L’EPOQUE 2019/64: LES EAUX-NEUVES 5


L’EPOQUE 2019/64: LES EAUX-NEUVES 5

 

Voici « LES EAUX NEUVES V » le soixante-quatrième de cette nouvelle Epoque 2019 avec BARBARA AUZOU.

C’est un travail à quatre mains , merci d’en tenir compte dans vos commentaires et vos likes.

les eaux neuves 5

L’EPOQUE 2019/64

« LES EAUX-NEUVES 5 »
NIALA
Acrylique s/toile 53×38

 

Il y a mon amour

Partout dans les branches

Des regards qui nous attendent

Secoués de fièvre blanche

Dans les miroirs d’eaux

Des meurtres d’oiseaux

Et de tout ce qui a des ailes

Proférés par les locataires

Inconstants du beau

Privés de leur matière exploitée

Qui ignorent que le ciel

Fait le duvet des réponses

L’éclatante rudesse

De la raison pure avance

Attendant son heure pour frapper

Aux portes Mes seins touchent l’onde

A distance idéale entre le duel

Et le silence éloignant pour longtemps

Le retour du chaos et l’hégémonie

De ce peu de sang liquide qui nous entoure

 

 

Barbara Auzou.

MIROIR


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MIROIR

Juste ce qu’il faut d’eau au saut

et le plan fait miroir

d’EAUX-NEUVES

troncs blancs comme des bûchettes devant les sacs de boulets noirs

oui bougnat, tiens ton cheval par la bride

la rue est encore loin de son bout

les caniveaux seront son abreuvoir

Cette trace de soleil est de poil fauve

tu l’as faite plus large qu’un tablier d’école en effaçant le noir du tableau.

Niala-Loisobleu – 09/11/19

ANIMAL CHAUD


Au rétréci d’une capacité physique tenir presente la force d’aimer isole efficacement du froid

La vigueur charpentant le rein pousse la cheville au fond

Comme les pans de la cabane s’écartent à l’aise sur la fondation rocheuse…

Niala-Loisobleu – 09/-11/19

Traverser la mer à la nage par Michel Jonasz


Traverser la mer à la nage par Michel Jonasz

Je pourrais traverser la mer à la nage
Pour un seul de tes baisers
Accrocher un hamac à deux nuages
Que le vent puisse te bercer
Je pourrais cueillir une à une les étoiles
Quitter la Terre, m’élancer
Me perdre dans l’infini sidéral
Juste après s’être embrassé

Et je suis prêt porté par le mistral
À prendre le large, à m’envoler
On s’aimera j’en suis sûr jusqu’à la fin des âges
Le seul vrai bonheur c’est d’aimer
Le seul vrai bonheur c’est d’aimer

AU CHIEN-ASSIS


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AU CHIEN-ASSIS

Sur l’arête vive

le fil de glace que les mains fondent

dès que les heures en une découvrent chaque 1/4 d’h du ventre

au bruit amorti par la touffe d’herbe épaisse d’une géométrie mystique

gommant les écarts saisonniers au débouché d’un univers satellite mis sur orbite

l’inventaire aux noms d’oiseaux libéré des cages dans la boîte ouverte du marché aux fleurs mis à quai flanc à flanc

Niala-Loisobleu – 09/11/19

Celui qui t’aimait c’était moi – Michel Jonasz


Celui qui t’aimait c’était moi

Michel Jonasz

Regarde- moi ce temps qui nous échappe des mains
hier ne se remplace jamais par demain
chaque seconde est une nouvelle arrivante
une nouvelle note que la vie nous chante
Passe à pied le pont sur la Marne rapide
vois les canards dans la lumière limpide
ce moment unique reviendra-t-il un jour
ne jamais mourir sans oser dire l’amour
Tous ces chiffres en noir sur le calendrier
Saint Prosper et Saint Barnabé
quatorzième semestre du quatrième mois
celui qui t’aimait c’était moi
C’était une minute c’était une année
c’était en automne un soleil d’été
le 38 octobre du troisième décan
mais oui tiens au fait c’était quand
Les heures qui s’écoulent nous laissant sur la braise
toutes ces pousses pendules qui filent à l’anglaise
elles veulent

JE T’AIME…


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JE T’AIME…

 

Je t’aime et je ne sais ce que je te voudrais.
Hier mes jambes douces et claires ont tremblé quand ma gorge t’a touché, lorsque je courais.

Moi, le sang a coulé plus fort comme une roue, jusqu’à ma gorge, en sentant tes bras ronds et doux luire à travers ta robe comme des feuilles de houx.

Je t’aime et je ne sais pas ce que je voudrais.
Je voudrais me coucher et je m’endormirais…
La gentiane est bleue et noire à la forêt.

Les troupeaux de l’Automne vont aux feuilles jaunes, la tanche d’or à l’eau et la beauté aux femmes et le corps va au corps et l’âme va à l’âme.

Francis Jammes

EVOLUTION


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EVOLUTION

 

Est-ce quand la pluie grise devînt plus sombre que le paysage se fit tout blanc ? Je ne vois d’autre explication. Il y eut un long bruit d’amas et tout disparut dans la glace pilée

 Tous ces chevaux

On aurait dit des lignes de vagues puisées avec un immense récipient

Si un coq avait eu l’impudence de se montrer il aurait vite été submergé par le torrent de nuit inhabituelle

Un gros transatlantique qui roulait son caisson envoya des craquements sinistres par la gueule de ses cheminées

De son nom qui montait sur le pont, quelques lettres blanches permettaient juste de lire Méduse au ras d’eau

J’ai entendu la misère humaine s’interroger pour obtenir un responsable susceptible de fournir la plus haute indemnité. D’aucuns avançant le manque d’amour comme l’injustice principale.Par milliers des petites galettes noires colonisaient un paradis pour touristes, au coeur duquel poussaient des pavots et le centre mondial de la fabrication des seringues. Les enfants furent mis à la tête de la recherche des emphétamines fabriquées à base de résidus d’enseignants.

