
IL FAUT FINIR MES JOURS EN L’AMOUR D’URANIE – VINCENT VOITURE

IL FAUT FINIR MES JOURS EN L’AMOUR D’URANIE – VINCENT VOITURE

Sur les marches qui conduent aux perspectives du vide, je me tiens debout, les mains appuyées sur une lame d’acier. Mon corps est traversé par un faisceau de lignes invisibles qui
relient chacun des points d’intersection des arêtes de l’édifice avec le centre du soleil. Je me promène sans blessures parmi tous ces fils qui me transpercent et chaque lieu de
l’espace m’insuffle une âme nouvelle. Car mon esprit n’accompagne pas mon corps dans ses révolutions; machine puisant l’énergie motrice dans le fil tendu le long de son parcours,
ma chair s’anime au contact des lignes de perspective qui, au passage, abreuvent ses plus secrètes cellules de l’air du monument, âme fixe de la structure, reflet de la courbure des
voûtes, de l’ordonnance des vasques et des murs qui se coupent à angle droit.
Si je trace autour de moi un cercle avec la pointe de mon épée, les fils qui me nourrissent seront tranchés et je ne pourrai sortir du cachot circulaire, m’étant à
jamais séparé de ma pâture spatiale et confiné dans une petite colonne d’esprit immuable, plus étroite que les citernes du palais.
La pierre et l’acier sont les deux pôles de ma captivité, les vases communicants de l’esclavage; je ne peux fuir l’un qu’en m’enfermant dans l’autre, — jusqu’au jour où ma
lame abattra les murailles, à grands coups d’étincelles.
II
Le repli d’angle dissipé, d’un coup de ciseaux la décision fut en balance. Je me trouvai sur une terre labourée, avec le soleil à ma droite, et à ma gauche le disque
sombre d’un vol de vautours qui filaient parallèlement aux sillons, le bec rivé à la direction des crevasses par le magnétisme du sol.
Des étoiles se révulsaient dans chaque cellule de l’atmosphère. Les serres des oiseaux coupaient l’air comme une vitre et laissaient derrière elles des sillages
incandescents. Mes paumes devenaient douloureuses, percées par ces lances de feu, et parfois l’un des vautours glissait le long d’un rayon, lumière serrée entre ses griffes. Sa
descente rectiligne le conduisait à ma main droite qu’il déchirait du bec, avant de remonter rejoindre la troupe qui s’approchait vertigineusement de l’horizon.
Je m’aperçus bientôt que j’étais immobile, la terre tournant sous mes pieds et les oiseaux donnant de grands coups d’ailes afin de se maintenir à ma hauteur.
J’enfonçais les horizons comme des miroirs successifs, chacun de mes pieds posé dans un sillon qui me servait de rail et le regard fixé au sillage des vautours.
Mais finalement ceux-ci me dépassèrent. Gonflant toutes les cavités de leur être afin de s’alléger, ils se confondirent avec le soleil. La terre s’arrêta
brusquement, et je tombai dans un puits profond rempli d’ossements, un ancien four à chaux hérissé de stalagmites : dissolution rapide et pétrification des rois.
III
Très bas au-dessous de moi, s’étend une plaine entièrement couverte par un immense troupeau de moutons noirs qui se bousculent entre eux. Des chiens escaladent l’horizon et
pressent les flancs du troupeau, lui faisant prendre la forme d’un rectangle de moins en moins oblong. Je suis maintenant au-dessus d’une forêt de bouleaux dont les cimes pommelées
s’entrechoquent, se flétrissent rapidement, tandis que les troncs, se dépouillant eux-mêmes de leur peau blanche, construisent une grande boîte carrée, seul accident
qui demeure dans la plaine dénudée.
Au centre de la boite, comme une médaille dans un écrin, repose la plus mince tranche du dernier tronc et j’aperçois distinctement le cœur, l’écorce et l’aubier.
Ce disque de bois, où les faisceaux médullaires apparaissent en filigrane, n’est qu’un hublot de verre, l’orifice d’un cône qui découpe dans l’épaisse paroi qui
