
DEDICACE A MARCELLO COMITINI (REPRISE)
Mon cher Marcello,
Ton article d’aujourd’hui dans ce qu’il propose, ajoute au ressenti désespérant que nous partageons, en ce qui concerne son rapport à l’argent. Raison qui m’amène, à t’offrir cet article, dont tu dois connaître mieux que moi le poète cité.
Bonne journée à toi
https://marcellocomitini.wordpress.com/
Niala-Loisobleu – 27 Octobre 2020
Tu n’a pas du voir cet article à sa sortie, Marcello
Aussi je le réédite pour te soutenir dans le mauvais passage que tu traverses.
Bonne journée à toi.
Alain – 4 Novembre 2020
Alfonso Gatto
Une poésie comme un salut désespéré
… Ainsi, vivre, c’est toujours affirmer
un salut désespéré, urgent. (Gouffre marin, Alfonso Gatto)
Dans sa présentation d’Alfonso Gatto dans le livre Pauvreté comme le soir, Bernard Simeone, grand traducteur et passeur de littérature italienne, hélas disparu en 2001, cite cette profonde déclaration du poète :
« Je veux que la poésie seule dise qui je suis, comment et pourquoi j’ai vécu, et avec le naturel qui lui est propre. Cela me suffit. Et le même refus vaudra pour toutes les autres images qui auraient pu me représenter. Nul ne saura jamais combien un poète espère en sa beauté, sa vanité, sa force et son pouvoir de sympathie, et combien en même temps il désespère de tout cela ; combien se referme sur lui le geste par lequel il voulait courir et s’annoncer ; combien il envie le succès, mais plus encore l’ironie méditée. Quand j’étais enfant, c’était moi seul qui donnais aux poètes un visage, qui les voulais exactement tels que je les voyais. Je serais heureux si vous cherchiez à m’imaginer à votre manière, avec le seul secours de mes mots. »
Aussi cela sera presque uniquement par le secours des mots mêmes du poète, que sera évoquée la figure étonnante d’Alfonso Gatto. Alfonso Gatto aura été un personnage multiple. Peintre, romancier, critique d’art, poète, dramaturge, acteur dans les films de Pier Paolo Pasolini, L’Évangile selon saint Matthieu et Théorème, de Francesco Rosi et de Mario Monicelli, Gatto était tout cela, mais partout il portera les traces de la guerre et de sa lutte contre le fascisme.
Alfonso Gatto, (1909-1976), était parmi les plus grands poètes italiens du 20e siècle. Comme Mario Luzi, Vittorio Sereni et d’autres, il appartenait à la deuxième génération de poètes italiens, après celle de Giuseppe Ungaretti, Montale Eugenio et Savatore Quasimodo. Tous ont été influencés par les symbolistes français.
Lui était un homme du sud imprégné d’oralité et des bruissements des origines, aussi l’hermétisme de la poésie de groupe de collègues ne fera pas taire sa voix rocailleuse.
Il est aussi sensible au surréalisme et souvent ses images semblent issues d’une écriture automatique, obscurcissant le sens du poème, sans distendre son lien avec la poésie populaire.
Sa nature de peintre lui fait instiller des couleurs dans ses mots.
Sa foi dans l’homme et dans la vie se mélange à un certain désespoir et la hantise du rien, et rend sa poésie d’un dépouillement extrême unique.
Une vie dans l’urgence
Alfonso Gatto est né à Salerno le 17 juillet 1909.
Sa famille se compose de marins et de petits propriétaires qui sont venus de Calabre.
Son enfance et son adolescence sont plutôt tourmentées. Il termine ses études secondaires à Salerne et s’inscrit à l’université de Naples en 1926. Il doit abandonner ses études après quelques années, en raison de difficultés économiques, et sans avoir obtenu de diplôme.
À partir de cette période, sa vie devient mouvementée, inquiète et aventureuse; il déménage constamment, il fait de nombreux voyages, et autant d’emplois. D’abord il est employé comme commis dans une librairie, puis instituteur d’école, puis correcteur dans une maison d’édition, puis journaliste, puis enseignant.
Il va vivre avec sa première femme à Milan en 1934.
En 1936, il est arrêté pour ses idées antifascistes et passe six mois dans la prison San Vittore à Milan.