Le temps où l’on donnait un réveil au roi nègre semble bien désuet, pour évangéliser les religieux font au couteau à exciser

Pris d’un désir de rendre service on confia à Trigano, la fabrication des tentes dites baraques de Calais pour les Chapelles de quartier.

Apollinaire qui avait reçu un trou dans la tête durant l’assaut des tranchées de Lou servit d’exemple à Marthe Richard pour interdire les lanternes rouges. On se dirigea à grand V vers le sida

Les poètes sont une race à passer au crématoire. Quand enfin on aura compris que le fascisme est la seule régulation possible par l’extrême, non seulement on se chauffera aux livres pour limiter la pollution, mais on aimera faire du mal ce qui n’a jamais quitté l’homme depuis le premier jour.

Quand le blanc des chevaux ne fut plus qu’une traînée unique, je devins un géranium comme naturellement ça se passe à l’âge du crottin. C’est ainsi que je suis devenu éternel sur un balcon de jardin suspendu d’étoile.

Niala-Loisobleu – 08/11/19

EMPLOI DU TEMPS


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EMPLOI DU TEMPS

Du démantèlement des rouages parlons-en. Le système horloger à vau-l’au patouille comme en lise un jour que Beethoven pourrait s’abstenir d’écrire en se contentant d’être sourd. Au point que dans la passe scoumoune démissionner est sagesse, plutôt que multiplier les quiproquos. A vouloir aller à contresens de l’esprit de contradiction on atteint le point de non-retour. Jusqu’à défier la règle numérique du temps, je me suis blessé sauvagement le pied droit en me plantant le forêt de la perceuse qui m’a échappé. L’atelier s’en trouvant vertement mis en doute, j’arrête en me tournant vers la priorité majeure : ma santé. Immobilisé, en pompant à droite ou à gauche sur internet il y a de quoi faire présence. Comme mettre une chanson par exemple.

Niala-Loisobleu – 08/11/19

 

DE L’EAU


Francis Ponge

 

DE L’EAU

 

Plus bas que moi, toujours plus bas que moi se trouve l’eau. C’est toujours les yeux baissés que je la regarde. Comme le sol, comme une partie du sol, comme une modification du sol.

Elle est blanche et brillante, informe et fraîche, passive et obstinée dans son seul vice : la pesanteur; disposant de moyens exceptionnels pour satisfaire ce vice : contournant,
transperçant, érodant, filtrant.

A l’intérieur d’elle-même ce vice aussi joue : elle s’effondre sans cesse, renonce à chaque instant à toute forme, ne tend qu’à s’humilier, se couche à plat ventre
sur le sol, quasi cadavre, comme les moines de certains ordres. Toujours plus bas : telle semble être sa devise : le contraire d’excelsior.

*

On pourrait presque dire que l’eau est folle, à cause de cet hystérique besoin de n’obéir qu’à sa pesanteur, qui la possède comme une idée fixe.

Certes, tout au monde connaît ce besoin, qui toujours et en tous lieux doit être satisfait. Cette armoire, par exemple, se montre fort têtue dans son désir d’adhérer au
sol, et si elle se trouve un jour en équilibre instable, elle préférera s’abîmer plutôt que d’y contrevenir. Mais enfin, dans une certaine mesure, elle joue avec la
pesanteur, elle la défie : elle ne s’effondre pas dans toutes ses parties, sa corniche, ses moulures ne s’y conforment pas. Il existe en elle une résistance au profit de sa
personnalité et de sa forme.

liquide est par définition ce qui préfère obéir à la pesanteur, plutôt que maintenir sa forme, ce qui refuse toute forme pour obéir à sa pesanteur. Et
qui perd toute tenue à cause de cette idée fixe, de ce scrupule maladif. De ce vice, qui le rend rapide, précipité ou stagnant; amorphe ou féroce, amorphe et
féroce, féroce térébrant, par exemple; rusé, filtrant, contournant; si bien que l’on peut faire de lui ce que l’on veut, et conduire l’eau dans des tuyaux pour la faire
ensuite jaillir verticalement afin de jouir enfin de sa fagon de s’abîmer en pluie : une véritable esclave.

… Cependant le soleil et la lune sont jaloux de cette influence exclusive, et ils essayent de s’exercer sur elle lorsqu’elle se trouve offrir la prise de grandes étendues, surtout si
elle y est en état de moindre résistance, dispersée en flaques minces. Le soleil alors prélève un plus grand tribut. Il la force à un cyclisme perpétuel, il
la traite comme un écureuil dans sa roue.

*

L’eau m’échappe… me file entre les doigts. Et encore! Ce n’est même pas si net (qu’un lézard ou une grenouille) : il m’en reste aux mains des traces, des taches, relativement
longues à sécher ou qu’il faut’ essuyer.

Elle m’échappe et cependant me marque, sans que j’y puisse grand-chose.

Idéologiquement c’est la même chose : elle m’échappe, échappe à toute définition, mais laisse dans mon esprit et sur ce papier des traces, des taches
informes.

*

Inquiétude de l’eau : sensible-au moindre changement de la déclivité. Sautant les escaliers les deux pieds à la fois. Joueuse, puérile d’obéissance, revenant tout
de suite lorsqu’on la rappelle en changeant la pente de ce côté-ci.

Francis Ponge