LA MAIN BRULEE


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LA MAIN BRULEE

Comme toujours, nous avons voué le meilleur à ceux qui, passant, l’ont dispersé plus loin, dilapidé dans des auberges obscures, perdu au fond d’une combe et rien

n’est venu en retour soutenir le feu poussif, alléger la charge d’ombres, dissoudre la lie des habitudes, ce champ aride où tout fait pierre : nos moindres gestes,

nos paroles — et la nuit, même au mitan du lit, n’est plus qu’un fleuve à sec, de cailloux.
Mon amour, est-ce ainsi que les roses meurent quand vient l’hiver,

le cœur serré comme un poing, dans les épines ?

 

Guy Goffette

CETTE FILLE – JACQUES BERTIN


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Cette fille

Cette fille qui m’a jeté un regard à Saint-Germain, je l’ai suivie pendant longtemps
Une nuit j’ai rêvé que je pénétrais dans les seins d’une blonde sous le maillot de velours
Elle avait ton visage mais j’étais sûr que ce n’était pas toi
Une autre fois je revoyais ses yeux posés sur moi dans une cave
Tu me trouvais silencieux mais elle, l’autre, elle m’appelait
Tu me demandais « M’aimes-tu ? » Mais la question était ailleurs

Ce mouvement du ventre contre moi d’une femme qui demande l’amour
Puis sur la grève il reste des objets et des regards éparpillés
Et chacune m’est nécessaire comme dans la plaine les lumières, les fumées
Elles ne demandent qu’une chose : qu’on les accompagne un peu de temps
Dans leur roman page à page offert, leur épaule sur mon épaule
Et moi qui chaque fois me recule sans me donner

Je sortais de chez une fille. Dans la rue la pluie m’accueillait
Tu as senti, mon amour, que de très loin je revenais vers toi
Un jour je te prendrai de ma puissance et je saurai la ferveur du don
Ce sera ce soir et je rentre d’un voyage
Tu m’ouvres la porte, tu es en larmes, tu me dis
« Je t’attendais hier au soir mais il y a quatre ans que je t’attends »

 

FACILE


Paul Eluard

 

FACILE

 

 

Tu te lèves l’eau se déplie

Tu te couches l’eau s’épanouit

Tu es l’eau détournée de
SCS abîmes
Tu es la terre qui prend racine
Et sur laquelle tout s’établit

Tu fais des bulles de silence dans le désert des bruits
Tu chantes des hymnes nocturnes sur les cordes de

l’arc-en-ciel
Tu es partout tu abolis toutes les routes

Tu sacrifies le temps

A l’éternelle jeunesse de la flamme exacte

Qui voile la nature en la reproduisant

Femme tu mets au monde un corps toujours pareil
Le tien

Tu es la ressemblance

 

 

Paul Eluard

 

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FIL ROUGE


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FIL ROUGE

Veinés de la peau des fruits

l’outre en attente

s’humanisa

d’un précédent à Soulages

et me sortit du néant approchant

Quand je vois tes fesses posées sur le tabouret de l’atelier

toute la vigueur de Giacometti m’étreint le coeur

à n’en plus voir qu’un espoir surréaliste

Albert et Maria intemporels.

 

Niala-Loisobleu – 16 Juin 2020

LA PEAU DU MONDE


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LA PEAU DU MONDE

 

Sur le fil du désir nous marchons vers un dieu. L’Éternité s’invente à chaque galaxie. Il faudra piétiner les banquises du songe, les vallées de l’espace, les
mondes attiédis et les étoiles rouges où l’agonie s’installe, avant de parvenir au cœur d’un tourbillon, originel chaos préparant le cosmos. L’avenir quotidien saura
peser nos âmes.

Sous l’écorce nous aimions l’arbre et sous l’arbre le vent. Ils voyageaient ensemble et traversaient les fleuves qui offriraient au loin l’élan de leur vigueur. Parfois leur ambition
se perdait dans les sources pour mieux régénérer quelque très vieux désert où s’évaporaient des batailles dont les cris malgré tout étaient encore
humains.

Quelquefois une étoile noire macule nos livres d’images, conférant à la maladresse une saveur d’infini comme ces portulans dont l’imprécision même faisait parfois
surgir tout l’or d’un continent. Lorsque les galions de nos enfances grises auront pillé l’azur et vaincu l’ouragan, nous rentrerons chez nous pour créer des empires au fond de ces
jardins qui nous faisaient si peur.