m’enveloppe l’unique fenêtre de ma durée.
IV
Dans l’hémisphère de la nuit, je ne vois que les jambes blanches et solides de l’idole, mais je sais que plus haut, dans la glace éternelle, son buste est un trou noir comme le
néant de la substance nue et sans attributs.
Parmi la foule amassée autour du piédestal, quelqu’un répète inlassablement : « La reliure du sépulcre solaire blanchit les tombes… La reliure du
sépulcre… etc.. »
Entre le sommeil des voix et le règne des statues, une rose enrichit le sang où se baigne le bleu corporel assimilable par fragments. La saveur des couronnes qui descendent au niveau
des bouches closes suggère un calcul plus rapide que celui des gestes instantanés. Les laminaires ont tracé des cercles pour blesser nos fronts. Je pense au guerrier romain qui
veille sur mes rêves; il élève son bouclier à hauteur de mes yeux et me fait lire deux mots :
atoll et sépulcrons.
Si le pari de Pascal peut se figurer par la croix obtenue en développant un dé à jouer, que pourra m’apprendre la décomposition du bouclier?
Depuis longtemps déjà, j’ai arraché fibre à fibre la face du guerrier : j’ai d’abord obtenu le profil d’une médaille, puis une surface herbeuse et un marécage
presque sans limites d’où émergent des fûts brisés. Aujourd’hui, je suis parvenu à mettre un nom sur chaque parcelle de chair. Le blanc des yeux s’appelle courage, le
rose des joues s’écrit adieu et les volutes du casque épousent si exactement la forme des fumées que je ne puis les nommer que somnifères.
Mais le ventre du bouclier représente une gorgone hideuse, dont les cheveux sont des chiffres 3 et 5 entrelacés. Le 8 de la somme se renverse, et j’arrive à l’Infini, serpent du
sexe qui se mord soi-même. C’est alors que la chiourme des lignes se couche sous le fouet de la matière. Il ne me reste qu’à accomplir le meurtre devant une architecture sans
fin. Je briserai les statues et tracerai des croix sur le sol avec mon couteau. Les soupiraux s’élargiront et des astres sortiront silencieusement des caves, — fruits des
sphères et des statues, grappes de globes lumineux montant comme les bulles transparentes d’un fumeur de savon, à travers les pigments de la mort et le bulbe rouge de la lampe de
charbon.
VI
Au cours de ma vie blanche et noire, la marée du sommeil obéit au mouvement des planètes, comme le cycle des menstrues et les migrations périodiques d’oiseaux. Derrière
les cadres, une rame délicieuse va s’élever encore : au monde aéré du jour se substitue la nuit liquide, les plumes se changent en écailles et le poisson doré
monte des abîmes pour prendre la place de l’oiseau, couché dans son nid de feuilles et de membres d’insectes. Des galets couverts de mots — mots eux-mêmes bousculés,
délavés et polis — s’incrustent dans le sable parmi les rameaux et coquilles d’algues, lorsque toute vie terrestre se rétracte et se cache dans son domicile obscur : les
orifices des minéraux.
Zénith, Porphyre, Péage,
sont les trois vocables que je lis le plus souvent.
Ils ne m’apparurent d’abord que partiellement : le Z en zébrure ou zigzag de conflit, fuite oblique vers les incidences puis persévérance dans une voie parallèle, —l’Y
de l’outre-terre (Ailleurs, qu’Y a-t-il? Y serons-nous sibYlles? Qu’Y pourrai-je faire si je n’ai plus mes Yeux?), — l’A écartant de plus en plus son angle rapace sous-tendu par un
horizon fictif, tandis que P Poussait la Porte des Passions.
Puis les trois mots se formèrent et je pus les faire sauter dans mes mains avec d’autres mots que je possédais déjà, lisant au passage la phrase qu’ils composèrent
:
Payes-tu, ô Zénith, le péage du porphyre?
A quoi je répondis, lançant mes cailloux en ricochets :
Le porphyre du Zénith n’est pas notre péage.
Michel Leiris