Il s’installe en 1938 à Florence.
C’est à cette époque que Gatto collabore à des revues d’avant-garde et des périodiques de culture littéraire. En 1938 il fonde Campo di Marte, Champ de Mars, mais le journal n’est publié qu’un an ; ce fut toutefois une expérience importante pour le poète qui eut l’occasion de se hasarder de manière importante dans la littérature militante.
En 1941, au Lycée artistique de Bologne, Gatto reçoit sa nomination de professeur titulaire en Littérature italienne en raison de sa réputation. Il devient envoyé spécial de L’Unità exerçant un rôle de premier plan dans la littérature d’inspiration communiste. Par la suite, il démissionne du Parti communiste italien et devient un communiste dissident.
Après la guerre, il reprend son travail de journaliste, tantôt d’enseignant, et il continue à écrire ses poésies.
Le poète, en 1946, rencontrera la femme la plus importante dans sa vie, le peintre et écrivain de Trieste, Gratianne Pentich,dont il eut deux fils, Théodore et Leo. La vie du poète sera marquée en 1963, par le chagrin de la mort de Théodore, tandis que Leo est décédé trois mois seulement après la mort du poète.
En 1955, il reçoit le prix Bagutta pour son œuvre La forza degli occhi aux éditions Mondadori.
Il meurt le 8 mars 1976 à Orbetello dans la province de Grosseto lors d’un accident de voiture près de Capalbio.
Eugenio Montale qui fut son grand admirateur et son ami proche fera graver cette épitaphe sur la tombe de son ami :
« Pour Alfonso Gatto, pour la vie et la poésie, dont il fut un témoin amoureux unique. »
Le recours des mots dans une poésie qui se consume
Sa poésie est dense, compacte, épaisse parfois. La mort et la vie des hommes sont un thème récurrent dans son œuvre.
Chaque être est déjà chez lui happé par le passé :
Telle est la nuit des temps la lointainehistoire de l’homme : le chien sur le seuilla lampe allumée, le feu, autant d’accentsde la vie quotidienne, et dans la mortle signe encore de notre main…
Cette attention à l’éphémère, au quotidien qui nous entoure, est marquée chez Gatto déjà par l’empreinte de la mort.
La poésie de Gatto baigne dans une atmosphère crépusculaire, une monotone résignation à passer dans cette vie, une sorte de plainte sourde.
Il a été marqué par l’histoire, comme résistant, comme longtemps communiste, comme victime, et c’est aux victimes que va sa poésie.
Il sera un homme seul dans la littérature italienne, sans illusions, sans mensonges, en attente du néant.
« Maintenant s’étend dans l’oubli,dans le hasard
d’un bonheur lointain le monde
moi délaissé le vent me révèle:
endormi dans mon corps éteint... (Solitude)
Pour lui le rien est consumé dans le tout, et le tout consumé comme le rien. Ce qui rend la vie essentielle malgré tout.
Et il importe de ne pas avoir vécu en vain.
Cette mort omniprésente dans ses mots, et qu’une voix, une caresse tient en laisse:
«C’est peut-être cela la mort, se rappeler
la dernière voix qui nous éteignit le jour.»
Alfonso Gatto, dans son attention aux petites choses, déroule une plainte monotone et prenante, qui apprivoise en sorte la mort, qui n’est plus qu’un doux vent du soir.
« Ce que nous ne savons pas est peut-être le visage,
notre visage que la mort un jour
scellera de son silence: noms,
faits perdus à peine nés, cendre.»
Pour lui la poésie n’est pas un acte de culture, mais un dépouillement, une réalité physique.
Ses peintres préférés étaient Mondrian et Cézanne, et sa poésie tente un absolu identique et sans concessions, la rendant âpre et difficile, parfois obscure et lointaine.
Mais comme le voulait Gatto, il ne s’agit pas de l’expliquer mais de le lire.
Dans son vide
l’horizon sans secours tremblera
sous l’apparence du soir, vent
immobile qui cueille ta voix et muet
te rappelle avec elle la patience
d’attendre pour toujours dans la mort
un faible réveil d’horizon. (Siège)
Gil Pressnitzer
Source : Pauvreté comme le soir Traduit de l ’italien par Bernard Simeone Orphée La différence
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