ANNIHILATION


ANNIHILATION
Qu’en est-il de ces heures troubles & désabusées
Où les dieux impuissants fixent la voie lactée
Où les diet nazis s’installent au Pentagone
Où Marilyn revêt son treillis d’Antigone
On n’en finit jamais de refaire la même chanson
Avec les mêmes discours, les mêmes connotations
On n’en finit jamais de rejouer Guignol
Chez les Torquemada, chez les Savonarole
Qui donc pourra faire taire les grondements de bête ?
Les hurlements furieux de la nuit dans nos têtes ?
Qui donc pourra faire taire les grondements de bête ?
Lassé de grimacer sur l’écran des vigiles
Je revisite l’Enfer de Dante & de Virgile
Je chante des cantiques mécaniques & barbares
A des poupées Barbie barbouillées de brouillard
C’est l’heure où les esprits dansent le pogo nuptial
L’heure où
Hubert-Félix Thiéfaine

BORDS DE MER


cb28a5d6d61e72ef20aa1fab5b569774

 

BORDS DE MER

 

La mer jusqu’à l’approche de ses limites est une chose simple qui se répète flot par flot. Mais les choses les plus simples dans la nature ne s’abordent pas sans y mettre
beaucoup de formes, faire beaucoup de façons, les choses les plus épaisses sans subir quelque amenuisement. C’est pourquoi l’homme, et par rancune aussi contre leur immensité qui
l’assomme, se précipite aux bords ou à l’intersection des grandes choses pour les définir. Car la raison au sein de l’uniforme dangereusement ballotte et se raréfie : un
esprit en mal de notions doit d’abord s’approvisionner d’apparences.

Tandis que l’air même tracassé soit par les variations de sa température ou par un tragique besoin d’influence et d’informations par lui-même sur chaque chose ne feuillette
pourtant et corne que superficiellement le volumineux tome marin, l’autre élément plus stable qui nous supporte y plonge obliquement jusqu’à leur garde rocheuse de larges
couteaux terreux qui séjournent dans l’épaisseur. Parfois à la rencontre d’un muscle énergique une lame ressort peu à peu : c’est ce qu’on appelle une plage.

Dépaysée à l’air libre, mais repoussée par les profondeurs quoique jusqu’à un certain point familiarisée avec elles, cette portion de l’étendue s’allonge
entre les deux plus ou moins fauve et stérile, et ne supporte ordinairement qu’un trésor de débris inlassablement polis et ramassés par le destructeur. Un concert
élémentaire, par sa discrétion plus délicieux et sujet à réflexion, est accordé là depuis l’éternité pour personne : depuis sa formation par
l’opération sur une platitude sans bornes de l’esprit d’insistance qui souffle parfois des cieux, le flot venu de loin sans heurts et sans reproche enfin pour la première fois trouve
à qui parler. Mais une seule et brève parole est confiée aux cailloux et aux coquillages, qui s’en montrent assez remués, et il expire en la proférant; et tous ceux qui
le suivent expireront aussi en proférant la pareille, parfois par temps à peine un peu plus fort clamée. Chacun par-dessus l’autre parvenu à l’orchestre se hausse un peu le
col, se découvre, et se nomme à qui il fut adressé. Mille homonymes seigneurs ainsi sont admis le même jour à la présentation par la mer prolixe et prolifique en
offres labiales à chacun de ses bords.

Aussi bien sur votre forum, 6 galets, n’est-ce pas, pour une harangue grossière, quelque paysan du Danube qui vient se faire entendre : mais le Danube lui-même, mêlé à
tous les autres fleuves du monde après avoir perdu leur sens et leur prétention, et profondément réservés dans une désillusion amère seulement au goût de
qui aurait à conscience d’en apprécier par absorption la qualité la plus secrète, la saveur.