POIDS DE SANG T’HEUR
La blancheur qu’affiche les toits pique de cristal un autre soleil intérieur
la côte est fêlée et le flanc cabossé obligent à trouver la bonne position verticale pour vaincre la douleur horizontale
et la situation générale complique le processus ordinaire de soins
Chaque cri que le moindre mouvement entraîne rappelle de laisser à l’essentiel ce qui compte pour vivre dans le bon sens
Il suffit de savoir la signification du silence pour ne pas s’égarer sur un chemin de méprise
Le poids de ta présence est complètement assis au bon endroit
L’oiseau va d’un aie ordinaire à l’ail qui quenouille l’haleine.
Niala-Loisobleu – 23 Novembre 2020

LA LUMIERE ETEINTE
Un matin de sureau
Elle est restée dans ce champ
Qu’a-t-elle laissé d’elle en s’en allant
Tout ce que j’ai voulu
Et d’abord une armure choisie dans les décombres
De la plus ciselée des aubes
Une armure sous un arbre
Un bel arbre
Ses branches sont des ruisseaux
Sous les feuilles
Ils boivent aux sources du soleil
Leurs poissons chantent comme des perles
Un bel arbre les jours d’ennui
Est un appareil visionnaire
Comme un autre
Par cet arbre de tous les jours
Je suis le maître de mes quatre volontés
Puis une femme au col de roses rouges
De roses rouges qu’on ouvre comme des coquillages
Qu’on brise comme des œufs
Qu’on brûle comme de l’alcool
Toujours sous l’arbre
Comme un aimant irrésistible
Désespérant
La flamme traquée par la sève
Tantôt fragile tantôt puissante
Ma bienfaitrice de talent
Et son délire
Et son amour à mes pieds
Et les nacelles de ses yeux dont je ne tomberai pas
Ma bienfaitrice souriante
Belle limpide sous sa cuirasse
Ignorante du fer de l’arbre et des roses rouges
Moulant tous mes désirs
Elle rêve
De qui rêve-t-elle
De moi
Dans les draps de ses yeux qui rêve
Moi
Ses mains sont vives
De vraies mains de sarcleuse
Tissées d’épées
Rompues à force d’indiquer l’heure matinale sempiternelle atroce du travail
Des mains à tenir amoureusement un bouquet de roses rouges sans épines
Et ce galop de buffles
Mes quatre volontés
Cette femme au soleil
Cette forêt qui éclate
Ce front qui se déride
Cette apparition au corsage brodé d’épaves
De mille épaves sur des vagues de poussière
De mille oiseaux muets dans la nuit d’un arbre
Il ferait beau penser à d’autres fêtes
Même les parades déshabillées défigurées ensanglantées par des grimaces de masques atteignent malgré tout à une sérénité condamnable
Et quel passant hors jeu juste au carrefour d’un sourire de politesse ne s’arrêterait pas pour saluer d’un éclair de la main le ventre impoli du printemps
Un panier de linge à la volée se calme tendrement
Sa blanche corolle s’incline vers ses genoux brisés
Aucune roture de couleur n’a barre sur lui
Et par la déchirure d’une dentelle
Il disparaît
Sur une route de chair
Boire
Un grand bol de sommeil noir
Jusqu’à la dernière goutte.
Paul Eluard

MA LUMIERE ETEINTE
Tombé de cintres inattendus
le grand voile fait rideau
La parade est assassinée
le cheval doit rentrer à la ménagerie
et l’oiseau à la cage
Fermeture pour confinement
je ne peins pas pour le lucre
mais meurs d’absence de moyens
Pour le souffle j’ai chargé l’Atelier du meilleur à sa fenêtre
« AUTAN-OCCITAN »
mon feu cathare
la maison qui voulait que tout commence.
Niala-Loisobleu – 22 Novembre 2020
La raison du chemin
Est une main de terre
Tendue sans réserve
Sur le théâtre pourpre
D’une maison en territoire choisi.
Elle abrite ce qu’on ne retient pas
Aux draps du quotidien blême
Et la narration de l’autre
Epouse la venteuse géographie
De silencieux et lointains jardins
Où poussent des images de chair
A s’endormir dans le repli de son bras.
Le genou se balance à l’anse de la pierre et de la peine
Et convoque obstinément la mer
Comme une clarté salutaire
Que l’on remue en se parlant tout bas.
Barbara Auzou

