Jour : 21 mars 2020
ROUX COULEMENTS

ROUX COULEMENTS
Au moment prêt, où ça bouge
doucement de nouveau se pose
la feuille multiple
sur tout l’arbre
le rose à coeur jaune d’une fleur porteuse
l’accompagne
d’une grande coiffe blanche
Un oiseau sur les genoux
la femme plume son ventre
puis couve
sous ses seins poires
et la pluie solaire
jute de fruit plein le vers
Niala-Loisobleu – 21 Mars 2020
AU FEU !

AU FEU!
J’enfonce les bras levés vers le centre de la
Terre
Mais je respire, j’ai toujours un sac de ciel sur la
tête
Même au fort des souterrains
Qui ne savent rien du jour.
Je m’écorche à des couches d’ossements
Qui voudraient me tatouer les jambes pour me
reconnaître un jour.
J’insulte un squelette d’iguanodon, en travers de
mon passage,
Mes paroles font grenaille sur la canaille de ses os
Et je cherche à lui tirer ses oreilles introuvables
Pour qu’il ne barre plus la route
Mille siècles après sa mort
Avec le vaisseau de son squelette qui lait nuit de
toutes parts.
Ma colère prend sur moi une avance circulaire,
Elle déblaie le terrain, canonne les profondeurs.
Je hume des formes humaines à de petites distances
Courtes, courtes.
J’y suis.
Il n’y a plus rien ici de grand ni de petit, de liquide
ni de solide,
De corporel ni d’incorporel;
Et l’on jette aussi bien au feu une rivière, où saute
un saumon, et qui traversait l’Amérique,
Qu’un brouillard sur la
Seine que franchissent les
orgues tumultueuses de
Notre-Dame.
Voici les hautes statues de marbre qui lèvent l’index
avant de mourir.
Un grand vent gauche, essoufflé, tourne sans trouver
une issue.
Que fait-il au fond de la
Terre?
Est-ce le vent des
suicidés?
Quel est mon chemin parmi ces milliers de chemins
qui se disputent à mes pieds
Un honneur que je devine?
Peut-on demander sa route à des hommes considérés comme morts
Et parlant avec un accent qui ressemble à celui
du silence.
Centre de la
Terre! je suis un homme vivant.
Ces empereurs, ces rois, ces premiers ministres, entendez-les qui me font leurs offres de service
Parce que je trafique à la surface avec les étoiles et
la lumière du jour.
J’ai le beau rôle avec les morts, les mortes et les
mortillons.
Je leur dis : «
Voyez-moi ce cœur,
Comme il bat dans ma poitrine et m’inonde de
chaleur!
Il me fait un toit de chaume où grésille le soleil.
Approchez-vous pour l’entendre.
Vous en avez eu
un pareil.
N’ayez pas peur.
Nous sommes ici dans l’intimité
infernale ».
Autour de moi, certains se poussent du coude,
Prétendent que j’ai l’éternité devant moi,
Que je puis bien rester une petite minute,
Que je ne serais pas là si je n’étais mort moi-même.
Pour toute réponse je repars
Puisqu’on m’attend toujours merveilleusement à
l’autre bout du monde.
Mon cœur bourdonne, c’est une montre dont les
aiguilles se hâtent comme les électrons
Et seul peut l’arrêter le regard de
Dieu quand il
pénètre dans le mécanisme.
Air pur, air des oiseaux, air bleu de la surface,
Voici
Jésus qui s’avance pour maçonner la voûte
du ciel.
La terre en passant frôle ses pieds avec les forêts les
plus douces.
Depuis deux mille ans il l’a quittée pour visiter
d’autres sphères,
Chaque
Terre s’imagine être son unique maîtresse
Et prépare des guirlandes nuptiales de martyrs.
Jésus réveille en passant des astres morts qu’il secoue,
Comme des soldats profondément endormis,
Et les astres de tourner religieusement dans le ciel
En suppliant le
Christ de tourner avec eux.
Mais lui repart, les pieds nus sur une aérienne
Judée,
Et nombreux restent les astres prosternés
Dans la sidérale poussière.
Jésus, pourquoi te montrer si je ne crois pas encore?
Mon regard serait-il en avance sur mon âme?
