CONSEIL AU SUJET DE LA MER


221591

CONSEIL AU SUJET DE LA MER

 

Il faut faire grande attention aussi à la mer.
Les jours de tempête, on a coutume de faire la promenade des falaises.
Et quoique la mer soit pleine de menaces, malgré le va-et-vient de ses forces qui semblent grandir à chaque instant, le spectacle est beau et somme toute réconfortant, puisque
cette grande excitation et ces énormes paquets d’eau, des paquets à renverser un train, tout ça ne va qu’à vous mouiller un peu.

Cependant, s’il y a une anse, où les violences de la mer sont peut-être moins fortes, mais venant de plusieurs directions se conjuguent en une trouble mêlée, il peut
n’être pas bon de regarder, car tandis que la plus grande violence n’avait pas réussi à vous démoraliser, tout au contraire, cette surface sans horizontalité, sans
fond, cuve d’eau montante, descendante, hésitante, comme si elle-même souffrait, peinait humainement (ses mouvements sont devenus lents et embarrassés et comme calculés),
cette eau vous fait sentir en vous-même l’absence d’une vraie base, qui puisse servir en tout cas, et le sol même, suivant la démarche de votre esprit, semble se dérober
sous vos pieds.

 

Henri Michaux

5 réflexions sur “CONSEIL AU SUJET DE LA MER

    • EN VÉRITÉ

      En vérité, quand je dis : «
      Grand et fort. «
      Ainsi va le mort. «
      Quel est le vivant, «
      Qui en ferait autant? »

      Le mort, c’est moi.

      En vérité, quand je dis :

      «
      Ne mettez pas les parents dans votre jeu,

      «
      Il n’y a pas de place pour eux,

      «
      Et la femme qui a enfanté a été jusqu’au

      bout de ses forces, «
      Il ne faut pas lui en demander plus, «
      Et ne faites pas tant d’histoires, «
      Le malheur c’est tout à fait naturel »,

      En vérité, la femme ce n’est pas moi.

      C’est moi le bon chemin qui ne fait rebrousser personne.

      C’est moi le bon poignard qui fait deux partout où il passe.

      C’est moi qui…

      Ce sont les autres qui ne pas…

      Henri Michaux

      Aimé par 1 personne

    • MENACES DU TÉMOIN

      Que voulais-tu dresser sur cette table,,
      Sinon le double feu de notre mort ?
      J’ai eu peur, j’ai détruit dans ce monde la table
      Rougeàtre et nue, où se déclare le vent mort.

      Puis j’ai vieilli.
      Dehors, vérité de parole
      Et vérité de vent ont cessé leur combat.
      Le feu s’est retiré, qui était mon église.
      Je n’ai même plus peur, je ne dors pas.

      II

      Vois, déjà tous chemins que tu suivais se ferment,

      Il ne l’est plus donné même ce répit

      D’aller même perdu.
      Terre qui se dérobe

      Est le bruit de tes pas qui ne progressent plus.

      Pourquoi as-tu laissé les ronces recouvrir

      Un haut silence où tu étais venu ?

      Le léu veille désert au jardin de mémoire

      Et toi, ombre dans l’ombre, où es-tu, qui es-tu ?

      III

      Tu cesses de venir dans ce jardin,

      Les chemins de souffrir et d’être seul s’effacent.

      Les herbes signifient ton visage mort.

      Il ne t’importe plus que soient cachés

      Dans la pierre l’église obscure, dans les arbres

      Le visage aveuglé d’un plus rouge soleil,

      Il te suffit

      De mourir longuement comme en sommeil,

      Tu n’aimes même plus l’ombre que tu épouses

      IV

      Tu es seul maintenant malgré ces étoiles,

      Le centre est près de toi et loin de toi,

      Tu as marché, tu peux marcher, plus rien ne change,

      Toujours la même nuit qui ne s’achève pas.

      Et vois, tu es déjà séparé de toi-même,
      Toujours ce même cri, mais tu ne l’entends pas,
      Es-tu celui qui meurt, toi qui n’as plus d’angoisse,
      Es-tu même perdu, toi qui ne cherches pas ?

      V

      Le vent se tait, seigneur de la plus vieille plainte,
      Serai-je le dernier qui s’arme pour les morts ?
      Déjà le feu n’est plus que mémoire et que cendre
      Et bruit d’aile fermée, bruit de visage mort.

      Consens-tu de n’aimer que le fer d’une eau grise
      Quand l’ange de ta nuit viendra clore le port
      Et qu’il perdra dans l’eau immobile du port
      Les dernières lueurs dans l’aile morte prises ?

      Oh, souffre seulement de ma dure parole
      Et pour toi je vaincrai le sommeil et la mon,
      Pour toi j’appellerai dans l’arbre qui se brise
      La flamme qui sera le navire et le port.

      Pour toi j’élèverai le feu sans lieu ni heure,
      Un vent cherchant le feu, les cimes du bois mort.
      L’horizon d’une voix où les étoiles tombent
      Et la lune mêlée au désordre des morts.

      Yves Bonnefoy

      Aimé par 1 personne

Les commentaires sont fermés.