C’est en effet, après l’anarchie des fleuves, à leur relâchement dans le profond et copieusement habité lieu commun de la matière liquide, que l’on a donné le nom
de mer. Voilà pourquoi à ses propres bords celle-ci semblera toujours absente : profitant de l’éloi-gnement réciproque qui leur interdit de communiquer entre eux sinon
à travers elle ou par de grands détours, elle laisse sans doute croire à chacun d’eux qu’elle se dirige spécialement vers lui. En réalité, polie avec tout le
monde, et plus que polie : capable pour chacun d’eux de tous les emportements, de toutes les convictions successives, elle garde au fond de sa cuvette à demeure son infinie possession de
courants. Elle ne sort jamais de ses bornes qu’un peu, met elle-même un frein à la fureur de ses flots, et comme la méduse qu’elle abandonne aux pêcheurs pour image
réduite ou échantillon d’elle-même, fuit seulement une révérence extatique par tous ses bords.

Ainsi en est-il de l’antique robe de Neptune, cet iiinonccllcnient pseudo-organique de voiles sur les trois quarts du monde uniment répandus. Ni par l’aveugle poignard des roches, ni par
la plus creusante tempête tournant des paquets de feuilles à la fois, ni par l’œil attentif de l’homme employé avec peine et d’ailleurs sans contrôle dans un milieu
interdit aux orifices débouchés des autres sens et qu’un bras plongé pour saisir trouble plus encore, ce livre au fond n’a été lu.

Francis Ponge

 

 

J’ai pissé contre le vent à vomir dedans

quand apercevant l’indien sortir en flammes de sa forêt 

l’eau m’a manqué pour éteindre l’entendement de ma vue

j’oppose l’acte de peindre à ce crime

encore étonné d’être le dernier lucide

autour de la table d’un casino de jeu à Biarritz

 

Niala-Loisobleu – 24 Août 2019

ENTRE TIEN EMOI 113


cropped-a5ac5ac76d480f42d4dd0e744a5bf8c81

ENTRE TIEN EMOI 113

 

Elle, par bonheur, et toujours nue de Guy Goffette

Marthe consent à être nue devant lui et prise, surprise, dessinée

Nue sur le lit juste après l’amour, voluptueuse encore, indolente, une main caressant le sein où le plaisir longuement s’étire, 

Nue à demi enfilant ses bas et tournant la rouge jarretière, la jambe prête aux pires écarts,

Hésitant entre deux, le jour attend que ses yeux choisissent pour y voir plus clair. Il la regarde comme s’il n’était pas sorti d’elle, c’est bon de remonter la rivière au matin, le bord frôle doucement la faim du ventre. Ses seins ont glissé sur le bord, le gauche est sorti du lit, des deux il se prend pour l’aîné et va toujours voir en avant.
La clarté se glisse par la fenêtre ouverte
On voit la touffe prendre une goulée d’air.
Dans l’instant du levé accompagné de cette image, l’odeur de café frais chatouille la marche. Le corps se trempe dans le jus d’orange, les fruits sourient sur la table.  Le chien va plus vite que le temps nécessaire au réveil, il saute déjà comme si ce jour avait plus que les autres.
– Bonjour, comme le soleil arrive pour avaler l’ombre elle vient d’entrer, mi-peau et mi-chiffon, ce que je vois dans le désordre me donne la certitude que tout est en place, les pinceaux sont propres et le chevalet est dressé, la toile a les yeux tournés sur l’encrier.
Niala-Loisobleu – 24/08/19

L’ATELIER VAGABOND


61f8bd17344f15467d97e5b7d20fb3c9

L’ATELIER VAGABOND

 

Un instant à peine c’était Charente, pierre tuf, agapanthes de pots, Barbara-Clématite – pardon vous auriez du lui laisser la première place et pourquoi elle l’a par nature et je n’ai pas à vous dire – Chaume et son tilleul pleureur d’hélices, un chevaux des chevals, étalons

Ah oui ?

Voilà que c’est l’amandier pourpre qui s’est pris toute la toile comme le lien de son ventre-écrivain à ma peinture-émoi

Et je marche comme un système étranger aux algorythmes, AVEC du sang, un double-coeur, quatre ô reillettes, rien absolument d’une machine artificielle, j’ai un vrai appendice fruitier et elle des oeufs vers pour seule règle

 

TON POÈME

Marche,
N’arrête pas de marcher
D’ouvrir des portes
De soulever des pierres
De chercher dans les tiroirs de l’ombre
De creuser des puits dans la lumière

Cherche,
N’arrête pas de chercher
Les traces de l’oiseau dans l’air
L’écho dans le ravin
L’incendie dans les neiges de l’amandier