Bec, ongle, pince et griffe au partage du jour. Un règne lacéré s’installe en nos mémoires où le passé vacille au profit d’un futur à peine immunisé des
à-coups de l’Histoire. Serons-nous les mutants des ruines ou du bruit que font la mort violente et le crime lucide ? Notre goût du bonheur serait-il perverti au point de maquiller
toute vie en suicide?

Cherchant à expliquer comment naît un désert, nous avons commencé par le feu et la pierre, poursuivi par le vent, la silice et le quartz, pour nous perdre en chemin, à
mi-genèse presque, en un autre désert plus vide et plus ancien, bien établi déjà dans son horreur parfaite. Désert civilisé, techniquement au point pour
suicider le rêve et flouer la mémoire.

Mannequins effacés, pâles sorciers du doute, l’alchimie du futur envahit votre nom en diluant la mort dans le sang des vivants. Vous devrez affronter votre substance même où
le poison se mêle à l’élixir du temps. Devien-drez-vous robots, golems ou androïdes assoiffés de revanche en vos corsets de fer ou cellules à venir d’un homme
déjà mûr qui saura, mieux que vous, apprivoiser l’énigme?

Le froid sculpte au hasard des soleils de banquise montés dans le dernier carré d’un ciel vaincu. Un désespoir nous gagne aux fruits mal défendus, certitudes glacées
des vérités acquises. Les planètes balancent en un cosmos qui enfle et nous nous épuisons à le suivre en secret vers les confins d’un dieu surgi de l’improbable,
instant zéro d’un monde ou trop jeune ou trop vieux.

Un cerveau de roi fou boit chaque ciel qui passe au-dessus du chaos mis sur ordinateur. Le progrès bien nourri programme les famines, résiste quelquefois à la greffe du
cœur. Nous autres, courtisans d’un souverain de plume, nous nous habituons aux bonbons de la peur, et quand il nous promet des rasades de lune, notre roi fou se trompe, et de siècle,
et de mœurs.

Nouer le maillon d’eau à son maillon de sable fut longtemps le projet de ces minces pêcheurs qui croyaient au bon vouloir des vagues. Cette harmonie factice et corrodée de sel,
nous l’avons éloignée sur ces bateaux en flammes porteurs de chefs vikings que dissoudrait la nuit. Leur âme calcinée flottait entre deux règnes où se distinguait
mal le présent du futur.

Le temps voyage seul, oubliant les saisons que les grands migrateurs s’échinent à poursuivre en leurs dérives hauturières, poussés par la loi de l’espèce. Le temps
voyage seul, faisant de notre vie une gravitation sans escale. Nous-mêmes deviendrons oies sauvages, cigognes, toujours entre deux nids, entre deux continents, mais notre unique loi sera
la chute libre sur une orbite calculée pour nous maintenir en éveil dans notre rêve de vivants.

Des puits se sont creusés sous nos pas délébiles et nous ont digérés en un silence noir. Depuis, nos voyageons dans les boyaux du monde, sans savoir si le vide ou
l’enfer sont au bout. Cette vie souterraine a collé nos paupières, érodé nos genoux, palmé nos maigres doigts. Nous sommes devenus taupes, racines, larves d’un royaume
inversé où la mort a le temps.

L’oeil d’un dieu est inscrit sur l’iris de nos songes, nous évitant ainsi de mutiler le jour. Statues, temples, autels des religions plausibles continuent de bercer notre fuite en avant.
Nous nous voulions chasseurs et nous sommes la cible d’étranges microscopes aux lentilles de vent. L’examen est clinique et la conclusion vague: on n’apprivoise pas les bacilles du
temps.

La paupière des jours s’est fermée sur la ville, œil cyclopéen soudé au terreau de l’Histoire ou reliefs de festin laissés par les pillards. Nous ne
témoignerons ici que de vestiges arasés par le soc, aplanis par le vent. Si des trésors existent, ils sont noyés d’oxyde et si la vie revient, ce sera en secret. Le
laboureur triomphe en restant immobile de tous les cavaliers jadis maîtres en ces lieux.