Autan Occitan 1 – 2018 – Niala – Acrylique s/toile 46×38 –
Prix-Atelier : 450,00 € (Encadré)

Voici
Mimi
Parasol
et
Bibiche de
Cucugnan,
deux tulipes orageuses
qui dansent le
French
Cancan.
—
Je ne passerai pas cet été sans de graves contrariétés…
Ainsi pense le blé par son propre poids accablé.
Ah! pauvres fleurs décapitées.
Ventres ouverts, crânes fendus.
Gueules-de-lion, pieds-d’alouette et culs-tout-nus.
Paul Neuhys

ATMOSPHERE
En façade
l’Hôtel du Nord
seins martins-pêcheurs
ta silhouette en canal
comme voie d’ô
qui
tourne l’écluse en passerelle.
Niala-Loisobleu – 20 Novembre 2020

L’AIR INDUSTRIEL
Les uns penchés en arrière à tirer les autres en avant au jeu à l’accorde sur le trottoir d’une société plus anonyme que jamais
Que devient le genre initial dans ce mariage pour tous ?
La souris verte et l’Adam de lait ça parle plus que dans un livre luttant avec les jouets contre la toile d’araignée d’un grenier interdit d’accès
Pourtant, malgré l’usure mon cheval de bois s’en va-t’au chant avant de rentrer par l’abreuvoir sur sa bascule non-électronique. Comme le thermomètre à l’ancienne, l’oeilleton non-judaîque, l’araire de Marseillaise et son microsillon, ce doigt qui trace sans venger la première caricature de vie qui passe. Me souviens de Germaine, on avait pas l’eau courante dans ma chambre d’étudiant, ça n’a jamais retenu nos corps à quai
Faut pas qu’au bout de la dernière feuille l’interdit se gonfle comme le boeuf de la fable
Si j’ai mis l’Autan-Occitan en vitrine, c’est pas innocent. Il faut rouvrir le bon sens en première intention et fermer l’air industriel qui devait marcher sous la bannière étoilée. Mon cul Bruno, fait déjà payer sa dette à l’english.
Moi je me suis pas battu comme un enragé contre tous les interdits- fondamentaux pour m’arrêter de peindre de mon vivant
A la tranchée ils sont trop à avoir monté à l’assaut pour que vous restiez vautrés dans votre aisance en nous balançant que du discours.
Niala-Loisobleu – 20 Novembre 2020

FEUILLE DE BROUILLON
Dans la montée le grincement de roue mâche
il faudra dépiler les torchons du placard
avant que le ruban des couettes ne passe
Resté oiseau dans le développement des traitements de culture, il se pose sur tant de questions, qu’il a eu la bonne idée de garder la carte postale de son pays natal
plus les îles qu’il avait sorti de l’eau
La moissonneuse-batteuse tient le bal bien après le changement de jour, le foin où je t’ai faite femme le râtelier n’en veut pas d’autre
Il reste de quoi au garde-manger pour prendre le large avant de ne plus pouvoir respirer. Le Sud passé la frontière m’a chanté dès le début qu’aux cordes des guitares on a mis des nomades. Le long de ma vie est pris dedans sans se sentir autrement que pleinement libre. Les fleurs de tes culottes m’envasent sauvages dans un uni sans contrainte
Niala-Loisobleu – 20 Novembre 2020

J’ROUVRE LES BOUTIQUES 3
Dossier remonté au-dessus de la pile
A rouvrir en priorité
Inutile d’attendre de savoir pour le Black Friday
Tellement de bestioles à neutraliser
Rien que cette branche éviterait le crash économique.
Niala-Loisobleu – 20 Novembre 2020

J’ROUVRE LES BOUTIQUES 2
L’immaculée ô Marie c’est quoi
toi qui sais-tout dis-moi
que je reste pas le marri cocu
Libraire c’est dangereux de l’ouvrir à cause de la liberté d’expression ?
Niala-Loisobleu – 20 Novembre 2020
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