Tout l’ignoré
Le caché
L’inconnu
Le perdu

Cherche
Tu trouveras
Le mot et la couleur de ton poème

Jean-Pierre Siméon

 

 

Alors les petits passereaux posent leurs couleurs, les indiens se barrent la poitrine de traits ocres et blancs, la mer n’est pas vague, elle porte à terme dans une folie librement consentie…

 

Niala-Loisobleu – 23/08/19

 

PAUME D’API


433515

PAUME D’API

 

Traversée par sa ligne de vie

et détendant ses cinq branches

ma main tenta de retenir ton sein l’un après l’autre

Débordement

l’été ma parole avait invité les trois autres saisons, le fruit déborde de la coupe

Longue vie me dit la sève en me voyant tenir le coup

le paradis l’a teint

tu peux aller peindre

j’allais à l’atelier en jonglant

 

Niala-Loisobleu – 23/08/19

 

COMME UNE CABANE 


 

2c87d6d5b63c4ab31a7094a6a75aaf9c

COMME UNE CABANE

 

 

La toile crève l’abcès d’un monde inconséquent

arrosant le jardin sec

A la gauche des cloches de verre des pissenlits tiennent la mémoire vive

Les êtres qui sont passés là sortent sans dire un conventionnel « comment ça va »

lucioles des pierres debout ils balisent la piste

que les ifs grimpent en haut de la colline

et lancent le pont qui franchit sur l’arche des toiles

Ce silence qui parle en moi c’est toi en couleur sur un monde neutre d’un néant lunaire retrouvant le pouls d’un espoir  conscient

L’enfant monte dans le train.

 

.Niala-Loisobleu – 23/08/19

NATURISME


 

74167ce0198e28d6387149aa54e47963

NATURISME

 

Le feuillage en tremblait de sentir le vent le plaquer à la toile, retroussé jusqu’en haut du tronc. Il me dit de chercher le fruit, je prends le couteau et suit le jus , alors au loin une cloche chante comme le phare la nuit quand on voit rien, résultat les gens sortent pour dire nous aussi on est tous nus. C’est alors que je vois la peau retournée du chien tirer une langue qu’on aurait dit une flamme. Ah la chaleur, rien de canicule, un truc qui fait salamandre à l’intérieur, que les micas des petits carreaux sont rouge-bleu avec des petits cris d’animal, c’est à ce moment-là que la mer a eu ses règles, elle a foutu tous les maillots au tableau noir. Le petit chat a sorti son chiffon rose pour les effacer.

Niala-Loisobleu – 22/08/19

FIGURATION


5d2c28990baf5521bfbfe9a2f19b9315

FIGURATION

 

D’un tyrien mine de

j’écris cobalt

l’haleine tranquille

nous sommes à couvert

phtalocyanine

vers

L’herbe est si hôte

la pierre à Courbet sous le chaume

mon carnet d’un croquis ma rendu le mot

On voit la place des marguerites à l’endroit où Balthus

a posé le canapé. Dans le souffle du chien passe un sang culotté.

 

Niala-Loisobleu – 22/08/19

HOMME-BOMBE


Henri Michaux

HOMME-BOMBE

 

Non, je n’ai pas d’usine, pas d’outils.
Je suis un des rares hommes-bombes.
Je dis rares, car s’il en est d’autres, que ne l’ont-ils déclaré un jour?
Il est vrai, il demeure possible qu’il y en ait eu.
Nous sommes obligés à quelque prudence.

« Éclater, ça peut être dangereux, un jour », pense le public.

Après tuer, les caresses. «
Qu’il dit, pense le public, mais s’il demeure dans le tuer, s’il s’enfonce dans le tuer, s’il réalise enfin le tuer » et le public, toujours magistrat en son âme simple,
s’apprête à nous faire condamner.

Mais il est temps de me taire.
J’en ai trop dit.

A écrire on s’expose décidément à l’excès.

Un mot de plus, je culbutais dans la vérité.

D’ailleurs je ne tue plus.
Tout lasse.
Encore une époque de ma vie de finie.
Maintenant, je vais peindre, c’est beau les couleurs, quand ça sort du tube, et parfois encore quelque temps après.
C’est comme du sang.

Henri Michaux