Nous tous éparpillés en atomes de glaise croyons à ce noyau qui nous maintient debout, mais tout en ignorant au centre de quel fruit il affermit sa coque et nourrit sa
matière. Certains furent tentés de briser ce noyau afin de déchiffrer le nom et le message. Un éblouissement leur tient lieu de cercueil. Pourtant c’est leur orgueil qui
nous permet de vivre.

L’argile du rempart ne résistera guère au limon de l’Histoire amassé par le Vent. Votre sécurité tombera en poussière, peuples nés de la nuit avec du rouge au
front. Le fleuve coulera sur vos années-lumière, vos enfants, votre blé garniront les tombeaux et l’or de votre foi ne servira, en somme, qu’à creuser un peu plus notre
destin de sourds.

Cette géographie des taches de vieillesse, que nous nous surprenons à lire, quelquefois, sur le dos de nos mains bien à plat sur la table, est semblable, plutôt, à la
cosmographie d’étoiles disparues dont la lumière encore est le paradoxal témoignage de vie. Il faut prendre le temps de mourir en avance pour mieux tendre nos mains aux
tâches du futur.

Un serpent prisonnier du temps devenu pierre savait encore muer, complice des glaciers quand leur fleuve immobile inondait la matière. Il parvint jusqu’à nous ce reptile en dentelles,
mordit notre présent de son venin usé, puis, malgré le sérum que notre ego distille, nous fûmes pétrifiés serpents à notre tour, affublés d’une peau
qui ne convenait guère à cette chair à vif dont nous étions sculptés.

Dans une fête ancienne où l’irréel se danse, sous son masque éborgné d’un regard qui balance, une vérité bouge, une fuite prend corps. S’il fallait peser
l’âme à l’aune de la mort, nous serions, au matin, ou démons ou prophètes. Mais l’âme a soif d’abîme et l’ange mord la bête. Visage tiraillé entre vide
et paroi, nous ne perdrons la vie qu’en sauvant notre tête.

Nous labourions la vie avec plus de rigueur. Il fallait un ordre à nos rêves, une conscience aiguë de nos ahgne-ments. Le temps nous contemplait d’un œil géomètre
quand nos calculs humains, que nous voubons exacts, se voyaient engloutis par des coulées de lave. Une ville sombrait dans un magma mortel, sépulture éblouie de nos consciences
nettes, abbi pour notre rachat.

Un cerveau d’ouragan s’appropria le monde et le remodela selon ses tourbillons pour transformer la mort en sujet de légende. Le prix du sacrifice à la mémoire fut
élevé. Vivre restait le but, avec ce goût du cataclysme que nous portions en nous. Les statues de sel se retournaient sur nos écarts et dans leurs yeux figés un dieu
tremblait encore.

Dépositaires des secrets du ciel, comptables des apocalypses, ils étaient les veilleurs, ces anges du refus. Leur orgueil produisit des géants malhabiles, contraints de plier,
à la fin, sous le poids du monde avant de gagner l’autre versant de l’éclair. Depuis, sur une terre lasse et repue de cadavres, nous tentons de rêver des genèses plausibles
afin de déchiffrer l’écriture du dieu. Nous mitraillons la nuit de déluges en herbe, mais en ignorant tout de ce qui crée la main.

D’une liturgie vague ils célébraient leurs dieux sur

des autels usés par trop de paraboles.

Offrandes-bouquets secs, dons d’aliments moisis

deviendraient le viatique au voyage immobile.

Un néant casanier serait le substitut à leur éternité

enlisée dans le doute.

Respirez fort, ouvrez les yeux,

surveillez l’huile de la lampe,

La nuit des autres nuits envoie ses messagers.

Vous m’aviez indiqué le chemin

avec des portées de musique,

un soleil, une dent de narval.

Je suis venu malgré le poids du monde

et le feu qui nourrit le sang.

J’ai passé avec vous

tant d’années secrètes

que nos rides ont fini

par contraindre la peur à l’exil.

Elle reste avec son secret

tisse autour de sa tristesse

une toile d’aurore légère

que jamais le jour n’atteindra.

Les angles de son visage s’émoussent

dilués dans un désert doux.

Elle aurait voulu être aimée

pour le duvet de ses paupières.

