La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
A l’oblique d’un clocher qui fait haut-le-coeur au chant du coq
la glissade devient périlleuse
les premières toux asthmatiques du large approchent des digues
je recours aux pilotis échafaudant la logique libérale de moeurs compatibles entre elles et non contradictoires entre le le mal et sa guérison
la querelle des Anciens et des Modernes sortie du cadre ne rime à rien
oui j’en appelle à l’Exorcisme des Pierres
à force d’attouchements au naturel
Niala-Loisobleu – 5 Novembre 2020
EXORCISME DES PIERRES
Ce temps-ci est diluvien
qui a la parole des pierres,
le mal de l’eau, le mal du feu
et la mémoire minérale,
ce temps est en migration ;
et moi je suis dans le temps mort,
qui fus comme un pays d’oiseau ;
mon corps secret, mon corps interne
où toute enfance est enterrée
n’a plus le signe de la mer ;
il est descendu dans la chair
et la chair s’est changée en os
et les os mués en la terre,
— ce temps-ci est diluvien.
Brûlent mon sang et mon amour,
brûlent les arbres souterrains !
Mon dernier corps, mon corps obscur
je l’ai retiré des forêts,
mon corps formé comme des feuilles
de ce qui fut en moi la femme
je l’ai créé dedans ma mort,
je l’ai porté dehors l’esprit
dans la grande absence de l’âme ;
femme de lune, femme d’herbe
mes yeux de coqs et de racines
sont entrés dans la nuit du monde
et toute ma bouche en malheur ;
ce temps-ci a l’odeur des pierres.
Mais la pierre est pleine de plantes, pleine d’anges et d’animaux dans la patience des noces, et l’oreille calcaire écoute et la Terre au-dessus des pluies sent le dieu mûrir dans la roche, le dieu blanc, le dieu musical miraculer mon corps muré, miraculer le corps de l’homme qui touche le feu dans la pierre pour que la pierre exorcisée prenne son nom entre mes mains, et que son nom soit la naissance du premier arbre sur la Terre.
Méchanceté souriante d’une Méditerranée sans marée
tout a commencé quand il ôta à Paul son grain d’elle
et que je le vis s’effacer de douleur
Vol qui mit le mal au soleil et la noirceur en maison-blanche à Cadaques
Visage fourbe de la pieuvre qui multiplie ses bras pour sucer le coeur
Quand je me suis éveillé du cauchemar la vilaine gorgone avait les yeux écrasés par ses seins aux genoux et la ride lâche dans le regard de la Costa-Brava
(Oh manque initial, et retrait dans l’élan comme d’une pelletée de cendres. Mais il y a lieu de se brosser les dents en fredonnant un air, et e nouer adroitement la cravate qui préserve de la solitude et de la mort.)
Jour, me voici comme un jardin ratissé qui s’élève Tiré par les oiseaux. Fais que je prenne l’autobus Avec calme ; que j’allonge un pas sobre sur les trottoirs ; Que j’ourle dans mon coin ma juste part de couverture Et réponde modestement aux questions qu’on me pose,
afin De n’effrayer personne. (Et cet accent de la province Extérieure, on peut en rire aussi, comme du paysan Qui rôde à l’écart des maisons sous sa grosse casquette, Berger du pâturage sombre : agneaux ni brebis Ne viennent boire à la fontaine expectative ; il paît La bête invisible du bois et le soleil lui-même Au front bas dans sa cage de coudriers.)
Mais jour D’ici tonnant comme un boulevard circulaire Contre les volets aveuglés qui tremblent, permets-moi
De suivre en paix ta courbe jusqu’au soir, quand s’ouvre
l’embrasure Et qu’à travers le ciel fendu selon la mince oblique de son
ombre Le passant anonyme et qui donne l’échelle voit Paraître l’autre ciel, chanter les colosses de roses Et le chœur de la profondeur horizontale qui s’accroît Devant les palais émergés, sous les ruisselants arbres.
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