La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
la ravine hisse l’hêtre à la jetée de faines petits-cailloux
l’animal depuis le terrier observe en humant
cherchant ce tremble où le corps secoué, ses reins sentent qu’on attend d’eux plus qu’une miction confondante
Se ramassant jusqu’aux traces, il hume le terrain marqué des propriétés femelles
et cueille des baies rouges pour les y tremper, histoire de renouer sa langà l’usage de bonne conduite en choisissant du foin la seule herbacée qui vaille, m’aime sans moutarde.
Une journée de rien, un jour pluvieux C’est toujours une journée au moins à s’aimer mieux Puisqu’on est deux au monde C’est un dimanche de plus sur la corde à linge Nous n’irons pas au zoo, il neige sur les singes Mais pas des confettis, pire qu’un lundi
C’est un dimanche de plus sans oiseaux dans l’azur Sans marcher dans l’eau en gardant ses chaussures Le ciel entre deux gris s’est assombri Une journée de rien, un jour pluvieux C’est toujours une journée au moins à s’aimer mieux Puisqu’on est deux au monde Puisqu’on est deux au monde Deux au monde
Il ne reste à ma lèvre enfin que cette injure L’âge et la sécheresse à parler d’autrefois Il ne reste à mon cœur qu’à tenir sa gageure
Et laissant l’univers m’envahir de ses voix Être encore une fois sa lumière évidente Pour dire ce qui fut avec ce que je vois
Te tresserai l’enfer avec le vers du Dante
Je tresserai la soie ancienne des tercets
Et reprenant son pas et sa marche ascendante
Que brûle ce qui fut avec ce que je sais
Je tresserai ma vie et ma mort paille à paille
Je tresserai le ciel avec le vers français
Je suis ce Téméraire au soir de la bataille
Qui respire peut-être encore sur le pré
Mais l’air et les oiseaux voient déjà ses entrailles
Pour m’ouïr il n’est plus que soldats éventrés
Déjà mes yeux sont pleins de vermine et de mouches
La nuit emplit déjà mon corps défiguré
Lentement les fourmis ont habité ma bouche De mon armure noire envahi par le froid Pourrai-je murmurer mon histoire farouche
À qui les mots derniers où mon souffle décroît
Et de tout ce que j’ai vécu joui souffert
Que vais-je alors choisir que la douleur me broie
Qu’est-ce qui vaut la peine alors qu’on le profère Du profond de soi-même Enfin que signifie Ce râle prolongé qu’à tout chant je préfère
À ma prunelle obscure une image suffit
À ma gorge un sanglot une ombre à ma mémoire
Pour tous mes souvenirs cette photographie
Elle est jaune elle est pâle elle a comme des moires Ma mère y est assise un enfant à ses pieds Quelqu’un qu’on ne voit pas est trahi par l’armoire
Le flacon sur la table et le presse-papier Personne ne sait plus aujourd’hui ce qu’ils furent Ni qu’était ce roman Maman que vous coupiez
Vous veniez de changer tout juste de coiffure Je vous trouvais jolie et d’autres le disaient On n’en voit rien Le jour a viré les sulfures
Cette épreuve est mauvaise et l’on vous jalousait Pour une ombre d’épaule au biseau de la glace Vous aviez ce regard triste qui me plaisait
Je me souviens Je n’allais pas encore en classe Vous vous faisiez de la peinture et sagement Je restais près de vous à lire mon atlas
Et je vous voyais peindre et le voyais Maman Vous n’aviez pas l’esprit à ce bouquet de fleurs J’aurais voulu le dire et ne savais comment
À présent qui se rappellerait la couleur
De votre robe ce dimanche à Saint-Germain
Pas même vous à qui j’ai murmuré Tu pleures
Bah laisse donc Je n’y penserai plus demain Les larmes qu’on retient sont lourdes et petites Elles tombaient l’une après l’autre sur mes mains
Je n’oublierai jamais les mots que vous me dîtes Plus tard avec un sourire dans le tramway Ce sont des diamants que personne n’imite
C’était votre manière à vous de m’avouer
Tous les secrets d’un jeu que les enfants ignorent
Et plus tard à mon tour à pleurer j’ai joué
Mais que sont devenus les diamants d’alors Les gens qu’on connaissait que sont-ils devenus Tu n’as plus prononcé le nom de Monsieur Jorre
Nous l’avons rencontré J’ai vu que tu l’as vu Dans le métro C’était la station Dauphine On a laissé partir la rame et jamais plus
J’aurai caché toute ma vie en ma poitrine Ce diamant des pleurs que l’on n’imite pas Quand mon sang aura plu sa dernière églantine
Que le cri des corbeaux ouvrira le repas
Les maraudeurs viendront le chercher dans ma chair
J’entends leurs jurons sourds leurs colloques leur pas
Allez ne craignez rien d’autres doigts me touchèrent Et quand on me fait mal je sais ne pas crier Arrachez dispersez tout ce qui me fut cher