Les vagues de l’espace ont rejeté nos dieux sur ces continents de l’esprit où le temps a changé de signe. Ils vivent en sursis leurs genèses salées, pèsent mal les
apocalypses. L’enfer bout à leurs lèvres et leur œil ne voit plus qu’un univers-volcan dont tous les cerveaux fondent en purs diamants de deuil, noire immortalité. Nous
balayons l’espoir infatigablement sur le seuil délité de nos consciences floues mais, sachons-le: l’enfer aussi a ses lois.

Nul ne voulait encore y croire:

les déserts se peuplaient de traces familières

semblables à des moments de bonheur.

Une eau pure irriguait la mémoire et des plantes

poussaient sur les cailloux du ciel.

C’était notre futur; il aurait l’expérience du passé

embelli par un regard d’enfant.

Repue de ciel, de vent, la mer était silence. Elle baignait ma nuit, l’immobilisait presque au fond d’une mémoire où des trésors durcis resteraient inviolés. Elle avait
fait passer son souffle dans le mien: je glissais doucement vers l’éveil de ma race, redevenais poisson, paramécie, plancton. J’atteignis le grand large où rôdent les
abysses pour y couler enfin dans un rêve éclaté d’où j’allais prendre forme et marcher vers le jour.

Vous aurez de la craie pour dessiner mes fuites sur

l’horizon poudreux qu’enflamme un cavalier

Je vous attends

Vous aurez de la mousse à calfeutrer les vides au creux

de mon cerveau en pleine hibernation

Je vous attends

Vous aurez un nuage où le ciel s’emmitoufle quand il

veut adoucir un soleil d’oeuvre au noir

Je vous attends

En compagnie de mes licornes familières

de mes Pégases quotidiens et pour aller chasser

le dragon ou la puce

Je vous attends

Notre ultime forêt il faudra la chercher parmi les algues bleues qui boivent le soleil au temps durci des grottes. La calcite et l’argile dressent là des colonnes dont le style
appartient au seul hasard des pluies. Des traces de pieds nus y sont parfois visibles, des empreintes de mains: celles de ces chasseurs voulant signer les gouffres d’une terre d’éveil dont
la foudre et l’aurochs se disputaient le poids.

Il y eut un nuage rouge et puis plus rien sur une terre

gaspillée par l’aigu des conquêtes. Les totems, qui

avaient fondu, ressemblaient à des bornes indiquant

l’improbable.

« Légende » était le mot que tous avaient perdu.

 

Jean Orizet

 

Je t’ai rejoint entre un bic à brac , porte-mine à pédales au coeur du plumier en bois que j’avais mis à l’abri des invasions probables du smatphone alors qu’il n’était pas né

Curieuse de tout et surtout des odeurs, ta peau ne résiste pas à en approcher, surtout quand c’est des mots qu’elles transpirent

Au départ modeste je fis laquer son bois brut au Vietnam  dans un endroit indescriptible où la fumée des encens arrivaient à confondre la religion exacte des temples. Arrivé là sur une bicyclette  équine, j’avais eu une impression tellement prenante à la vue des îles de la baie d’Along que je devins un fan de la compression calcaire qui pose ses érections en archipel tellement le beau est jouissif

Sans les voir d’entendre les enfants asiatiques dirent d’une seule voix « nos ancêtres les gaulois » ouvre la légende plus grand qu’un col à Roncevaux. Et en plus dans la classe de Marguerite ca me fait autrement bander qu’un long-métrage d’Emmanuelle se donnant dans les toilettes de l’avion qui la sortait de son fameux fauteuil

Ton corps est une rizière en terrasse depuis que tu m’as pris pour buffle

Et ça je sais que c’est impossible à faire comprendre au premier de l’école à la reprise des cours Lundi prochain, vu la base sensorielle dont ils sont munis. L’équation poétique tenue dans la métaphore est radicalement incompatible avec leurs algorhitmes

J’en suis rendu à ne plus cirer mes chaussures tellement te pêcher à pieds nus soulève une émotion pour laquelle les mots sont insuffisants

Tiens je retourne peindre pour dire ce que tu me fais.

