
LA MAIN GAUCHE
Suspendu, un châssis dénudé de lin pense au temps des toiles en étendue. Les tubes secs comme des pages blanches traînent parmi les morceaux de craies, des fusains sur lesquels une police scientifique identifierait les empreintes, portes-plumes, mines de plomb , critérium Caran-d’Aches, une odeur d’alcool reste au fond de quelques verts renversés par une grisaille psychologique
Ils marchent les yeux dans les yeux
Le lapin chasseur aurait du me rappeler mon père, son humour et son esprit enchanteur dès l’aube en train d’éplucher l’itinéraire qui le conduirait à sa prochaine aquarelle. Hélas il m’a échappé des doigts quand du terrier j’ai aperçu sortir la vilaine bête. La glu des oiseleurs traque l’oiseau
Un service militaire prolongé bien au-delà du temps réglementaire devait m’apprendre à déminer entre deux constructions de pont fluvial. De quoi rire vu la quantité d’explosif que mes chemins gardent, mèche allumée
En perdant le manuscrit de la dernière chanson, le cheval a perdu son aspect ventriloque. Les sabots ne sont pas parvenus à rejoindre le kiosque à musique du jardin public. Pas plus que la queue du Mickey du manège en place contre le Guignol
Et devant la mer la rose des sables est venue tout droit de Taïwan dans l’étal du marchand de souvenirs
L’enfant s’est vu grandir
Il a pris peur
Comme au temps où il a été puni d’écrire à la main gauche…
Niala-Loisobleu – 19 Avril 2020
Rien ne ramènera le soleil
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DIT DU PÉRÉGRIN
Je ne sais pas
Disait la voix.
Je sais que c’est la nuit,
Que rien ne me réclame,
Que j’envie les damnés.
On s’en occupe,
Au moins.
Ce n’est pas lui
Qui aurait rencontré
La biche fatiguée,
Assoiffée, camarade.
Il arrache un peu de ciel,
Il arrache du nuage.
Tout en marchant,
Il les malaxe
Et il fredonne la bouillie.
*
Un brin d’herbe,
Après tout,
Ça fait assez superbe
Pour un grand rendez-vous.
•
En marchant dans la nuit
Il est forcé de croire
Qu’il finira toujours,
N’importe où il se trouve,
Par tomber sur les quais d’un port
Où les bateaux sont épargnés.
*
Il ne pense pas au port
Pour le voyage, le départ,
La grande mer.
Il rêve au port
Pour bien sentir la terre,
Pour s’accrocher à elle.
*
Ce qui lui manquait
Dans ses va-et-vient,
C’étaient, en bien des lieux,
Des fruits à hauteur d’homme
Qu’il n’y a qu’à cueillir.
*
Pas une étoile
Qu’il pourrait
Arracher à la nuit.
Pas une.
Il voyait la nuit
Pleine de masses d’eau
Confuses, menaçant
De s’entre-dévorer,
Un peu pareilles
A des huiles de vidange,
Et il se voyait, lui,
Obligé de marcher
Sur une passerelle
Sans rampe
Et qui tanguait. *
Aucun coucou
Ne l’accompagna
Quand il allait
Seul dans le noir
Vers le printemps
A ramener.
Il y a pourtant des chemins,
Un peu partout quelque chemin,
Pourquoi pas pour lui?
Pourquoi toujours ce sol
De mare ou de lise?
*
C’est entendu :
On n’arrivera pas.
Mais qu’on puisse au moins
N’avoir plus à marcher,
N’avoir plus à chercher,
Pas plus dans les prairies,
Dans les marécages,
Pas plus dans les landes,
Dans les places des villages,
Que dans les autodromes
A l’intérieur des roses.
Encore s’il avait pu
Parfois s’arrêter dans un mot,
S’y reposer un peu de temps.
Mais ils étaient tous
Dans le tremblement.
Partout où il passait,
Devait passer,
Croyait passer,
Il lui semblait
S’être enfoncé déjà.
La mémoire non plus
N’était pas amie. *
Il y eut sur lui
Comme des souffles de bêtes,
Assez chauds et poisseux,
Mais jamais il ne put
Toucher le corps velu.
C’était peut-être
Le souffle de la terre. *
Déjà bien assez
D’avoir toujours
Plus ou moins mal.
Faut-il encore
En avoir honte —
Et à ce point?
Est-ce qu’il a
Demandé l’aumône?
Il a parfois
Partagé des lits.
*
Aucun aparté
N’était donc définitif,
Tout à l’heure
Elle ne sera plus là
Et il aura faim
A manger sa soif.
*
Il y en a
Qui, paraît-il,
Ont vu des signes
Sur l’horizon.
Ils savaient lire.
*
Jamais
Il n’a cru Être le seul pestiféré.
Les non-pestiférés
Peut-être d’ailleurs
Qu’on les parquait.
