La vérité du drame est dans ce pur espace qui règne entre la stance heureuse et l'abîme qu'elle côtoie : cet inapaisement total, ou cette ambiguïté suprême. Saint-john Perse
Je marchais parmi les bosses d’une terre écurée, les haleines secrètes, les plantes sans mémoire. La montagne se levait, flacon empli d’ombre qu’étreignait par instant le geste de la soif. Ma trace, mon existence se perdaient. Ton visage glissait à reculons devant moi. Ce n’était qu’une tache à la recherche de l’abeille qui la ferait fleur et la dirait vivante. Nous allions nous séparer. Tu demeurerais sur le plateau des arômes et je pénétrerais dans le jardin du vide. Là, sous la sauvegarde des rochers, dans la plénitude du vent, je demanderais à la nuit véritable de disposer de mon sommeil pour accroître ton bonheur. Et tous les fruits t’appartiendraient.
Note d’existence : Paris / Lyon, je mets de l’ordre dans mes idées. J’essaie de rester poète sans faire d’histoire. Pas facile. Le train porte à la narration.
Dans un TGV. Bien fermé. À température contrôlée. Entre deux vitesses au carré. Je mélange rues, musées, adieux et souvenirs. Longuement sans réfléchir. Comme lorsqu’on brasse un yogourt. Pour ramener les fruits à la surface.
Arrivent les tunnels. Leurs noirceurs et traînées d’égarements. Suivent les rectangles de ciel. Les confettis de lumière. Volent dans les airs les panneaux réclames. Les machines à laver. À découdre le temps.
La ville meurt dans les banlieues. Où l’on parle verlan dans des appartements avec ou sans balcons. Où faire pousser la menthe. Où ranger les vieux principes. Les théières qui ne servent plus. Les bonheurs qui fuient. Le train me yaourte. Caille mes dires. Un autre rempart. Coupe le son. Plus rien. Qu’un lot d’absurdes détresses. À cause du béton.
Le paysage revient. Plante des siècles. Des clochers. Des dates à retenir. Avant la guerre de Cent Ans. Après Louis XVI. Sous le cycle de Robespierre.
Je me sens devenir poire. Plus encore. Pulpe de matière grise. Moments d’oubli. Que je brasse pour ramener à la mémoire les chronologies si compliquées de la liberté.Extrait de: Des lieux des villes un chou-fleur,
Monique Juteau, lauréate du prix Félix-Antoine-Savard 2001(Québec), a publié cinq recueils de poésie et tout autant d’œuvres de fiction. Ses lectures publiques sont particulières; elle manipule des objets qui introduisent ses poèmes et en facilitent l’accès. Elle aime écrire à l’étranger. Romans et récits inspirés de ses séjours en Asie balisent son parcours d’écrivain. Sa plus récente publication, Voyage avec ou sans connexion, éditions d’art Le Sabord 2016, relate un voyage en compagnie d’un iPod touch de cinquième génération. En 2002, elle remportait un des grands prix littéraires Radio-Canada, catégorie Récit de voyage.
comme la gare principale de mon grand voyage à visiter des êtres humains
De la place où tu m’apparais nue pour la première fois je tremble de toute la chaleur de ta voix
Le temps voulait se refaire de toute l’atrocité dont il avait souffert
Une expérience impossible à imaginer par d’aucuns qui en faisaient pas partie
Quelques 70 ans et + après , plus que jamais ça restera un secret remis au fond de la pyramide du temps, dans l’avalé des luttes
Toi tu n’as trahi personne
Tu es restée telle que tu suis, fidèle à toi-m’aime comme à ton idéal
Niala-Loisobleu – 24 Septembre 2020
Jean-Paul Sartre: « Gréco a des millions dans la gorge : des millions de poèmes qui ne sont pas encore écrits, dont on écrira quelques-uns. On fait des pièces pour certains acteurs, pourquoi ne ferait-on pas des poèmes pour une voix ? Elle donne des regrets aux prosateurs, des remords. Le travailleur de la plume qui trace sur le papier des signes ternes et noirs finit par oublier que les mots ont une beauté sensuelle. La voix de Gréco le leur rappelle. Douce lumière chaude, elle les frôle en allumant leurs feux. C’est grâce à elle, et pour voir mes mots devenir pierres précieuses, que j’ai écrit des chansons. Il est vrai qu’elle ne les chante pas, mais il suffit, pour avoir droit à ma gratitude et à celle de tous, qu’elle chante les chansons des autres. »
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