 

Niala-Loisobleu – 16 Juin 2020

 

 

DES ECHAUGUETTES


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DES ECHAUGUETTES

Elle dort pendant que je tiens son sommeil à portée de lèvres

les fleurs  du mur en papier s’ouvrent à la jointure des doigts

Le chien a une manière d’être là qui n’appartient qu’à lui

on dirait qu’il mâche le tic-tac de l’horloge sans bruit.

Niala-Loisobleu – 16 Juin 2020

CES MOTS-PEINTS


 

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CES MOTS-PEINTS

 

L’après-midi alors que le vent promenait tout et n’importe quoi, m’est venu assez de toi pour une longue phrase charnelle

Au nu du chien allongé tenant la garde

Et des draps restés autour du ciel de lit

Sur une chaise

Quand s’ouvre ta bouche à la mienne devant l’absence de mateurs

Alors qu’il me plaît de peindre ce qui n’intéresse personne en dehors de toi.

 

Niala-Loisobleu – 15 Juin 2020

UN PEU D’OR DANS LA BOUE


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UN PEU D’OR DANS LA BOUE

I

Je me disais aussi : vivre est autre chose
que cet oubli du temps qui passe et des ravages
de l’amour, et de l’usure – ce que nous faisons
du matin à la nuit : fendre la mer,

fendre le ciel, la terre, tour à tour oiseau,
poisson, taupe, enfin : jouant à brasser l’air,
l’eau, les fruits, la poussière ; agissant comme,
brûlant pour, allant vers, récoltant

quoi? le ver dans la pomme, le vent dans les blés
puisque tout retombe toujours, puisque tout
recommence et rien n’est jamais pareil
à ce qui fut, ni pire ni meilleur,

qui ne cesse de répéter : vivre est autre chose.

II

Le temps qu’on se lève vraiment, qu’on dise
oui de la pointe des pieds jusqu’au sommet
du crâne, oui à ce jour neuf jeté
dans la corbeille du temps, il pleut.

Ô l’exacte photographie de l’âme, ces deux mots
qui nous rentrent les yeux comme des ongles
dans la chair : il pleut. Le sang de l’herbe
est vert insupportablement et c’est en nous

qu’il pleut, en nous qu’une digue rompue
voit s’effondrer peu à peu, derrière la vitre
et parmi les voilures, avec des pans de vieux
regrets, d’attentes fatiguées,

les raisons de partir et d’habiller le froid.

III

Encore si le feu marchait mal, si la lampe
filait un miel amer, pourrais-tu dire : j’ai froid,
et voler le cœur du noyer chauve, celui
du cheval de labour qui n’a plus où aller.

et qui va d’un bord à l’autre de la pluie
comme toi dans la maison, ouvrant un livre,
des portes, les repoussant : terre brûlée, ville
ouverte où la faim s’étale et crie

comme ces grappes de fruits rouges sur la table,
vie étrangère, inaccessible présent
à celui qui ne sait plus désormais
que piétiner dans le même sillon

la noire et lourde argile des fatigues.

IV

Peut-être faudrait-il tirer le rideau, laisser
le corps tout entier couler dans la fatigue
et dénouer l’entrelacs des pensées, la noire
étreinte des algues, trancher vif

avec ta propre mort, ce qui a été et qui n’est
plus, avec ce qui viendra, l’inéluctable
marée de sons et d’images que les noyés – dit-on –
n’emportent pas, laisser le temps

comme la pluie battre ton front
jusqu’à ce que tout redevienne poussière
dans la chambre du mort : on vide les tiroirs,
on balaye et par la porte ouverte la lumière

un instant se fait chair et frissonne

V

On dit : le soleil après la pluie, la mer
après la montagne, l’amour après
et partir, partir. Demain, quand tout sera,
quand tout aura, quand.

Promesses des morts si vivre est plus
qu’attendre, qu’espérer. Cendres jetées
sur le feu qui regimbe un peu puis se tait
sans consolation : la nuit

tombe, l’aube se lève, un été a passé.
Déjà, disent les fumées du hameau
tandis que des animaux sans colère continuent
d’amasser l’or du temps, l’or

de nos yeux avides et si vite fermés.

VI

Et tu finis par ranger le livre, là-haut,
à sa place exacte, ce petit creux d’ombre et d’oubli
comme le coin de terre qui te revient.
Tu reviens toi aussi

à ta place, devant la fenêtre, la table,
ce carré de neige que nul encore n’a forcé
et qui va dans tous les sens comme ta vie
parmi les mots, les morts.