C’est pour leur sauvegarde
Que les autres
Avaient l’errance.
*
Ceux qui sont enracinés
Et qui s’en plaignent
N’ont plus, c’est vrai,
A se raconter
Qu’à des espèces
De choses bigotes,
Agenouillées
Entre des pierres
Ou gisant debout.
+
Présent!
A quoi n’avait-il pas
Répondu :
Présent?
Et puis, quoi?
C’est aux nuages
Qu’il aurait voulu s’accrocher.
Pour une fois tâter
De la hauteur.
Cette boulimie qu’il avait
D’immobilité.
Ce rêve
De stabiliser
L’immobilité.
Même les rocs
N’étaient pas sûrs.
Jamais la mer
Ne venait se mêler
A ses bagarres.
Jamais la mer
N’avait besoin de lui.
Mais les autres, c’était
Pour quoi?
L’aurore boréale
Qu’il macula
De ses sarcasmes,
Elle qui ne servait à rien
Qu’à le montrer à tous
Escaladant la roche,
Dégringolant
Dans l’eau croupie.
Il n’a pas souvenir
D’avoir lui-même
Mutilé ces gens, ceux-là
Qui crient et gesticulent
Au long de son chemin.
Le plus terrible
Ce fut
Cet œil de chat
Qui regardait
A travers lui
Approcher leur avenir.
A qui s’en prendre?
C’était assez d’avoir
A gouverner ses pas.
Ce bonheur flagrant
Des feuilles et des fleurs
Qui résistait à son passage.
Probablement
C’était son lot
D’être expulsé
Comme la graine du genêt.
Toujours ce battement
Pour rythmer les absences.
Comme si l’univers Était une horloge
Et la terre un pendule.
Ah oui ! le soleil !
C’est vrai
Qu’il y a quelque part
Le soleil.
Pour se voir pris, repris
Par le vertige,
Il n’avait pas besoin
De monter bien haut.
Même pas
De monter du tout.
Un marais salant,
C’était assez.
Un talus.
*
Cette chose
Qu’il arrachait,
Il avait beau
La densifier
Avec du lui-même,
Essayer d’en faire
Des béquilles
D’ouate et d’acier,
Ça ne l’empêchait pas
De patauger
Dans une espèce de boue
Pétrie avec ses cris.
*
Parfois,
Les cloches.
Venues de partout.
Pour quel glas?
Il n’a jamais
Envisagé de reculer.
Il a toujours pesé,
Poussé, il s’est arqué
Pour avancer.
A preuve,
Cette boue sur lui.
A preuve,
L’usure de ses habits
Aux points de frottement.
*
Mais oui, bien sûr,
Que parfois
Il s’est réveillé
Sur le bord d’un pré
Qui entonnait le jour
Par les pâquerettes.
Il aurait voulu
Y lire aussi
La bonne augure.
Ce qui lui plaisait
Assez fréquemment
C’était de se vivre
Écorce de chêne
Le temps d’un sommeil.
Il ne sait plus
Où se trouve la rue
Qui monte et donne
Sur le gouffre
Où s’étale
Une partie de la ville,
Très bas, où les corbeaux
Ne descendent pas.
Pas peur des puits :
Il y a les margelles.
Pas peur des murs ni des arbres
On s’y cogne et on repart.
Pas peur de la mer :
On lui tourne le dos.
Pas peur des cimetières
On s’y assoit.
Pas peur des monstres :
On les badigeonne.
Peur de se perdre
Dans cette ouate
Hors des dictionnaires.
Merci, les chiens de garde,
Les vaches de bruine.
Merci, les buissons.
Merci, les bancs
Quand on les retrouve.
Merci, l’aurore —
Et cette main
Comme un sourire.
L’œil de bœuf
Dans la cathédrale,
Jaune et bleu
A travers l’ombre,
Celui-là
Le reconnaissait.
Une musaraigne
Lui a demandé
Le sacre.
Il le lui a donné
Au pied des ajoncs.
Il n’a jamais
Endossé de pourpre.
A d’autres, celle
Du couchant.
A l’aube,
Certains jours,
Il croyait avoir part
Au chant du rossignol.
Il n’aimait pas du tout,
Entrant dans des cités,
Étrenner sur des dalles
La boue de ses souliers.
Il ne s’assoit pas tellement
Dans l’ombre des cathédrales.
Il préfère les recoins
Où ne passent
Que les chiens et les mouches,
Où il a parfois pour lui
La gloire du pissenlit.
Le sourire de ses doigts Était son sceptre.
Il lui arrivait
De le saluer.
Eugène Guillevic
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Cet écrit m’est pour des raisons personnelles chaudement frictionnant. Merci Alain 💛💜
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J’avoue que les frictions ne me font pas courir, aujourd’hui plus qu’hier, je dirai cependant que sans vouloir te passer à la question, tu me poses question Delphine.Merci…
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