Jean-Michel Maulpoix
Poèmes reproduits avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur Mercure de France
Emma aimait le bleu.
Celui des robes et des rubans que vendent les camelots de passage, ou des stores de soie que l’on tire aux fenêtres des calèches. Celui qui recouvre les livres où l’on parle d’amour.
Celui que laisse dans la tête la musique après que l’on y a dansé.
Elle n’avait pourtant jamais vu la mer.
(extrait du livre de Jean-Michel Mauploix, Une histoire de bleu, éd. Mercure de France MCMXCIV, 1992, « Dernières nouvelles de l’amour », p.107)
Ses robes, il faudrait en parler.
Cette manière qu’elle a d’en changer. D’en découdre avec la terre, avec le ciel. Ses ourlets blancs qui se déchirent et se rapiècent. Ses défroques d’algues à marée basse sur le sable mouillé. Ses fourrures et ses boléros quand elle s’en va danser au large. Et ce bleu, ce vieux bleu fétiche qui en voit de toutes les couleurs quand elle retrousse ses manches et se met au travail.
Les tentures brodées de myosotis et les miroirs profonds encadrés de faïence avouent quelle nostalgie l’habite. Ici se dissimule une vie recluse de femme, avec ses paquets de lettres noués de rubans violets, ses dentelles mauves, ses coffrets de turquoise, et toute la bijouterie des saphirs, des émeraudes et des perles, la pacotille des verroteries et des pendentifs de nacre, et quantité de fleurs exotiques aux tons indescriptibles piquées dans les vases de porcelaine dont aucune main humaine ne change jamais l’eau.
(extrait du livre de Jean-Michel Mauploix, Une histoire de bleu, éd. Mercure de France MCMXCIV, 1992, « Dernières nouvelles de l’amour », p.108)





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