Tu sais bien qu’aucun signe ne guérit de l’absence,
pas plus que le merle en tombant ne renverse
l’axe de la terre, mais tu persiste, ô scribe,
à soudoyer les anges :

un peu d’or dans la boue, dites, que la nuit reste ouverte.

VII

Si j’ai cherché – ai-je rien fait d’autre ? –
ce fut comme on descend une rue en pente
ou parce que tout à coup les oiseaux
ne chantaient plus. Ce trou dans l’air,

entre les arbres, mon souffle ni mes yeux
ne l’ont comblé – et je criais souvent
au milieu des herbes, mais je n’attendais
rien, je me disais : voilà,

je suis au monde, le ciel est bleu, nuages
les nuages et qu’importe le cri sourd des pommes
sur la terre dure : la beauté, c’est que tout
va disparaître et que, le sachant,
tout n’en continue pas moins de flâner.

VIII

Vers l’ouest, avec les derniers rayons roses,
en suivant bien la flèche sur le bas trop tendu
de la nuit qui s’est penchée pour mettre
l’avion dans sa poche, voilà

ce qui tient encore, les yeux au ciel, debout
sur ce parking où tu effiles dans le gris
tes voiles de Colomb, tes routes de la soie
et du sel et du seul, en attendant,

En attendant que tout finisse (tu dis tout
comme celui qui siffle pour garder son ombre
à ses côtés dans la ruelle obscure) tout: ce baiser
– à peine – du couchant sur les lèvres

de celle qui s’en va en te laissant le quai.

IX

Ce que j’ai voulu, je l’ignore. Un train
file dans le soir : je ne suis ni dedans
ni dehors. Tout se passe comme si
je logeais dans une ombre

que la nuit roule comme un drap
et jette au pied du talus. Au matin,
dégager le corps, un bras puis l’autre
avec le temps au poignet

qui bat. Ce que j’ai voulu, un train
l’emporte: chaque fenêtre éclaire
un autre passager en moi
que celui dont j’écarte au réveil

le visage de bois, les traverses, la mort.

X

Je me disais: il faut encore, il faut –
et les mots couraient devant moi, reniflaient
la route, le ciel, les fougères, le ventre
mal boutonné des collines

puis revenaient, me rapportant un bout de peau
calcinée, un fragment d’os: cette vieille
et toujours lancinante question
du pourquoi ici, moi, pourquoi?

  • aller venir attendre comme le préposé
    aux départs, qui ouvre et ferme l’horizon,
    attendre l’ultime voyageur
    avant de retourner l’ardoise, d’écrire

fermé pour cause de paresse;

Extrait de:
1991, La Vie Promise, (Gallimard)
Guy Goffette

QUATRAINS POUR HÉLÈNE


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QUATRAINS POUR HÉLÈNE

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Hélène
Locoge

 

Mon cœur était terre d’Arizona

et il y eut en lui d’immenses chevauchées

et des points d’eau précieux

où la liberté venait boire au crépuscule

Notre destin de transparence

la fin méprisant les moyens

l’âme jouant le quitte ou double

l’éternité qui nous adoube

Je fréquente le
Christ dans la lumière blanche

il est si mal noté par les mauvais apôtres

par ses amis ses ennemis par tous les autres

que je n’ose sortir avec lui le dimanche

A bon chagrin bon éléphant

à bon entendeur une larme

de quoi vêtir ce diamant

qui frissonnait dans mon alarme

N’exigez pas de l’analyse ni le pourquoi

ni le comment

quand j’ouvrirai cette valise s’envoleront

seize éléphants

 

 

Achille Chavêe

 

 

Je ne succomberai pas à la mode d’une politique trouble n’ayant que que l’ambitio de tirer profit pour l’élu

Le charmeur de serpent  qu’est Emmanuel Macron par son intervention du 14 m’enjoint  de fuir les zozos du club wordpress qui n’ont strictement rien à faire chez moi puisqu’ils sont faits pour aller intriguer chez lui pour leur compte

Je supprimerai sans relâche ceux qui s’entêteront à revenir, con se le dise…

 

 

Niala-Loisobleu – 15 Juin 2020