Disputez entre vous mes yeux dépariés
J’ai des sanglots En voulez-vous On se demande
Vous à ma place est-ce que vous les prendriez
Ces bijoux-là cela ne sent pas la lavande
Et vos nuits sans sommeil vos rangements de poings
Vos cris de bête à qui croyez-vous qu’on les vende
Les laver ça donne salement du tintouin Encore si vos trucs étaient mis en musique Le client ça ne répond pas à ses besoins
Ça ne peut pas lui tenir lieu d’analgésiques Gémir c’est démodé comme les loups-garous Il nous faut de l’abstrait et du métaphysique
Le siècle veut dormir et rêver à sa roue Donnez-lui le concert atonal de l’oubli Mettez vos souvenirs à pourrir dans un trou
Je retourne ma face au cri bleu des courlis Ah laissez-moi goûter la saveur de la terre Et que mon âme en soit à tout jamais emplie
Je suis le gisant noir que rien ne désaltère Détrousseurs laissez-moi mes ruisseaux ténébreux Pour m’abreuver encore une fois et me taire
Pour encore une fois revoir les jours nombreux Pour encore une fois à des bonheurs infimes Donner cet écho mort qui reparle pour eux
Suivre le mouvement que les rimes impriment Et qui ressemble à l’ahan dernier sur la croix Comme l’aveu ressemble au crime L’homme à sa proie
Marguerite Marie et Madeleine Il faut bien que les sœurs aillent par trois Aux vitres j’écris quand il fait bien froid Avec un doigt leur nom dans mon haleine
Pour le bal de Saint-Cyr elles ont mis Trois des plus belles robes de Peau d’Ane Celle couleur de la route océane Celle de vent celle d’astronomie
Comment dormir à moins qu’elles ne viennent Me faire voir leurs souliers de satin Qjii vont danser danser jusqu’au matin Pas des patineurs et valses de Vienne
Marguerite Madeleine et Marie La première est triste à quoi songe-t-elle La seconde est belle avec ses dentelles A tout ce qu’on dit la troisième rit
Je ferme les yeux je les accompagne
Que les Saint-Cyriens se montrent galants Ils offriront aux dames du Champagne
Chacune est un peu pour eux Cendrillon Tous ces fils de roi d’elles s’amourachent Si jeunes qu’ils n’ont barbe ni moustache Mais tout finira par un cotillon
La vie et le bal ont passé trop vite La nuit n’a jamais la longueur qu’on a Et dans le matin défont leurs cheveux Madeleine Marie et Marguerite.
Louis Aragon
S’agissant du portrait laissé
la différence, entre l’auto et celui laissé aux autres, donne un tel roulis que ma colonne s’agite au lieu de se reposer
et donne à réfléchir
Avoir peint en témoignage d’une admiration profonde, en dehors de ne pas l’avoir caché, me bouleverse en constatant qu’en vérité il n’en est rien
Le bruit des trains d’Orsay sont étrangers aux gares ordinaires. D’avoir poussé plus loin mon enfance, m’amène aujourd’hui à comparer cette gare devenue musée, à un de ces marchés flottants d’Asie de l’Est où j’ai prolongé mes patinages à roulettes. La dimension de la rue n’avait pas moins d’absences de limites
Au 51 de la rue de Verneuil je ne me suis jamais éveillé d’une fin de voyage. L’avion n’était pas au répertoire. L’oiseau seul me déplaçait d’un étage à l’autre, puis dans la rue, à travers les toits, par-dessus la Seine
Faisant de la contrée Rive-Gauche, mon école absolue
Emerveillement à discrétion
sacrés bonshommes à tous les paliers, et le tout dans le cadre d’une révolution sociale jamais rééditée
Le bac à sable, tu parles d’un accent qu’il a eu
Le temps en ravinant tout sur son passage n’a pas mis une ride à cette image de gosse
J’ai vécu le dernier siècle des Lumières sur son balcon
Et ce sera comme ça, jusqu’au bout du mouvement de la parole, le goût plein les doigts
Impossible de passer en version intelligence artificielle sous éditeur WordPress…
Au coin d’la rue du Jour et d’la rue Paradis j’ai vu passer un homme y a que moi qui l’ai vu j’ai vu passer un homme tout nu en plein midi y a que moi qui l’ai vu pourtant c’est moi Y plus petit les grands y savent pas voir surtout quand c’est marrant surtout quand c’est joli Il avait des ch’veux d’ange une barbe de fleuve
une grande queue de sirène
une taille de guêpe
deux pieds de chaise Louis treize
un tronc de peuplier et puis un doigt de vin et deux mains de papier une toute petite tête d’ail une gTande bouche d’incendie et puis un œil de bœuf et un œil de perdrix
Au coin d’la rue du Jour
et d’la rue Paradis
c’est par là que je l’ai vu
un jour en plein midi
c’est pas le même quartier mais les rues se promènent partout où ça leur plaît.
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