EN GARE


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EN GARE

En compagnie des heures blanches la nuit étale ses manques comme pour faire mal

Quoi de plus facile

Le petit serpent vert loge on ne peut plus facile dans les fleurs du bouquet

Ce que j’aime c’est l’odeur du vol des papillons

Tu loges au théâtre  de tous les instants

Est-ce que ce matin à la gare reviendra la belle saison ?

Niala-Loisobleu – 06/01/20

2 réflexions sur “EN GARE

    • LA GUERRE ET CE QUI S’ENSUIVIT

      Les ombres se mêlaient et battaient la semelle
      Un convoi se formait en gare à
      Verberie
      Les plates-formes se chargeaient d’artillerie
      On hissait les chevaux les sacs et les gamelles

      Il y avait un lieutenant roux et frisé
      Qui criait sans arrêt dans la nuit des ordures
      On s’énerve toujours quand la manœuvre dure
      Et qu’au-dessus de vous éclatent les fusées

      On part
      Dieu sait pour où Ça tient du mauvais rêve
      On glissera le long de la ligne de feu
      Quelque part ça commence à n’être plus du jeu
      Les bonshommes là-bas attendent la relève

      Le train va s’en aller noir en direction
      Du sud en traversant les campagnes désertes
      Avec ses wagons de dormeurs la bouche ouverte
      Et les songes épais des respirations

      Il tournera pour éviter la capitale

      Au matin pâle
      On le mettra sur une voie

      De garage
      Un convoi qui donne de la voix
      Passe avec ses toits peints et ses croix d’hôpital

      Et nous vers l’est à nouveau qui roulons
      Voyez
      La cargaison de chair que notre marche entraîne
      Vers le fade parfum qu’exhalent les gangrènes
      Au long pourrissement des entonnoirs noyés

      Tu n’en reviendras pas toi qui courais les filles
      Jeune homme dont j’ai vu battre le cœur à nu
      Quand j’ai déchiré ta chemise et toi non plus
      Tu n’en reviendras pas vieux joueur de manille

      Qu’un obus a coupé par le travers en deux
      Pour une fois qu’il avait un jeu du tonnerre
      Et toi le tatoué l’ancien
      Légionnaire
      Tu survivras longtemps sans visage sans yeux

      Roule au loin roule train des dernières lueurs
      Les soldats assoupis que ta danse secoue
      Laissent pencher leur front et fléchissent le cou
      Cela sent le tabac la laine et la sueur

      Comment vous regarder sans voir vos destinées
      Fiancés de la terre et promis des douleurs
      La veilleuse vous fait de la couleur des pleurs
      Vous bougez vaguement vos jambes condamnées

      Vous étirez vos bras vous retrouvez le jour
      Arrêt brusque et quelqu’un crie
      Au jus là-dedans
      Vous bâillez
      Vous avez une bouche et des dents
      Et le caporal chante
      Au pont de
      Minauccurt

      Déjà la pierre pense où votre nom s’inscrit

      Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places

      Déjà le souvenir de vos amours s’efface

      Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri

      Dominos d’ossements que les jardiniers trient
      Pelouses vertes à l’entour des sépultures
      Sous les pierres d’Arras fils d’une autre patrie

      Dont les noms sont tracés d’une grosse écriture
      Blanc sur blanc les voilà nos hôtes désormais
      Où la mort a fixé leur villégiature

      La
      Manche pleure entre eux et ceux qui les aimaient
      Mon oncle d’Angleterre est là dans cette foule
      Entend-il comme nous le rossignol en mai

      Lorette que l’odeur d’Afrique gorge et saoule

      Cimetière en plein ciel pâle aux
      Sénégalais

      L’oubli comme un burnous aux
      Marocains s’enroule

      Les sables ont couvert les larmes et les plaies
      Les lamentations ont cessé dans la brume
      Il n’est pas de palmiers dans le
      Pas-de-Calais

      Ces hauteurs d’un vin noir encore au matin fument

      Le vent foule à leur toit les raisins vendangés

      Et ses dansants pieds nus de leur sang se parfument

      Demeurez dispersés dans nos champs saccagés
      Vous gisants que des croix blanches perpétuèrent
      Et vous à
      Douaumont engrangés et rangés

      L’ordre est mis à jamais dans les grands ossuaires
      Spectres de mon pays reposez reposez
      Laissez sur vous tomber la dalle et le suaire

      Ne faites plus chez nous ce bruit du cœur brisé
      Ne revendiquez plus au foyer votre place
      Et ne gémissez plus le soir à la croisée

      N’arrêtez plus les enfants qui s’en vont en classe
      Les pauvres survivants ont le droit d’être heureux
      Ne les réveillez pas de vos bouches de glace

      Ne venez pas troubler le pas des amoureux
      Laissez l’oiseau chanter laissez l’ombre être douce
      Laissez les jeunes gens s’en aller deux par deux

      Que la tombe s’apaise et se couvre de mousses
      Que la terre mouillée en étouffe les bruits
      Voyez l’herbe se lève et le taillis repousse

      Les myrtes ont des rieurs les cyprès ont des fruits
      Bonheur ô braconnier tends tes pièges de toile
      Les cyprès ont des fruits qui démentent la nuit

      Les myrtes ont des fleurs qui parlent des étoiles

      Et c’est de mes douleurs qu’est fait le jour qui vient

      Plus profonde est la mer et plus blanche est la voile

      Et plus le mal amer plus merveilleux le bien

      Or nous repassions sur la
      Vesle
      Après six semaines deux mois À huit cents mètres de
      Couvrclles
      Qui sont ces défunts que l’on voit
      Fosses fraîches et croix nouvelles
      Arrêtez un peu le convoi

      Celui-ci je me le rappelle

      Il jouait quand le ciel tonna

      Pour nous dans le poste aux chandelles

      Un petit air d’ocarina

      La mort qui vint à tire-d’aile

      Entre ses doigts le termina

      Cet autre un enfant triste et frêle
      S’agenouillait au bord des eaux
      Quand son âme a joué la belle
      Comme de sa cage un oiseau
      Et le tampon du colonel
      L’a ramassé dans les roseaux

      Mais l’inscription que dit-elle
      Je lis et je ne comprends plus

      C’est pourtant mon nom que j’épelle
      J’ai-t-il mal vu j’ai-t-il mal lu
      Si c’est ma demeure mortelle
      Qui dort au pied de ce talus

      Le cœur muet les yeux au ciel
      Depuis six semaines deux mois
      Dans la terre au bord de la
      Vesle À l’ombre d’une croix de bois À huit cents mètres de
      Couvrelles
      Quel est celui qu’on prend pour moi

      Louis Aragon

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