta foi en loques
Plus une cigarette et la quinte de toux
Avec un inconnu qui s’enfuit. Tu te moques
De sa hâte risible et son dégoût de tout

Tu rentres sans traîner, les poings morts dans les poches
Comme un fil-de-fériste sur le fil des rues
On entend un ricanement fou sous un porche
Et c’est le Christ, cette ombre montant vers les nues

ENTRE MAIS


ENTRE MAIS

Manillon sur la table

Un viandox et trois oeufs durs

On attend le vitrier pour y voir clair

Niala-Loisobleu – 25 Octobre 2021

LA CROIX DE LA ROSE ROUGE PAR LOYS MASSON


Photo Niala –  » VU DE TOURS DE BREIZH »

LA CROIX DE LA ROSE ROUGE PAR LOYS MASSON

(extraits)

Poitrine de l’olivier où l’arbre de patience est en son plus doux caressé par le temps d’aventure.
Je m’y suis taillé un pan d’écorce

À votre semblance autrefois quand dans votre front l’été se cherchait encore —je l’ai enflammé ;

Un brasier très pur comme d’un holocauste plein de signes et de chants morts, j’y ai promené l’ombre de mes mains

Longtemps pour qu’elles soient sauves de toute tache et puis j’ai écrit à destination des sereins épan-deurs de joie votre nom tel qu’il était avant le lever du vent
d’angoisse:

Avant moi.

Je n’ai jamais connu dans sa vérité ce qui m’était cher;

je brûlais d’absolu je m’inventais nécessaire

à son devenir.
C’était hier.

Je passais près de la source sans voir le rouge-gorge y boire

en silence, économe de sa chanson pour ses amours du soir ;

je n’écoutais que la rumeur là-bas de l’embouchure mariage en moi de l’onde et du divin de la mer.
Maintenant à ces jours morts qui tombent de mes épaules sans même rider l’eau je possède le dur savoir ;

Le pain des joies ne se fait que du levain de l’aléatoire : pour l’avoir ignoré je meurs de faim.
Temps enfui.

Chacun à l’heure d’aimer regarde le soleil en face tel l’aigle en sa légende

et puis ferme les yeux sur une étoile du tard, l’humble et l’habile

la tamisante qui fait durer l’espoir en son leurre, le tranquille.

J’ai regardé jusqu’au vertige.

Temps enfui, cristal rebondissant en son écho de cristal en cristal, aveugle désormais de ne mirer que le convexe et l’oblique.

De lourds loriots anciens, cendres de leur chant encore convoient le matin vers son nom d’été.

Le révolu vit de proies humbles endormies sous le sommeil des haies ; il n’est là que pour témoigner

d’un homme parti de lui-même depuis plusieurs années.

La cécité des larmes est la plus profonde ces yeux dans les yeux qui en calme tumulte ne fixent que l’amour et la mort.

Christ, nuit d’Orphée, syllabe arrêtée du chant d’adieu, hier y ressuscitait dans le remords
Eurydice ;

où maintenant est-il?
Je tourne et tourne en vain dans de rondes ténèbres.
Où sont sa croix, ailes clouées du
Verbe, et mon reniement

qui l’avait plantée ?
Je ne sais.

Déferlement d’eau longue : la mémoire ne s’oriente plus et s’aveugle.

Qu’ai-je été, qu’ai-je désiré, quelle est cette ombre

un matin venue avec l’aube m’aborder pour me rendre si seul ?

Déferlement, déferlement d’eau longue ; j’y ai perdu jusqu’au toucher, je ne peux même plus en suivre le contour.

Ni ombre peut-être ni personne : seulement un dessin de mon souffle

sur une vitre tachée, ma jeunesse.

Chacun du sel de ses larmes sécrète peu à peu lucidement sa tombe.

Où se dresse la mienne et quelle est-elle

au bout de quel sentier du vent?

Je me souviens à peine, comme au fond d’une autre vie, d’effluves tendres

qui me guidaient vers ma fin, me bâtissaient ma prison à la fois d’immobilité et d’audace

et de lendemain.

Comme au fond des sargasses d’une autre vie.
Comme aux marches d’une éternité que je ne gravirai qu’à reculons

condamné à ne jamais montrer mon visage aux étoiles de rémission.

La ronce dans midi se déchire à son ombre saigne petit christ d’interdit

humilié, loin des passions non permises

à qui ne pouvait accueillir la rosée d’aube

qu’en la blessant.

Mon regard malgré lui se fait lance

avide à raviver la poitrine

du rouge-gorge qui déjà mélancolie

chantait frileux sur notre jeunesse

fil à fil s’en allant.

Au poème tombeau d’Arimafhie

que n’avons-nous mis à dormir le temps d’étreinte

afin qu’il ressuscitât un matin,

de grand matin.

Loys Masson

Photo Niala –  » VU DE TOURS DE BREIZH »