HAUTE-COUR


HAUTE-COUR

Une colline, quelques poules et mon peint saut

j’ai fermé les yeux

Des fleurs partout

ah l’odeur de peau qui refuse de céder à la fatigue

Dans l’arbre mes reins relèvent la crête

pour emmener le fond du jardin plus loin à vol d’oiseau

Ailleurs où le foisonnant d’herbe

parle le chien sans que l’écume du jour s’en étonne.

Niala-Loisobleu – 27 Mai 2021

LETTRE A MARIE – JACQUES REDA


   
  
  

LETTRE A MARIE – JACQUES REDA

Vous m’écrivez qu’on vient de supprimer le petit train d’intérêt local qui, les jours de marché, passait couvert de poudre et les roues fleuries de luzerne.
Devant le portail des casernes et des couvents.
Nous n’avions jamais vu la mer.
Mais de simples champs d’herbe
Couraient à hauteur de nos yeux ouverts dans les
jonquilles.
Et nos effrois c’étaient les têtes de cire du musée,
Le parc profond, les clairons des soldats,
Ou bien ce cheval mort pareil à un buisson de roses.
Des processions de folle avoine nous guidaient
Vers les petites gares aux vitres maintenant crevées,
Abandonnées sans rails à l’indécision de l’espace
Et à la justice du temps qui relègue et oublie
Tant de bonheurs désaffectés sous la ronce et la rouille.
Depuis, nous avons vu la mer surgir à la fenêtre des
rapides
Et d’autres voix nous ont nommés, perdus en des jardins.
Mais votre verger a gardé dans l’eau de sa fontaine
Le passé transparent d’où vous nous souriez toujours


Les bras chargés d’enfants et de cerises.

Je pense aux jours d’été où vous n’osez ouvrir un livre

À cause de ce désarroi de cloches sur les toits.

N’oubliez pas.

Dites comme nos mains furent fragiles dans la vôtre —

Et qu’ont-ils fait de la vieille locomotive ?

Jacques Réda

DESSEIN INCONNU A LA FENÊTRE


DESSEIN INCONNU A LA FENÊTRE

Par le bruit d’eau dans les canalisations, la présence s’approche de la fenêtre

Pieds nus elle va de la table de toilette où sur le marbre le broc de porcelaine rempli la cuvette

Dans l’intervalle, le tapis intercale d’une étape le sol de tomettes, un espace de chaleur lui remonte le long des cuisses jusqu’au ventre.

Deux pigeons roucoulent entre les jardinières

L’aube rosit au travers du lierre des géraniums.

Du laitier qui a laissé son passage à côté des nouvelles du jour.

Rien qui vaille

Je choisis le bruit de pattes des oiseaux qui conversent au-dessus de ma tête sur le zinc de la toiture

Ce grain de beauté m’interpelle par l’endroit où la nature l’a logé

De quoi remonter entre l’insignifiant d’une toilette à la mode au départ de la genèse

Du goût que j’ai pour le fond des choses, j’aime mieux quand tes seins tombent du soutien-gorge que cette arrogance que leur donne l’armature

Sans compter que la grâce généreuse que la chute leur confère donne à l’oreille des désirs d’écouter le coeur s’exprimer

T’es mon village

Mon tertre

Mon père aurait motif d’y planter son chevalet

Regarde voici la Cité, l’Île-St-Louis

Laisse-moi tremper dans ton reflet.

Niala-Loisobleu – 27 Mai 2021