Je ne suis pas homme à faire toujours les demandes
et les réponses!
Holà, muchachos!
J’entends crier des vivants dans
des arbres chevelus,
Ces vivants sont mes enfants, échappés radieux de
ma moelle!
Un cheval m’attend attaché à un eucalyptus des
pampas,
Il est temps que je rattrape son hennissement dans
l’air dur,
Dans l’air qui a ses rochers, mais je suis seul à les voir!
Jules Supervielle
CANTIQUE DU PRINTEMPS
CANTIQUE DU PRINTEMPS
Ce matin la rose Eclate comme le cri du coq Le silence des choses Partout se fend les vieux mots Ont fleuri sur toutes les collines L’eau prise au piège S’échappe et court divine
Entre les herbes vierges
Oh ! quel vent quel soleil
Dans la nuit renversa
Les ombres toucha le sommeil
Mit son doigt
Sur la source empourpra
La mort fit sauter la lumière
De pierre en pierre
Et comble de folie
Alluma l’incendie
Dans toutes les artères
Le ciel comme un grand oiseau
Vole nu
Le cœur prisonnier n’en peut plus
Et brise les barreaux
L’âme bourdonne dans la ruche
L’esprit monte et trébuche
Sur mille pensées mortes
Que le temps les emporte
Ce matin la vigne
Eclate au bord de la ravine
Va cœur d’hiver Longtemps pris dans les glaces Te souvient-il d’avoir souffert Les saisons passent Va l’heure est venue Aujourd’hui de courir A la rencontre de l’été Mais les
chemins de naguère Se sont perdus dans la lumière Est-ce mûrir est-ce mourir Cette douceur inconnue
Qui tombe des pommiers
O papillons de l’enfance
Ne touchez pas à l’ombre des pétales
Leur seule transparence
Me sépare de l’ineffable
Clarté
Ne me conduisez pas
Vers les fleuves d’été
Que faire de tout l’éclat
De juillet
Quand c’est la douce la
Douce éternité
Qui traverse le jour
Quand c’est l’amour
Pommiers pommiers et roses
O simples cerisiers
Quand c’est l’amour qui pose
A la ronde son pied
Limpide fontaine
L’heure de midi
Coule dans mes veines
Le ciel est pris
Comme une tourterelle
Endormez-vous parfums et chants
O rossignols de mon sang
Eteignez vos prunelles
Plus un bruit
Sous l’immense soleil
La bouche à l’oreille
A tout dit
Que vienne la moisson Que tombent les fruits mûrs Sous les arbres profonds Le temps saute le mur Rassemble les saisons Sonne la trompette royale J’écoute au loin la houle des vallons
Les grands troupeaux qui vont S’abreuver aux étoiles
O vigne ô fleur de lait
Ensorcelez l’abeille
Luzerne et serpolet
Pampres et treilles
Et vous gardiens du jour
Lumineux tournesols sans paupière
Ne laissez pas ne laissez pas l’amour
Repasser la rivière
Retenez-le couleur d’été
Couleur d’automne
Son pas résonne
Déjà comme un adieu l’éternité
Ferme les yeux mon cœur est-ce la fin
Du dimanche
Une pluie tombe des branches
Pétales pleurs
L’odeur du foin
Là-bas fait rêver les granges
Le temps meurt
Un ange
Mais d’où ? me prend la main
Anne Perrier
LE BISET BLEU
LE BISET BLEU
Un silence à tenir la mer pour soi et prolonger l’intime pendant que les baveux dorment encore
La plage au sable neuf
sans trace de pas
Regarde en veille au trou du rocher, le biset découvre la première vague rincer l’horizon
Tout sent la peau partagée
pour un petit-déjeuner ça dresse les premières fleurs au-dessus d’un entre-deux avant la reprise
Les mauvaises nouvelles du journal n’ont pas franchi la radio, le phare les a balayé d’un dernier regard. Pendant cette trêve on peut croire que la nudité rend l’homme propre, l’enfant peut sourire du haut de son palier
Je t’apporte un printemps frais cueilli, prends-le et laisse tes mains t’en frotter toute entière pour que tu sentes l’herbe remuée la première
J’abois à la joie
Niala-Loisobleu – 21 Mars 2020


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